[Infoligue] REFORME DE L’ETAT : Les services déconcentrés préparent la grande étape du 1er janvier 2010
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Mar 1 Sep 09:36:54 CEST 2009
REFORME DE L’ETAT : Les services déconcentrés préparent la grande étape
du 1er janvier 2010
Publié par : Lettre de Bercy aux collectivités locales
Le : N°55 - 31 août 2009
Interview de Yves Colcombet Responsable de la Mission interministérielle
pour la réforme de l'administration territoriale de l'Etat
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Parmi les mesures phares de la révision générale des politiques
publiques (RGPP) figure la restructuration complète des services
déconcentrés de l’Etat. La date charnière est celle du 1er janvier
prochain, où vont disparaître les bien connues DDASS, DDE, DDAF et
autres directions départementales classiques, au profit de structures
interministérielles en nombre réduit. Présentation du futur paysage de
l’Etat territorial avec Yves Colcombet, conseiller référendaire à la
Cour des comptes et responsable de la Mission interministérielle pour la
réforme de l'administration territoriale de l'Etat.
La Lettre d’information BERCY COLLOC. Il y a un an, le Conseil de
modernisation des politiques publiques (CMPP) décidait que le niveau
régional serait désormais "le niveau de droit commun de pilotage des
politiques publiques". Que va-t-il rester de l’administration
départementale de l’Etat ?
Yves Colcombet. Il faut distinguer le pilotage de la mise en œuvre, qui
sont les deux composantes indispensables à l’action performante de
l’Etat. Le pilotage est réaffirmé comme devant être régional, la mise en
œuvre devant se réaliser au plus près du terrain, au contact des
administrés, à l’échelon départemental.
Les principes rappelés par les décisions du CMPP figuraient déjà dans la
loi de 1992 portant charte de déconcentration. La nouveauté est l’effet
concret et décisif que l’on tire enfin de ces principes sur
l’organisation des services de l’Etat. Premier point à ne pas
sous-estimer, il va être beaucoup plus efficace, pour le niveau
national, de discuter avec 22 interlocuteurs renforcés qu’avec 100
petites unités cloisonnées. L’affirmation du pilotage régional est aussi
une manière de permettre au niveau central de s’alléger de tâches de
gestion et de concentrer son action sur des arbitrages vraiment
stratégiques.
Les nouvelles directions régionales, en nombre limité, résultat de la
fusion de plusieurs directions ou services actuels, seront beaucoup plus
fortes et cohérentes, et en mesure d’assurer une fonction de relais à
haute valeur ajoutée entre le niveau central et le niveau départemental.
Quant à l’échelon départemental, il est réaffirmé comme celui de la
traduction concrète des politiques, de la réalisation des actions, du
contact avec les administrés. Les nouvelles directions départementales
interministérielles seront moins nombreuses, les services étant
regroupés en fonction de grands secteurs d’action, mais les métiers et
les compétences des agents resteront les mêmes.
La Lettre. Quels seront les nouveaux contours des administrations
départementales ?
Y. C. Il y aura désormais, dans chaque département, deux grandes
directions interministérielles (1), l’une chargée des territoires et
l’autre de la cohésion sociale et de la protection des populations. Dans
la première sont regroupés les services de l’agriculture et de la forêt,
une partie de ceux de l’équipement et une partie des anciens services
préfectoraux. Dans la seconde seront logés les affaires sanitaires et
sociales (hors santé (2)), les services de la jeunesse et des sports,
une autre partie de l’équipement (les services chargés des fonctions
sociales du logement), les services vétérinaires, ceux de la
concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (CCRF)
et certains services préfectoraux inter venant dans ces domaines.
Cette organisation à deux directions est la règle dans tous les
départements de moins de 400.000 habitants. Au-dessus de ce seuil, le
préfet a pu décider de créer une troisième direction, dite "de la
protection des populations", où se retrouveront les services
vétérinaires et ceux de la CCRF, la direction de la cohésion sociale
devenant une direction à part. Ce n’est pas une obligation : en
Ille-et-Vilaine, par exemple, le préfet a opté pour deux directions
alors que la taille du département lui permettait d’en créer trois.
Quant aux départements ayant à traiter de problématiques spécifiques,
des adaptations sont prévues. Dans les départements côtiers, par
exemple, la direction des territoires comportera une délégation à la mer
et au littoral.
Les nouvelles directions auront des champs d’action à la fois plus
transversaux et plus cohérents que par le passé. Prenons l’exemple des
services vétérinaires et de ceux de la CCRF : en matière de contrôle de
l’alimentation, les champs d’intersection sont très nombreux et leurs
procédures, quoique différentes, obéissent à des impératifs similaires
de rigueur, d’homologation technique, de transmission de données. Il
apparaît donc logique de les voir agir dans le cadre d’une seule et même
direction.
La Lettre. Quel sera le rôle des sous-préfectures dans cet Etat
territorial recomposé ? Les élus locaux auront-ils encore des
interlocuteurs de proximité ?
Y. C. La réforme de l’administration territoriale de l’Etat se concentre
sur le niveau régional et sur le niveau départemental ainsi que sur les
relations entre ces deux niveaux. Elle n’a pas d’impact par elle-même
sur l’organisation infra-départementale. Si la réforme des
sous-préfectures figure parmi les thèmes de la revue générale des
politiques publique (RGPP), elle relève du ministère de l’Intérieur et
non de la coordination interministérielle que je suis chargé d’assurer.
