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Repenser notre modèle de société<br>
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Publié par : LE MONDE <br>
Le : 03.12.2013 <br>
Par : Jean-Paul Delevoye<br>
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Troisième assemblée de la République, le Conseil économique, social
et environnemental (CESE) joue un rôle de plus en plus important au
sein d’une société déboussolée, d’un univers politique discrédité.
Le général de Gaulle l’avait consolidé, favorisant l’émergence de la
parole des forces vives de la nation pour mieux canaliser les petits
calculs politiciens. Le président Sarkozy l’a fait évoluer, en y
introduisant des représentants du monde étudiant et de la jeunesse,
des environnementalistes, et en imposant la parité hommes-femmes. Le
président Hollande l’a conforté dans sa mission d’assemblée du temps
long et du dialogue en organisant, dès 2012, au palais d’Iéna, les
conférences sociales et environnementales, mais aussi celle sur
lutte contre l’exclusion et la pauvreté.<br>
<br>
La vocation du CESE est d’émettre des avis sur autosaisine, sur
saisine gouvernementale, parlementaire ou par voie de pétition
citoyenne. Réunissant les grandes composantes de la société
française à travers des organisations représentatives, il formule
des recommandations, destinées aux pouvoirs publics. Il contribue
ainsi à l’évolution de la conscience sociale et à l’édifice
juridique de notre pays.<br>
<br>
Nous avons le besoin urgent d’une vision, d’un projet commun, dans
lequel chacun peut se sentir concerné, responsable et acteur. C’est
que nous ne sommes pas en crise, mais en métamorphose. Il nous faut
donc repenser notre modèle de société, dont nous sentons qu’il
atteint des limites : jusqu’où accepter le développement des
inégalités ? Quels sont les outils de socialisation, la place du
travail ? Quel équilibre trouver pour les transferts
intergénérationnels ? Quel est l’impact du vieillissement sur les
évolutions économiques et sociales de notre pays et de l’Europe ?
Comment permettre une meilleure intégration de ceux qui sont exclus,
quelles qu’en soient les raisons ?<br>
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L’AVENIR DE LA FRANCE<br>
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Dans une société qui éprouve des difficultés à débattre sereinement
et à anticiper les évolutions en cours, le CESE peut aborder les
sujets qui engagent l’avenir de la France. Il a ainsi produit tout
récemment des avis sur le fait religieux dans l’entreprise, la
transition énergétique, la compétitivité ou encore l’emploi des
jeunes. Il n’entend pas seulement observer ou constater, mais
participer activement au rebond d’un pays qui fourmille de talents,
d’énergie, d’ambition entrepreneuriale, mais qui est miné, pour
l’instant, par le pessimisme. C’est la raison pour laquelle il croit
sans réserve à la nécessité de la prise de parole, à l’existence de
lieux où débattre, aux espaces de dialogues.<br>
<br>
Les Forums du vivre-ensemble, lancés en 2011, permettent de réunir
des entrepreneurs, des décideurs, des syndicalistes, des
intellectuels, des chercheurs, des élèves et des étudiants, des
responsables d’ONG, et, bien entendu, de nombreux conseillers du
CESE. Ces personnalités débattent librement, dans une enceinte
neutre politiquement, des questions qui traversent la société
française d’aujourd’hui et qui dessinent celle de demain. Ils
répondent à l’ambition d’analyser, pour mieux les prévenir, les
