[Infoligue] Associations : Péril en la demeure

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Ven 18 Fév 14:29:17 CET 2011


Associations : Péril en la demeure

par : Jean-Pierre Duport et Thierry Guillois
Publié par : http://www.place-publique.fr/
Le : février 2011

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Nous reproduisons ici un texte du vice-président et de l’administrateur 
de la Fonda portant sur la reconnaissance réelle du rôle des 
associations, au moment où la réduction des moyens qui leur sont 
données, et l’accroissement des contraintes réglementaires fragilise 
leur action. La Fonda est une association dont l’objectif est de 
valoriser et promouvoir les initiatives citoyennes en faveur du 
développement économique, social et démocratique de notre société.

Les travaux de la FONDA ont souligné, à de très nombreuses reprises, 
l’importance du tissu associatif pour notre société, notamment dans les 
champs de l’action sanitaire et sociale, de la culture, du sport, de 
l’éducation populaire. Ce sont le plus souvent les associations qui 
oeuvrent au premier rang. Leur liberté d’action, leur capacité 
d’initiative et d’innovation sont un élément fort du dynamisme de notre 
société. Les associations sont d’autant plus fortes et efficaces 
qu’elles évitent d’être instrumentalisées par leur(s) financeur(s), 
surtout s’il est unique ou dominant, et qu’elles ont la capacité de se 
regrouper, au niveau national comme au niveau régional, pour mutualiser 
leurs ressources humaines et peser dans le débat politique et social. 
Or, depuis déjà de nombreuses années, les relations entre les pouvoirs 
publics et les associations connaissent des évolutions structurelles 
lourdes de conséquences sur leur financement et, à terme plus ou moins 
rapproché, sur la survie de certaines d’entre elles. Ces évolutions 
tiennent à la conjoncture budgétaire de l’Etat et à celle des 
collectivités territoriales et tiennent aussi à des réformes plus 
profondes comme celles consistant à supprimer la clause de compétence 
générale des départements et des régions ou bien induites par la 
réglementation européenne relative aux aides publiques.

- Les contraintes budgétaires de l’Etat

Pour sa part, l’État réduit drastiquement ses subventions. Cela est vrai 
pour les crédits du Titre IV, les plus faciles à réduire, dans une 
situation budgétaire dont nul n’ignore les difficultés. Ce mouvement, 
entamé depuis plus de 20 ans, s’est considérablement accentué ces 
derniers mois. Pour procéder à ces réductions, l’État s’appuie souvent 
sur la politique dite « de révision générale des politiques publiques » 
à la suite d’audits qui, dans la plupart des cas, n’ont pas été menés 
dans la transparence non plus que dans le respect des règles de la 
procédure « contradictoire ».

Cette réduction des subventions de l’État prend souvent la forme d’une 
suppression de nombreux postes Fonjep, mode particulièrement efficace 
d’aide aux petites associations et à leurs regroupements. Elle touche 
particulièrement les regroupements associatifs, en se masquant derrière 
la priorité aux associations de terrain, alors même que la plupart 
d’entre elles ne peuvent développer leurs actions que si elles ont 
l’appui et le soutien d’unions ou de fédérations nationales ou 
régionales. Sinon, seuls les plus riches peuvent s’en tirer.

2 - Les contraintes budgétaires des collectivités

Cette réduction intervient à un moment où les collectivités locales, 
touchées par les conséquences de la crise, notamment dans le domaine 
immobilier, voient leurs recettes diminuer et diminuent par répercussion 
les subventions qu’elles versent. Parallèlement, le fait que les lois de 
décentralisation successives se soient traduites par des transferts de 
charges sans transfert intégral des recettes correspondantes, a 
contraint un grand nombre d’entre elles à augmenter leur taux 
d’imposition. De son côté, le budget de l’action sociale pesant 
principalement sur les départements a considérablement augmenté et 
devrait encore s’accroître par l’effet de la réforme annoncée de 
l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA).

Enfin, la réforme de la taxe professionnelle, effective depuis le 1er 
janvier 2010, devrait à terme avoir des répercussions sur les 
subventions allouées aux associations, particulièrement en zone rurale 
ou semi-rurale. Cette réforme dont la finalité est de réduire la charge 
fiscale pesant sur les entreprises, s’est traduite par l’instauration de 
deux impôts nouveaux : la cotisation foncière des entreprises (CET), 
assise sur la valeur locative des immeubles et la cotisation sur la 
valeur ajoutée des entreprises (CVAE) assise sur la valeur ajoutée de 
celles-ci. La réunion des deux constitue la contribution économique 
territoriale remplaçant la taxe professionnelle dont l’assiette reposait 
sur l’ensemble des immobilisations. Si du fait de la taxe 
professionnelle pesait principalement sur les entreprises industrielles, 
la CVAE pèse davantage sur celles à forte valeur ajoutée. Or, les 
premières sont plus souvent localisées dans des zones semi-rurales et 
dans les communes et communautés de communes de petite et moyenne 
importance, alors que les secondes se trouvent dans des villes plus 
importantes. La réforme devrait donc favoriser ces dernières.

