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Fin des emplois aidés : veut-on d’une société où les politiques
sociales sont décidées par les multinationales ?<br>
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Publié par :
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Par : Jérôme Polidor <br>
Le : 10 novembre 2017<br>
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Ce 10 novembre, les associations organisent une seconde « journée
noire » pour protester contre la suppression des emplois aidés, qui
met à mal leurs activités d’utilité sociale. Dans cette tribune,
Jérôme Polidor, réalisateur du film Merci les jeunes !, interroge la
logique gouvernementale et sa politique visant à faire du « social
low cost », synonyme d’abandon des populations bénéficiant de
l’action des associations.<br>
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Merci les jeunes ! raconte la vie d’une association du 93, dans ses
relations avec les institutions, dans les rapports et enjeux de
pouvoir entre les salariés, les bénévoles, avec ses amitiés, ses
histoires d’amour et de haine. Un modèle d’organisation contre
lequel l’État a lancé une charge inédite à l’été 2017, avec la
suppression des emplois aidés, et l’annulation de 50 millions
d’euros de crédits « politique de la ville » pourtant déjà promis
aux structures.<br>
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Les associations sont les premières à reconnaître que le modèle est
imparfait : car comment se se satisfaire d’emplois jetables comme
les « contrats d’accompagnement dans l’emploi » (CAE) et les «
contrats initiative emploi » (CUI) ? Mais la suppression de ce
dispositif aggrave encore la situation, a des conséquences directes
sur des dizaines de milliers de personnes, salariées ou usagères des
associations. Et met en péril l’existence d’un nombre incalculable
de petites associations, atomisées dans toute la France, qui n’ont
pas les moyens de se fédérer pour se défendre alors qu’elles doivent
trouver des solutions d’urgence pour survivre et assurer leurs
activités.<br>
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La fin de la mauvaise conscience du capitalisme<br>
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« La diversité ce n’est pas une critique du capitalisme ; c’est sa
bonne conscience. » L’universitaire Walter Ben Michaels – professeur
de littérature à l’université de l’Illinois à Chicago – explique aux
personnages fictifs de Merci les jeunes ! comment les concepts
américains d’égalité des chances et de diversité sont des outils de
légitimation des inégalités. Car ce qui est injuste, ce n’est pas un
système de domination, de reproduction sociale et de captation de la
richesse par une élite, mais c’est que les minorités ethniques et
sexuelles ne soient pas assez représentées parmi cette élite… Alors
il suffit de plus de femmes, plus de personnes issues des «
minorités visibles » parmi les célébrités et les dirigeants, et la
société sera mécaniquement plus juste…<br>
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Ce fut l’une des réponses apportées à la suite des émeutes survenues
dans les banlieues à l’automne 2005. Le tissu associatif fut
considéré comme un relai de la « politique de la ville » chargée,
entre autre, de faire la promotion de la diversité.<br>
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Du social « low cost »<br>
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Dix ans plus tard, le passage à l’acte meurtrier de jeunes
fanatiques religieux ayant grandi dans les quartiers « prioritaires
» a changé la donne. La confiance de la classe politique dans les
associations de terrain s’est émoussée. A la suite de l’OPA de M.