risques de rupture au sein de la société française. Certes, les
médias ont leur rôle à jouer, notamment pour clarifier les enjeux,
mais il n’est pas fréquent d’entendre les citoyens, leurs
associations, les corps intermédiaires. Espace d’échanges et
d’élaboration de consensus, le CESE est un endroit privilégié pour
qu’ils y prennent la parole, et pour qu’on les écoute.<br>
<br>
Jean-Paul Delevoye est président du Conseil économique, social et
environnemental<br>
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Philippe Descola : « Les formes non marchandes d’économie doivent
nourrir notre réflexion »<br>
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Publié par : LE MONDE <br>
Le : 03.12.2013 <br>
Propos recueillis par Roger-Pol Droit <br>
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Que peut nous apprendre un anthropologue de la richesse et de la
pauvreté ? Ces notions sont-elles universelles ? Les réalités
qu’elles désignent affectent-elles le vivre-ensemble de la même
manière dans toutes les sociétés humaines ?<br>
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Pour recueillir des éléments de réponse, nous avons rencontré
Philippe Descola, titulaire de la chaire d’anthropologie de la
nature au Collège de France. Ses recherches de terrain portent sur
les Jivaros Achuar d’Amazonie équatorienne, et il a notamment publié
Par-delà nature et culture (Gallimard, 2005), où il interroge cette
division classique, en montrant qu’il s’agit d’une invention de la
pensée occidentale, et en cherchant comment la dépasser.<br>
<br>
On croit généralement que riches et pauvres sont des conditions
partout présentes. Est-ce vrai ?<br>
<br>
Non, ce n’est pas vrai du tout ! Et pour une raison simple, mais qui
a des conséquences importantes : ce qu’on nomme richesse n’a ni le
même sens ni le même contenu selon qu’on parle de biens marchands ou
non marchands. Dans notre système économique et social, ce sont les
biens de subsistance et le capital productif qui constituent le
modèle des richesses marchandes. En revanche, dans d’autres
cultures, il existe, à côté des biens de subsistance, ce qu’on
appelle des biens de prestige.<br>
<br>
Comment se distinguent ces deux sortes de biens ?<br>
<br>
Nourriture, vêtements, maison, tout ce qui est utile à la vie
quotidienne constitue les biens de subsistance. Les biens de
prestige, eux, servent à marquer la position sociale. Ils font
l’objet de stratégies d’accumulation et compétitions parfois fort
vives, mais ils circulent le plus souvent dans des circuits
distincts de celui des biens de subsistance.<br>
<br>
Ce principe général a jadis été mis en évidence, pour les cultures
de la côte nord-ouest du Pacifique, par l’anthropologue américaine
Cora DuBois. Peu importe que ces biens de prestige soient des
parures, des plaques de cuivre, des coquillages ou même des cochons,
comme en Nouvelle-Guinée, l’important est qu’ils ne sont pas
échangeables avec des biens de subsistance. Ces biens de prestige
peuvent être largement distribués, de manière somptuaire, et cette
prodigalité sert à marquer l’autorité et le statut de celui qui la
pratique.<br>
<br>
En quoi cela diffère-t-il de la richesse et de la pauvreté
économiques, telles que nos sociétés les connaissent ?<br>
<br>
Celui qui est dépourvu de biens de prestige est considéré comme un
moins que rien, mais sa vie quotidienne est pratiquement semblable à
celle de tout le monde, notamment de ceux qui détiennent le pouvoir.
