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Laïcité à l’école : les enseignants en première ligne<br>
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59 % des 650 enseignants sondés par l’IFOP estiment la laïcité en
danger. Parmi les situations problématiques rapportées,
l’enseignement moral et civique, la mixité filles-garçons ou encore
le temps de recueillement sont en première ligne.<br>
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Publié par : LE MONDE <br>
Le : 12.06.2018<br>
Par Mattea Battaglia<br>
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Laïcité falsifiée, laïcité instrumentalisée, laïcité contestée…
Entre l’école et le principe républicain érigé au XIXe siècle, au
fondement de notre système éducatif, l’histoire récente n’est pas
simple à raconter.<br>
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En donnant la parole à plus de 1 500 enseignants sur le sujet – un
échantillon de 650 professeurs sondés par l’IFOP, un autre de 999
longuement interviewés –, le Comité national d’action laïque (CNAL),
fédération de cinq organisations impliquées de longue date sur le
terrain de l’éducation <b>(dont la Ligue de l’enseignement)</b>, a
deux ambitions : nourrir de faits et de témoignages un débat rythmé
par les polémiques – sur le voile, les repas sans porc, les
enseignements contestés –, et jauger le plus objectivement possible
un phénomène de contestation prompt à toutes les
instrumentalisations.<br>
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L’enquête que dévoile le CNAL, mercredi 13 juin, à l’occasion d’un
colloque, à Paris, que le ministre de l’éducation a promis de venir
conclure, se concentre sur ceux qui, de la primaire au lycée, sont
en première ligne face aux « atteintes à la laïcité », selon
l’expression en vigueur.<br>
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Les « ZEP » surexposées<br>
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Les résultats, dont Le Monde a pu prendre connaissance, ne dessinent
pas une école à feu et à sang : à peine plus d’un enseignant sur dix
de l’échantillon IFOP témoigne de contestations « régulières » et/ou
« de temps en temps » de la loi du 15 mars 2004 sur le port de
signes religieux, ratio qui dépasse néanmoins un sur trois dès lors
que sont intégrées les atteintes occasionnelles.<br>
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Au fil des chiffres, une différence très nette se dessine entre
l’expérience faite de ces contestations dans les établissements
relevant de l’éducation prioritaire et celle dans les établissements
lambda. Les mises en cause de la loi atteignent, en REP (label qui a
succédé, en 2014, à celui de ZEP), un « score préoccupant » pour le
CNAL, qu’elles soient le fait d’élèves (34 % contre 9 % hors REP),
de parents (22 % contre 8 %) ou même d’autres personnels de
l’éducation (23 % contre 6 %). D’autres contestations y sont aussi
plus marquées, autour des questions de restauration scolaire, des
fêtes religieuses ou des sorties, par exemple.<br>
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L’enquête tire la sonnette d’alarme sans verser dans le fatalisme :
dans la quasi-totalité des cas (97 %), le dialogue a suffi à
résoudre les tensions, disent les enseignants, et le climat scolaire
est très majoritairement jugé apaisé (91 %). Moins du cinquième des
sondés pour qui la laïcité fait l’objet de contestations ont eu
recours à des procédures disciplinaires. Reste que, dans le même
temps, plus du tiers de ces enseignants reconnaît s’être déjà
autocensuré en classe pour éviter des incidents – plus de la moitié
en éducation prioritaire.<br>
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Un diagnostic officiel<br>
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La loi d’orientation votée sous la gauche, à l’été 2013, a réaffirmé
parmi les missions de l’école la transmission du principe de
laïcité. Dans le sillage des attentats de 2015, l’institution a
sonné la mobilisation : « L’école est et sera en première ligne,
avec fermeté, discernement et pédagogie, pour répondre au défi
républicain », martelait alors la ministre de l’éducation de
l’époque, Najat Vallaud-Belkacem. Son successeur, Jean-Michel
Blanquer, a renchéri dans cette logique, installant un « conseil des
Sages » de la laïcité, déployant des « unités laïcité », distribuant
un « livret laïcité », promettant même une « hot line » laïcité…<br>
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Sur le plan rhétorique, le message est clair : l’éducation nationale
ne laissera rien passer. Sur le fond – quelles sont les difficultés
sur le terrain et comment les enseignants y font face –, un certain
