[Infoligue] Organisation d'un festival : délégation de service public ou marché public de services ?

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Lun 30 Mai 09:10:55 CEST 2011


Organisation d'un festival : délégation de service public ou marché 
public de services ?

Publié par : http://www.localtis.info
Le : vendredi 27 mai 2011

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Dans un arrêt du 23 mai 2011, le Conseil d'Etat a considéré que la 
convention confiant à une société privée l'organisation d'un festival de 
musique était, compte tenu des éléments, un marché public de services. 
Dès lors, les formalités de publicité et de mise en concurrence auraient 
dû être respectées.

Les activités culturelles ne sont pas toutes des services publics

Après plusieurs années de gestion directe du festival des Voix du Gaou, 
la commune de Six-Fours-les-plages a décidé de confier l'organisation de 
ce festival à une société privée par le biais d'une convention, "dite de 
partenariat" (comme le souligne la Cour d'appel), prévoyant une 
subvention annuelle de 495.000 euros. Saisi par des conseillers 
municipaux, le Tribunal administratif a annulé cette délibération au 
motif que "la commune n'avait pu déléguer un service public sans 
procéder aux formalités de publicité et mise en concurrence 
applicables". Le jugement est confirmé en appel.

Le Conseil d'Etat casse l'arrêt en ce qu'il a qualifié l'organisation de 
ce festival de service public malgré l'absence de "tout contrôle de la 
personne publique sur la programmation artistique et sur les tarifs des 
spectacles". La commune ne faisait dès lors pas "preuve d'une 
implication telle que les conditions d'organisation de ce festival 
permettent de caractériser une mission de service public".
Certes, il existe un service public culturel, notamment consacré par 
l'arrêt Léoni de 1944 sur les théâtres municipaux. Mais une activité 
culturelle n'est un service public qu'à condition que la personne 
publique exerce son contrôle. Pour rappel, le Conseil d'Etat a dénié, 
dans un arrêt Société UGC Ciné-Cité de 2007, la qualification de service 
public à une exploitation de salles de cinéma par une société d'économie 
mixte au motif que la commune n'avait imposé aucune obligation 
particulière à l'exploitant ni mis en place un moyen de contrôle des 
objectifs fixés (voir ci-contre notre article d'octobre 2007).
Or, ce contrôle indispensable de la personne publique faisait également 
défaut en l'espèce, la commune s'étant, selon les termes du rapporteur 
public, déchargée de la responsabilité de l'organisation du festival. En 
l'absence de service public, la délégation de service public est donc 
exclue.

L'organisation d'un festival peut faire l'objet d'un marché public de 
services

Jugeant l'affaire au fond, le Conseil d'Etat qualifie le contrat de 
marché public de services. En effet, l'article 1-I du Code des marchés 
publics énonce que "les contrats conclus à titre onéreux entre les 
pouvoirs adjudicateurs et des opérateurs économiques publics ou privés 
pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou 
de services sont des marchés publics soumis aux dispositions de ce code".
Or, en l'espèce, la convention confiant à la société l'organisation du 
festival, signée sans procédure de publicité et mise en concurrence, a 
été conclue à l'initiative de la commune "en vue de confier à un 
professionnel du spectacle des prestations d'exploitation de la 
billetterie et de promotion du festival des Voix du Gaou". Elle prévoit 
donc la fourniture d'un service à la commune pour répondre à ses besoins 
et ce, moyennant un prix "tenant en l'abandon des recettes du festival 
et au versement d'une somme annuelle de 495.000 euros". Cette convention 
devait donc être regardée comme constitutive d'un marché public de 
services. Dès lors, ce marché ne pouvait être passé sans mise en 
concurrence et publicité. Les juges du Palais-Royal optent ainsi pour la 
solution qu'ils avaient adoptée au sujet de la cession des droits 
d'exploitation d'un concert dans l'arrêt Commune de Garches-les-Gonesse 
de 2010.
Enfin, le Conseil d'Etat estime que la dénomination de "subvention" des 
sommes allouées n'empêche pas la qualification de marché public. Il 
considère que la possibilité pour les communes d'accorder des 
subventions aux entreprises de spectacles vivants en vertu de l'article 
1-2 de l'ordonnance du 13 octobre 1945 ne permet en aucun cas de déroger 
aux règles prévues par le Code des marchés publics.

L'Apasp

Références : Conseil d'Etat, arrêt Commune de Six-Fours-les-Plages du 23 
mai 2001, n°342520 ; Conseil d'Etat, arrêt Commune de Garche-les-Gonesse 
du 3 mars 2010, n°323076 ; Ordonnance n°45-2339 du 13 octobre 1945 
relative aux spectacles ; Conseil d'Etat, arrêt Société UGC-Ciné-Cité du 
5 octobre 2007, n°298773 ; Conseil d'Etat, arrêt Léoni, du 21 janvier 
1944 ; Cour administrative d'appel de Marseille, arrêt Commune de 
Six-Fours-les-Plages du 17 juin 2010 , n°09MA01507

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Denis Lebioda
Chargé de mission 
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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