Macron et de ses acolytes sur l’État, la mauvaise conscience semble
s’être évaporée. La méritocratie serait-elle répandue au point que «
ceux que ne sont rien » ne méritent plus d’assistance ? Les
associations seraient-elles devenues inefficaces, inutiles ?<br>
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Faut-il rappeler que nombre des actions proposées par les
associations viennent combler des lacunes des services publics ? Il
s’agit d’aide aux devoirs, d’alphabétisation, de projets éducatifs,
artistiques, sportifs…. Alors l’indépendance des associations n’est
que très relative et surtout synonyme de précarité de l’emploi et de
conditions de travail dégradées. Combien coûteraient à l’État et aux
collectivités locales toutes ces actions de terrain si elles
n’étaient pas sous-traitées aux associations mais menées par des
fonctionnaires décemment payés et avec une vraie sécurité de
l’emploi ?<br>
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Le modèle de l’entreprise transposé sans nuances<br>
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Le modèle de l’entreprise est appliqué progressivement aux
associations. Prenons l’exemple de la « politique de la ville ». Des
cabinets de conseils privés réalisent, de loin, des audits sur les
territoires et dictent les nouveaux objectifs et critères
d’évaluations. Ceux-ci sont repris dans des appels à projets,
calqués sur le principe de l’appel d’offre commercial, mettant en
concurrence les associations pour assurer à moindre coût les
missions de service public identifiées. Les appels à projets sont
annuels, ce qui plongent les associations dans une incertitude
permanente, renforcée depuis l’été 2017 par le fait inédit que
l’État puisse revenir sur les décisions d’attribution de subventions
sans préavis ni justification.<br>
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Les méthodes d’évaluations se complexifient, les contrôles sont
renforcés. On demande ainsi aux associations de produire plus de
documents administratifs, plus détaillés, tout en réduisant chaque
année le montant des subventions. On leur demande de mesurer des «
taux de sortie favorables » comme si la valeur ajoutée d’un atelier
d’écriture, d’une sortie culturelle ou d’un goûter partagé était
immédiatement quantifiable. C’est encore la logique entrepreneuriale
du « faire plus avec moins », comme si une association intervenant
dans le champ de l’action sociale pouvait générer des gains de
productivité réguliers.<br>
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Privatisation de l’action sociale<br>
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Solliciter des fondations d’entreprise devient quasiment obligatoire
pour compenser les baisses de fonds publics et assurer l’équilibre
financier d’une association. C’est l’un des points de départ de la
discorde entre les personnages de Merci les Jeunes !. Car si l’on
pouvait déjà s’inquiéter d’un contrôle croissant des projets par les
institutions, que dire de la montée en puissance des fondations ?<br>
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Elles aussi émettent des appels à projet, mais cette fois, ce sont
les entreprises à laquelle elles sont adossées qui définissent les
champs d’action, les critères d’éligibilité, les modalités des
aides, en fonction d’une stratégie de communication visant à
embellir l’image de la marque. Ainsi la fondation Orange soutient
prioritairement des projets basés sur les outils numériques, la
fondation du bâtisseur Vinci soutient les projets liés à l’accès au
logement, etc. Veut-on d’une société où les politiques sociales sont
décidées par les multinationales ?<br>
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Fin du salariat, aidé ou non…<br>
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Dans cette même logique, le premier ministre Édouard Philippe a
déclaré les emplois aidés « coûteux et inefficaces ». Il est vrai
que la plupart du temps les associations sont incapables de
pérenniser ces emplois. Mais comment pourrait-elle le faire alors
que les subventions fondent de toute part ? En vendant des
prestations de services, des produits dérivés ? Elles sont donc
obligées de renouveler leurs salariés à chaque fois que l’aide
arrive à son terme, repartant à zéro avec de nouveaux salariés
pendant que les anciens sont laissés sur le carreau…<br>
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Mais par qui vont être remplacés ces coûteux salariés ? Des «
volontaires » en services civiques, sous-payés et sans droits
sociaux ? Des auto-entrepreneurs facturant des micro prestations çà
et là ? A y regarder de plus près, il y a une grande cohérence avec
la casse du droit du travail, menée en parallèle par le même
gouvernement. Pourquoi le secteur associatif serait-il épargné ? Et
que se passera-t-il lorsque les associations les plus fragiles
auront mis la clef sous la porte ? Qui remportera les appels à
projet ? Des grosses associations régionales ou nationales qui
profitent déjà de dispositifs taillées sur mesures ? Va-ton vers une
logique de fusion acquisition, chère à M. Macron, appliquée au monde
associatif ?<br>
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Merci les jeunes ! ne répond bien évidemment pas à ces questions,
mais propose une histoire subjective de la richesse des relations
humaines que propose le secteur associatif, des contradictions et
tensions qui l’habitent. Bientôt un document d’archive ?<br>
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Jérôme Polidor, réalisateur<br>
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Dessin : Rodho<br>
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : <a class="moz-txt-link-abbreviated" href="mailto:denis.lebioda@laligue-alpesdusud.org">denis.lebioda@laligue-alpesdusud.org</a>
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Nos sites :
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