flou demeure : dans un récent entretien à L’Express, M. Blanquer a
d’ailleurs promis un « diagnostic » à la fin de l’année.<br>
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Le CNAL l’a donc devancé, en dressant la liste, à partir des
déclarations d’enseignants, d’une douzaine de « cadres » de
contestations différents. Entre les cours d’histoire-géographie, les
plus fréquemment cités (35 % des enseignants concernés par des
contestations) et les ateliers technologiques ou professionnels (6
%), trouvent place les séquences de sport (32 %), l’enseignement du
fait religieux (27 %) ou encore les cours de sciences (22 %). « Des
exemples que l’on ressasse depuis le rapport Obin de 2004 [rapport
des inspections générales] auquel j’avais moi-même participé,
rappelle Jean-Paul Delahaye, président du CNAL et vice-président de
la Ligue de l’enseignement. Il était temps d’actualiser le tableau
pour qu’il soit plus conforme à ce que vit, en 2018, la communauté
éducative. »<br>
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« Tendance au renforcement »<br>
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Parmi les situations problématiques actuelles se distingue ainsi
l’enseignement moral et civique (20 %), cette « morale laïque »
introduite par l’ex-ministre de l’éducation, Vincent Peillon, dont
M. Delahaye fut l’un des plus proches conseillers. La mixité
filles-garçons fait aussi l’objet de débats (22 %). Mais ce sont les
temps de recueillement, comme les minutes de silence post-attentats,
qui ont provoqué, après l’enseignement de l’histoire, les mises en
cause les plus fréquentes (33 %).<br>
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La proportion des enseignants constatant une recrudescence de ces
mises en cause ne dépasse pas celle pour qui la situation paraît
stable (42 % versus 44 %). Il n’empêche : les enseignants évoquant
un « reflux » sont très minoritaires (14 %), signe, selon le CNAL,
d’une « tendance au renforcement » de ces phénomènes.<br>
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Tenter un état des lieux n’est pas simple, la méthodologie retenue
étant toujours l’objet de critiques, ce que n’ignorent pas les
auteurs de l’enquête : « Face à des propos qui dérangent en classe,
il faut faire le distinguo entre ce qui relève de la contestation
avérée et de la provocation adolescente, ce qui s’explique par
l’ignorance, la méconnaissance, les croyances ou l’endoctrinement »,
observe Remy-Charles Sirvent, secrétaire du SE-UNSA et du CNAL.<br>
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Refus implicites<br>
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Mais « le plus dangereux », pour ce professeur des écoles, c’est «
quand l’élève se mure dans le silence, quand il ne revendique rien
mais n’en pense pas moins, et qu’il y a impossibilité de débattre ».
L’un des points clés du rapport parlementaire sur la prévention de
la radicalisation remis, le 16 mai, par les députées Sandrine Mörch
(LRM) et Michèle Victory (Nouvelle Gauche) va dans ce sens : « Rien
n’est pire que lorsque les enfants ne s’expriment pas. » Des refus
implicites qui échappent au recensement.<br>
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Faut-il, dès lors, s’étonner que 59 % des enseignants sondés
estiment la laïcité en danger ? Le ratio est élevé mais en retrait
du reste de l’opinion publique : 72 % des Français partagent ce
constat, selon l’IFOP. Le corps enseignant se distingue, aussi, dans
son analyse de la situation : lui invoque en premier lieu la montée
des communautarismes, quand les Français citent la place croissante
des religions et le port de signes religieux.<br>
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« Les enseignants doivent être considérés comme des lanceurs
d’alerte, reprend Jean-Paul Delahaye. A l’heure où l’on se gargarise
de vivre ensemble, eux sont à l’avant-poste pour faire le constat
que les jeunes sont de plus en plus dans le côte à côte, voire dans
le face-à-face. » Pour que leurs réponses pédagogiques s’améliorent
et s’uniformisent, pas de recette miracle, disent les enseignants,
mais de la formation – le « nerf de la guerre » –, encore jugée très
insuffisante. Et une « mise en cohérence de la laïcité dans la
société et de la laïcité à l’école », plaide le CNAL. Sur ce plan-là
aussi, beaucoup reste à faire.<br>
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : <a class="moz-txt-link-abbreviated" href="mailto:denis.lebioda@laligue-alpesdusud.org">denis.lebioda@laligue-alpesdusud.org</a>
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Nos sites :
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