Nous avons du mal à imaginer cette situation. Pourtant, dans ces
cultures, si le désir de distinction, de hiérarchie, de compétition
sociale est d’une violence extrême, il n’aboutit jamais à ce que des
gens se trouvent réduits à mourir de faim.<br>
<br>
L’accumulation de biens de subsistance entre les mains de
quelques-uns paraît inimaginable, contraire au flux de la vie, tout
simplement. On se trouve donc face à des systèmes où l’on est très
attentifs aux prérogatives, aux privilèges, aux positions mais où
l’idée que des gens meurent de faim du fait de cette compétition est
considérée comme une abomination.<br>
<br>
Dans quelle mesure pourrait-on en tirer un enseignement applicable à
nos sociétés ?<br>
<br>
Je suis convaincu que les leçons historiques ou ethnographiques ne
sont pas directement transposables à notre présent, puisqu’elles
correspondent à des circonstances particulières et ne fonctionnent
pas dans d’autres contextes. Cela n’empêche pas de réfléchir au fait
que le présent mode de fonctionnement économique fondé sur le
contrôle du capital productif par de petits groupes de détenteurs
n’est évidemment pas le seul modèle disponible.<br>
<br>
En ce sens, la réflexion sur le destin de notre système économique
passe aussi par une meilleure connaissance des formes non marchandes
d’économie, qui peuvent permettre d’imaginer d’autres systèmes
possibles. D’ailleurs, des économistes comme Schumpeter et des
historiens comme Polanyi en avaient bien conscience. Marx a aussi
travaillé sur les formes de production précapitalistes pour tenter
de comprendre comment elles s’étaient délitées, transformées
progressivement pour aboutir au capitalisme.<br>
<br>
Concrètement, et à très court terme, on devrait faire prendre
conscience de ces évidences dans l’enseignement de l’économie dans
le secondaire. Il est fondamental que l’on puisse enseigner une
économie autrement que comme une sorte de naturalisation des
systèmes productifs propres au capitalisme, ce qui est encore trop
souvent le cas, malheureusement. Il existe une multitude de systèmes
économiques. Ne pas faire l’impasse sur ces formes d’échange, de
production et de consommation est important pour imaginer autre
chose, et ne plus avoir le sentiment que le système dans lequel nous
sommes est inéluctable.<br>
<br>
Roger-Pol Droit (propos recueillis par)<br>
Journaliste au Monde<br>
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<hr size="2" width="100%"><br>
Quand les tensions s’accroissent<br>
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Publié par : LE MONDE <br>
Le : 03.12.2013 <br>
Par : Roger-Pol Droit<br>
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Les uns mangent, les autres non. Variante : les uns se nourrissent
bio, se montrent sveltes et en bonne santé, les autres se contentent
de surgelés trompeurs, trop gras, trop sucrés, deviennent obèses et
diabétiques.<br>
<br>
Voilà qui est évidemment très schématique. Mais cet exemple simple,
parmi cent autres possibles, renvoie à une réalité massive : les
différences de revenus affectent profondément toutes les dimensions
de l’existence. Logement, vêtements, équipement, loisirs, transports
ne sont pas les mêmes, selon que vous êtes riche ou pauvre.
Divergent aussi l’espérance de vie, les dépenses médicales, la
qualité de l’éducation. Sans oublier les regards et la
considération, qui diffèrent insidieusement.<br>
<br>
On n’est jamais vu de la même manière, et on ne voit pas le monde de
façon identique, en fonction de sa richesse ou de sa pauvreté. L’une
et l’autre façonnent aussi les relations avec les autres comme avec
le monde. Chacun sait tout cela. Mais chacun l’oublie – pour éviter,
le plus souvent, d’en tirer les conséquences.<br>
<br>
Mais quelles conséquences, au juste ? Pour commencer à répondre, il
faut d’abord préciser sur quel registre se situera l’analyse.
Parle-t-on de l’ordre mondial, des inégalités entre les pays
développés et les autres, et des moyens de les réduire ? Ou
seulement de la France, des salaires, de l’emploi, des prestations
sociales ? Chaque fois, il s’agit bien du vivre-ensemble. Mais celui
des habitants de la Terre en général et celui des citoyens de la
République en particulier demeurent en partie distincts, bien qu’ils
soient reliés et interdépendants.<br>
<br>
PARADOXE<br>
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C’est pourquoi ce 3e Forum du vivre-ensemble, organisé par le