La carte des sous-préfectures est un sujet en soi. Le nouveau schéma
d’organisation départementale n’est pas lié au nombre de
sous-préfectures.
La Lettre. Les petites communes avaient l’habitude de compter sur
l’assistance technique des DDE. Retrouveront-elles les mêmes
interlocuteurs et le même niveau de conseil auprès des futures
directions départementales des territoires ? Ou faudra-t-il, désormais,
qu’elles travaillent avec l’échelon régional sur certains dossiers ?
Y. C. Attention, là aussi, à ne pas mélanger les sujets : la disparition
de l’ingéniérie publique assurée par les DDE et les DDAF est en grande
partie indépendante de la réforme de l’administration territoriale de
l’Etat. Le processus était enclenché avant la RGPP car la France était
tenue de se mettre en conformité avec le droit européen : les services
financés par les pouvoirs publics ne peuvent pas intervenir dans le
domaine des activités commerciales, sauf dans des conditions très
restrictives. Il y a cinquante ans, l’Etat s’est doté d’une force
d’ingénierie liée aux besoins de la reconstruction d’après-guerre. Cette
nécessité a disparu et garder ce réseau devenu concurrent du privé
n’était plus défendable. La RGPP a tiré les conclusions de cette
obligation dans les effectifs des services qui étaient encore chargés de
ces fonctions mais ce n’est pas la réorganisation territoriale de l’Etat
qui est à l’origine de cette évolution. Les services de l’Etat
continuent d’ailleurs à soutenir les plus petites communes dans le
domaine de l’urbanisme, pour des fonctions qu’elles ne sont pas à même
de financer. Les autres collectivités s’adressent désormais au privé,
comme elles le font déjà dans d’autres domaines.
La Lettre. L’échéance avancée pour la recomposition de l’Etat
territorial est celle du 1er janvier 2010. Pourra-t-elle être tenue,
compte tenu de l’avancement des travaux que vous constatez à ce jour ?
Y. C. La date du 1er janvier 2010 est le moment de la bascule dans le
nouveau régime, sans retour en arrière possible : les nouvelles
directions départementales interministérielles seront juridiquement
créées à cette date et elles auront à leur tête un directeur nommé par
le Premier ministre, sur proposition du préfet après appel à
candidatures. Cela ne signifie pas que le chantier sera terminé au 1er
janvier prochain : il faudra encore revoir tous les systèmes
informatiques, installer physiquement les nouvelles directions dans
leurs locaux, définir les règlements intérieurs, etc. Le chantier de la
gestion des ressources humaines va aborder par étapes tous les sujets
permettant aux agents des directions interministérielles de travailler
dans des conditions harmonisées, malgré les diffé ;rences de métier ou
de ministère de rattachement.
Pour réussir cette réforme tant de fois différée, il était impératif de
piloter par les échéances, sauf à laisser penser qu’une fois de plus, la
réforme ne se ferait pas. La conception et la préparation ont pris
environ un an et demi, rythmées par les réunions du CMPP puis par deux
circulaires du Premier ministre des 7 juillet et 31 décembre
2008. Au premier trimestre 2009, nous avons fixé les macro-organigrammes
départementaux, puis ont été désignés, dans chaque département (3), les
préfigurateurs qui organisent aujourd’hui les futures directions en vue
du 1er janvier 2010. Pour autant, l’objectif n’est pas de battre un
record de vitesse. On sait bien que derrière les structures, le travail
profond d’intégration des nouvelles règles prendra davantage de temps.
L’échéance du 1er janvier 2010 va marquer un grand changement : pour les
administrés et pour les interlocuteurs de l’administration dont les
collectivités locales, la "vitrine" et les guichets de l’Etat ne seront
plus les mêmes. Ce n’est pas rien. Pour les fonctionnaires, cette date
marquera un passage décisif sur le chemin de la réforme mais elle n’en
sera qu’une étape, un peu comme le franchissement d’un col en montagne.
La Lettre. La réforme de l’administration territoriale de l’Etat précède
l’acte III de la décentralisation annoncé par le Président de la
République. Ne faudra-t-il pas revoir la copie en fonction d’éventuels
réaménagements de compétences entre niveaux de collectivités locales ?
Y. C. L’avantage du système que nous mettons en place est qu’il sera
plus souple et adaptable que le précédent. Chacun sait que les
compétences des diverses collectivités et de l’Etat sont extrêmement
imbriquées et, dans plusieurs domaines, vraiment confuses. Si, dans le
cadre d’un processus de clarification, l’Etat devait se séparer de
certaines compétences ou en récupérer d’autres, les principes de la
réforme en cours ne l’empêcheraient pas. Il en irait de même si des
niveaux de collectivités devaient se rapprocher, voire fusionner
totalement ou partiellement, ou si leurs compétences devaient être
réparties de manière stricte.
Notes :
(1) A ces deux grandes directions s’ajouteront la direction
départementale des finances publiques, l’inspection académique et la
délégation départementale de l’agence régionale de santé.
(2) Les compétences en matière de santé, au sens large, seront exercées
à l’avenir par les agences régionales de santé (ARS) qui intègreront
notamment les moyens actuels des DDASS et DRASS.
(3) Hormis l’Ile-de-France, qui a fait l'objet d'une circulaire
spécifique du Premier ministre en date du 27 juillet 2009, et
l’outre-mer, encore en cours d’examen.
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