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<small><font color="#000099"><b><big><big><big>Quand
le prêtre formera l'instituteur</big></big></big></b></font></small>
<div class="dt"><b><br>
par Caroline Fourest</b><br>
<big>Le Monde </big><br>
Article paru dans l'édition du 02.05.09<br>
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On assiste à un assaut sans précédent pour tenter d'affaiblir
l'enseignement républicain et laïque au profit de l'enseignement privé
et confessionnel. En principe, la République <i>« ne reconnaît, ne
salarie, ni ne subventionne aucun culte »</i>. En coulisse, tout est
fait pour torpiller l'esprit de cette loi dès qu'il s'agit d'éducation
nationale.
<p>Dans la plus grande discrétion, tout un pan du discours prononcé par
Nicolas Sarkozy à Saint-Jean-de-Latran vient d'entrer en vigueur. On se
souvient de cette phrase dans laquelle le président plaçait le prêtre
au-dessus de l'instituteur <i>« dans la transmission des valeurs »</i>.
Depuis, il a tenté de minimiser. Ces mots traduisent pourtant une
vision de la transmission et de l'enseignement que son gouvernement
applique à la lettre.</p>
<p>Dans une autre partie de son discours, moins célèbre, le président
regrettait que la République ne reconnaisse pas la <i>« valeur des
diplômes délivrés par les établissements d'enseignement supérieur
catholique »</i>. On pensait à la reconnaissance de diplôme de
théologie... Ils n'ont pas à être validés par la République puisqu'elle
ne « reconnaît aucun culte ». Mais le président s'obstine. Notamment
avec l'arrière-pensée de pouvoir estampiller la formation des imams
rêvée par le ministère de l'intérieur mais dispensée par la Catho. Un
bricolage qui ne fait que renforcer l'impression d'une gestion
postcoloniale de l'islam, donc la propagande islamiste. Tout en tuant à
coup sûr l'esprit de 1905.</p>
<p>L'affaire est plus grave qu'il n'y paraît. Les décrets de cet accord
- signé en catimini entre la France et le Vatican le 18 décembre 2008 -
viennent de tomber. Ils prévoient la <i>« reconnaissance mutuelle des
diplômes de l'enseignement supérieur délivré sous l'autorité compétente
de l'une des parties »</i>. Or cette <i>« reconnaissance »</i> ne vaut
pas seulement pour les matières théologiques mais aussi profanes.
Autrement dit, le baccalauréat ou d'éventuels masters.</p>
<p>L'accord feint d'appliquer une directive européenne (le processus de
Bologne), pensée pour reconnaître les diplômes étrangers, mais il
change de nature à partir du moment où il est signé avec le Vatican,
pour « reconnaître » des diplômes délivrés sur le sol français par des
établissements de l'Église. Ce qui revient non seulement à casser le
monopole des diplômes qu'avait l'État depuis 1880, mais aussi l'esprit
de l'article 2 de la loi de 1905.</p>
<p>Jusqu'ici, les établissements catholiques privés pouvaient
parfaitement préparer des élèves au bac, mais ceux-ci devaient passer
leur diplôme avec tous les autres. Petite astuce connue des professeurs
: de nombreux établissements privés choisissent de ne présenter que les
meilleurs élèves sous leurs couleurs et d'envoyer les autres en
candidats libres pour améliorer leur score de réussite au bac. Appâtés
par des pourcentages tournant autour de 100 %, de plus en plus de
parents se tournent vers ces établissements au détriment de l'école
publique.</p>
<p>Le gouvernement fait tout pour encourager ce choix : démantèlement
de la carte scolaire, baisse du nombre de professeurs dans le public...
Le plan banlieue est à sec, mais on racle les fonds de tiroirs pour
financer - sur fonds publics - l'ouverture de 50 classes privées
catholiques dans les quartiers populaires. Un grand lycée Jean-Paul-II
est sur les rails. Un collège tenu par l'Opus Dei est déjà sous contrat.</p>
<p>Il ne manquait plus que ça : la fin du diplôme d'État... Justement
au moment où l'État annonce vouloir supprimer les IUFM, brader les
concours, et remplacer leur formation par un master que pourrait
préparer n'importe quel établissement privé. Comme ça, en plus de
délivrer le baccalauréat, le Vatican pourra ouvrir des masters destinés
directement aux futurs enseignants.</p>
<p>Un comité 1905 vient de porter plainte devant le Conseil d'État.
S'il n'obtient pas gain de cause, le prêtre aura le champ libre pour
reprendre la main sur l'instituteur.</p>
<b>Caroline Fourest</b> <br>
<big>Le Monde </big><br>
Article paru dans l'édition du 02.05.09<br>
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