Conseil économique, social et environnemental (CESE), en partenariat
avec Le Monde, le 5 décembre, veut approcher richesse et pauvreté,
aussi bien dans le monde globalisé où désormais nous vivons tous,
que dans la crise aiguë que traverse la société française.<br>
<br>
Un des paradoxes du moment présent tient au fait que les tensions
montent en France, alors qu’elles semblent diminuer dans le monde. A
l’échelle de la planète, la pauvreté recule, les inégalités
économiques entre les régions du monde se réduisent. Personne ne
dira qu’elles disparaissent, mais la puissante expansion des pays
émergents les fait reculer, comme le souligne Esther Duflo. Au
contraire, l’Hexagone, en dépit de multiples atouts, voit sa
croissance décliner, ses inégalités s’accroître, la pauvreté gagner
du terrain, la précarité s’étendre. Du coup, l’avenir paraît aux
Français de plus en plus sombre. A cet égard, le sondage Ipsos
réalisé spécialement pour Accenture et le CESE à l’occasion de ce
forum est frappant : 55 % des personnes interrogées pensent pouvoir
basculer un jour dans la pauvreté, pourcentage qui grimpe à 61 %
chez les 35-59 ans, à 67 % chez les employés, à 73 % chez les
ouvriers !<br>
<br>
On ne s’étonnera pas, dans ce contexte, de voir les tensions de
toutes sortes s’intensifier en France, et le vivre-ensemble, à son
tour, y entrer en crise. Réfléchir sur le vivre-ensemble aujourd’hui
et sur les horizons à réinventer suppose d’abord de savoir mettre en
lumière ce qui nous oppose. Au lieu d’esquiver, au lieu de taire les
antagonismes et les conflits, il convient de laisser s’exprimer
clairement les contradictions et les discordes. C’est pourquoi, dans
cette série de forums, il a été choisi de toujours aborder le
vivre-ensemble comme une réalité travaillée de tensions : entre
confiance et défiance en 2011, entre temps court et temps long en
2012, entre richesse et pauvreté cette année, en attendant d’autres
thèmes majeurs.<br>
<br>
ENTRELACER LES PAROLES<br>
<br>
Pour aborder ces aspects conflictuels, pour proposer des solutions
concrètes, il est indispensable de faire dialoguer experts et
citoyens, lycéens ou étudiants et professionnels chevronnés. Le pari
de ce forum consiste donc aussi à entrelacer les paroles d’un
anthropologue comme Philippe Descola, d’un économiste de renommée
mondiale, Amartya Sen, Prix Nobel, de philosophes (Catherine
Clément, Alain Renaut, Cynthia Fleury) avec ce que des lycéens de
Montreuil ou de Lyon veulent exprimer de leur richesse personnelle
et de l’avenir qu’ils vont construire. Cette expérience de dialogue
entre générations et compétences diverses, à laquelle participent
également nombre de conseillers du CESE, n’ignore pas ses limites :
on ne pourra, en un jour, aborder toutes les questions vives. Mais
ce forum a valeur d’exemple et, conformément à la vocation du CESE,
il peut ouvrir la voie à d’autres débats et réflexions.<br>
<br>
Car il n’est pas vrai que tout ait déjà été dit. On peut sans doute
éprouver le sentiment, surtout en ce qui concerne richesse et
pauvreté, que toutes les réponses ont été formulées – religieuses,
révolutionnaires ou réformistes –, que toutes les tentatives ont été
mises en œuvre – de la charité à la coopération internationale, du
collectivisme à l’action humanitaire. Ce serait une erreur de s’en
tenir à ces constats.<br>
<br>
Il y a du nouveau sous le soleil. Le monde mute, et beaucoup reste à
inventer. C’est pourquoi il convient aussi de se souvenir que les
notions de richesse et de pauvreté ont une palette de sens bien plus
vaste que purement économique et financier. On peut être riche ou
pauvre d’émotions, de sentiments, de dons personnels, de qualités
humaines, de capacités créatrices. Et les partager, ou les échanger,
avec les autres. A l’évidence, cela concerne aussi, directement, le
vivre-ensemble.<br>
<br>
Renseignements et inscriptions : Levivreensemble.fr<br>
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Roger-Pol Droit<br>
Journaliste au Monde<br>
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : <a class="moz-txt-link-abbreviated" href="mailto:denis.lebioda@laligue-alpesdusud.org">denis.lebioda@laligue-alpesdusud.org</a>
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Nos sites :
<a class="moz-txt-link-freetext" href="http://www.laligue-alpesdusud.org">http://www.laligue-alpesdusud.org</a>
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