Toutefois et afin d’éviter une perte de recettes trop importante pour 
les premières, la loi a prévu un système de compensation intégrale par 
l’Etat en 2010, et à partir de 2011, grâce à un système « de garantie 
individuelle des ressources ». Mais cette compensation (dont le gel sur 
3 ans annoncé) pèse déjà lourdement sur le budget de l’Etat. Il ressort 
d’un rapport Durieux (chargé d’évaluer les premiers effets de la 
réforme) que si la pression fiscale pesant sur les entreprises s’est 
allégée de 6,6 milliards d’euros, la contrainte du budget de l’Etat a 
été augmentée d’autant (et de plus de 1 milliard d’euros par rapport aux 
prévisions initiales).

Garantir la pérennité de cette compensation intégrale est donc sans 
doute à terme illusoire dans le contexte budgétaire actuel. La plupart 
des élus territoriaux s’inquiète déjà de sa disparition totale ou 
partielle. Celle-ci s’accompagnerait d’une diminution importante de 
recettes pour certaines communes ou communautés de communes de petite ou 
moyenne importance qui n’auraient alors d’autres choix que d’augmenter 
leurs impôts (et le budget des contribuables de ces communes est loin 
d’être extensible) ou de diminuer leurs dépenses. Le plus facile serait 
naturellement d’amputer les budgets d’intervention au détriment des 
associations.

3 – La réforme des collectivités territoriales

La troisième menace, tout aussi grave, est la suppression de la clause 
de compétence générale pour les départements et les régions. De très 
nombreuses associations développent leurs initiatives dans les domaines 
social et culturel, en particulier parce qu’elles ont plusieurs sources 
de financement.

Les réduire drastiquement à un seul financeur mettra très probablement 
en péril leur fonctionnement. Par ailleurs la suppression des 
financements croisés accroitra certainement les risques « 
d’instrumentalisation » de nombreuses associations, dont l’indépendance 
est souvent liée à l’existence de plusieurs sources de subvention. 
Souvenons-nous du ministre de la Culture qui affirmait « on ne peut 
tendre la sébile et lancer un cocktail Molotov ». Les responsables 
associatifs ne jettent pas de cocktail Molotov. Ils souhaitent seulement 
garder leur regard critique et leur capacité d’innovation, tout en 
demandant à bénéficier de subventions pour leur action au service du 
plus grand nombre.

4 – Les incidences du droit communautaire

La circulaire du Premier Ministre du 18 janvier 2010 relative aux 
relations entre les pouvoirs publics et les associations avait pour 
objectif de simplifier et de clarifier celles-ci. Tous ceux qui ont eux 
le courage de s’y plonger ont pu constater que cet objectif n’était pas 
totalement atteint. Elle concerne en premier lieu l’application aux 
associations de la réglementation européenne relative aux aides 
publiques, laquelle a vocation à concerner la grande majorité des 
associations désireuses d’obtenir un soutien financier d’une autorité 
publique dès lors qu’elles exercent une « activité économique », au sens 
communautaire du terme.

Au-delà d’une aide de 200 000 euros sur une période de 3 ans, 
l’association doit justifier qu’elle est explicitement chargée de 
l’exécution d’une obligation de service public et que la compensation 
financière est strictement proportionnée au coût occasionné par 
l’exécution de ladite obligation. Dans cette hypothèse, l’autorité 
publique doit notifier le concours financier envisagé à la commission 
européenne, sauf lorsque l’aide n’excède pas 30 millions d’euros par an 
ou que l’association a été retenue à l’issue d’une procédure de marché 
public ou dans le cadre d’une délégation de service public. Dans le cas 
où l’association perçoit un concours supérieur à 23 000 euros, celui-ci 
doit faire l’objet d’une convention pluriannuelle d’objectifs.

La circulaire distingue deux cas de figure :
- soit l’association est à l’initiative du projet et elle peut percevoir 
une subvention ;
- soit la collectivité est à l’origine de celui-ci et l’on doit 
respecter soit la procédure d’appel d’offres propre aux marchés publics 
soit celle spécifique à la délégation de service public. Dans la période 
de fin d’année où un grand nombre d’associations est en train de 
négocier ses aides pour l’exercice 2011, il est fort à parier que cette 
« simplification » ne conduise un certain nombre de collectivités à la 
prudence ou donne l’occasion à certaines d’entre elles de remettre en 
cause les aides régulièrement renouvelées depuis de nombreuses années. 
D’autres menaces ont été écartées - temporairement ?

Pour les associations (et les fondations), l’assimilation affirmée pour 
certains du caractère de « niche fiscale » des dons faits à celles 
d’entre elles qui font appel à la générosité du public est un pur 
mensonge. Les dons versés ne sont qu’une autre façon de payer l’impôt.

Remettre en cause la déduction fiscale au moment même où les subventions 
de l’État et des collectivités locales sont en réduction entrainerait la 
mise en faillite de très nombreuses structures et mettrait en péril 
notre tissu social. Ceci étant, de telles évolutions seraient dans la 
ligne du dédain que manifestent certains décideurs à l’égard du monde 
associatif. Il suffit de regarder les conditions dans lesquelles ont été 
effectuées des récentes nominations au Conseil économique, social et 
environnemental !

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Denis Lebioda
Chargé de mission 
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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