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"Bref, c’est le moment de lancer un plan massif pour faire entrer
la culture à l’école, multiplier les actions dans les quartiers,
développer les pratiques amateurs, mais on n’en prend pas le
chemin.</i><i>"</i><br>
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Bientôt un Brexit culturel<br>
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Publié par : LE MONDE <br>
Le : 01.07.2016<br>
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Par Michel Guerrin, rédacteur en chef au « Monde »<br>
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Donc le pays le plus libéral d’Europe se referme comme une huître.
Depuis, c’est le choc, qui est aussi culturel. Et se vérifie
ailleurs.<br>
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Qui est contre les frontières ? Les jeunes, les citadins, ceux qui
voyagent, font la nuit, vont au spectacle, courent les expositions,
aiment découvrir d’autres cultures et façons de vivre.<br>
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Qui est pour ? Les retraités, les inactifs, les pauvres, ceux qui
ont fait peu d’études, les rurbains qui vivent dans un désert
culturel, voyagent à travers la télévision plutôt qu’avec Erasmus,
rejettent la création cosmopolite. Ils ne profitent pas de l’Europe
et veulent casser le jouet des autres.<br>
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Or ce sont les mêmes qui ne profitent en rien de la culture. En
France, par exemple.<br>
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Culture « confisquée »<br>
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Il y a quelques semaines, nous avons publié une chronique intitulée
« On ne cultive que les riches ». La France est championne pour
construire des théâtres, musées, salles de concert, mais la France
des barres de banlieues comme des pavillons n’y va pas. Elle estime
que cette culture n’est pas pour elle, qu’elle est faite pour les
classes moyennes et aisées du cœur des villes. Cette fracture, c’est
celle du Brexit.<br>
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Pourquoi payer pour une Europe qui n’est pas pour nous ? Pourquoi
payer pour une culture qui n’est pas pour nous ? Allez voir à la
périphérie des villes ce que l’on pense des intermittents. Et ce que
l’on pense des filles et fils de chanteurs, d’acteurs, d’artistes,
dont la réussite évoque une caste. Le Front national (FN) est ravi
du Brexit. Tous les populistes le sont. Et tous dénoncent une
culture « confisquée par les élites ».<br>
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Quand on évoque cette fracture, les patrons de musées, de théâtres
ou de festivals opposent les dizaines d’actions en faveur des plus
défavorisés. Ils ne voient pas qu’il faut changer de logiciel. Il y
en a un qui l’a compris, c’est Bernard Foccroulle, le directeur du
Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), qui, le
25 janvier, écrit dans Le Monde : « L’art et la culture pourraient
créer davantage de liens. Trop souvent, ils ne font que renforcer
les clivages sociaux. »<br>
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Inventer autre chose<br>
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Notre logiciel date de 1959, autrement dit une éternité, quand André
Malraux crée un ministère de la culture autour d’une idée généreuse
: donnons à voir, à lire, à écouter les grandes œuvres, et chacun
aura la « révélation » de la culture.<br>
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Il n’avait tort que sur un point : un Shakespeare à 10 euros n’est
pas suffisant pour que les gens modestes y aillent ; la gratuité non
plus. Construire un théâtre dans une « banlieue sensible » ne fait
pas accourir les riverains. Le livre de poche ne fait pas lire ceux
qui ne lisent pas. Dire « regardez, c’est magnifique » ne marche
pas.<br>
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Cela ne signifie pas qu’il faut casser ce qui existe, même s’il y
aurait beaucoup à dire. Ce n’est pas parce que le public du Festival
d’Avignon n’est pas aussi « populaire » que le voulait Jean Vilar
qu’il faut supprimer Avignon.<br>
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Non, il faut inventer autre chose, mais en plus, pour récupérer les
naufragés de la culture. Il faut que ce soit un jeune homme de 85
ans, Michel Rocard, qui le dise dans Le Point du 23 juin : « Le
véritable socialisme, c’est l’accès pour tous aux activités de
l’esprit, donner à l’homme plus de temps libre pour la culture. Pour
le moment, on est loin de tout ça. »<br>
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« Absence d’envie »<br>
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On en est loin parce que depuis Jack Lang, on ne sent plus de
ferveur culturelle – surtout pas avec François Hollande. On en est
loin à cause du fiasco des arts à l’école. C’est lassant de le
rappeler : si on ne donne pas aux enfants le goût de la culture, ils
ont très peu de chance de s’y intéresser à l’âge adulte.<br>
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Depuis trente ans, on pourrait citer des centaines d’initiatives à
l’école, mais jamais une politique structurée, massive, sur une
longue durée n’a vu le jour. Ajoutons ce constat : pourquoi l’art,
la musique et la lecture sont des plaisirs au primaire, des pensums
au collège, et pire au lycée ?<br>
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Dans les années 1960, à côté de la « haute culture » prônée par
Malraux, on a développé en France un riche réseau associatif qui a
défendu les pratiques amateurs et l’animation de proximité. Les
maisons de la jeunesse et de la culture, les fameuses MJC, étaient
les emblèmes de ce qu’on appelait, parfois avec mépris, le « sociocu
».<br>
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Les jeunes allaient à la MJC pour apprendre à danser, faire du
théâtre ou voir un spectacle. Le public n’était pas seulement
spectateur mais acteur. La culture n’est pas la chasse gardée de
professionnels qui décident du beau, mais un imaginaire dont chacun
doit s’emparer.<br>
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C’est ce qui manque cruellement aujourd’hui, explique Hugues de
Varine, auteur de La Culture des autres (Seuil, 1976) : «
L’éducation populaire et les pratiques amateurs ont presque
totalement disparu au profit d’une culture institutionnelle dont les
codes sont peu ou pas du tout compréhensibles par la majorité des
Français, ce qui explique l’absence d’envie de cette culture. »<br>
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« Découragement »<br>
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Il y a pourtant sur le terrain des centaines de soutiers de la
culture qui se battent pour renouer les liens. Mais ils flanchent.
Les communes, leur premier employeur, manquent d’argent et les fait
trinquer. L’Etat les snobe.<br>
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William Benedetto anime le cinéma municipal l’Alhambra, dans les
quartiers nord de Marseille. Il y a un an, il a envoyé une lettre
ouverte au ministère de la culture pour dire combien des dizaines
d’acteurs de terrain sont gagnés par « le découragement ». Lettre
restée sans réponse.<br>
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Bref, c’est le moment de lancer un plan massif pour faire entrer la
culture à l’école, multiplier les actions dans les quartiers,
développer les pratiques amateurs, mais on n’en prend pas le chemin.<br>
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D’autant que les résultats ne seraient visibles que dans dix ou
quinze ans. Michel Rocard, toujours au Point : « Les politiques sont
harcelés par la pression du temps. Ni soirée ni week-end
tranquilles, pas un moment pour lire, or la lecture est la clé de la
réflexion. Ils n’inventent donc plus rien. »<br>
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Michel Guerrin<br>
Journaliste au Monde<br>
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : <a class="moz-txt-link-abbreviated" href="mailto:denis.lebioda@laligue-alpesdusud.org">denis.lebioda@laligue-alpesdusud.org</a>
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