[Infoligue] Les fédérations sportives invitées à évoluer... de l'intérieur

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Jeu 23 Fév 09:31:03 CET 2012


Les fédérations sportives invitées à évoluer... de l'intérieur

Publié par : http://www.localtis.info
Le : mercredi 22 février 2012

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Une mission d'information de la commission des affaires culturelles de 
l'Assemblée nationale a rendu son rapport sur la gouvernance des 
fédérations sportives. Pour elle, les modes d'élection et d'exercice des 
mandats des dirigeants empêchent les femmes et les jeunes de prendre des 
responsabilités. Le rôle de l'Etat dans le fonctionnement des instances 
fédérales est également au coeur des interrogations. Quant aux 
collectivités, la mission regrette que leurs rapports avec les 
fédérations soient aujourd'hui quasi inexistants.

Les déboires de l'équipe de France de football en Afrique du Sud avaient 
mis en avant des défaillances au sein de la Fédération française de 
football (FFF). Or son modèle serait "formellement identique" à celui 
d'autres fédérations sportives. Ceci ajouté aux deux échecs des 
dernières candidatures françaises aux Jeux olympiques, "il était dès 
lors nécessaire de s'interroger non seulement sur la pertinence du 
modèle de gouvernance des fédérations, mais aussi sur leurs éventuelles 
inadaptations à une stratégie internationale", note le rapport de la 
mission d'information de l'Assemblée nationale sur la gouvernance des 
fédérations sportives, rendu public ce mercredi 22 février.

Présidée par Valérie Fourneyron, député-maire de Rouen, la mission s'est 
notamment interrogée sur l'encadrement législatif de la gouvernance des 
fédérations, les relations avec l'Etat dans le cadre de la délégation de 
service public (un cas unique en Europe occidentale) ou encore les 
moyens à mettre en place pour obtenir une gouvernance des fédérations 
qui permette de meilleurs résultats dans les différents objectifs qui 
peuvent leur être fixés (sport pour tous, sport et santé, action 
sociale, représentation des femmes et des jeunes...).

Après voir rappelé qu'en France, 117 fédérations agréées, olympiques, 
non olympiques ou multisports rassemblaient 16 millions de licenciés 
sportifs et 3,5 millions de bénévoles au sein de 180.000 associations 
sportives, le rapport s'ouvre sur une analyse des modes de gouvernance 
interne des fédérations... et distribue ses premiers cartons jaunes.

Des dirigeants consanguins ?

Si l'on note un "foisonnement créatif" dans les statuts, la composition 
et les organes des fédérations, les modes d'élection de leurs organes 
dirigeants sont jugés "perfectibles". "Quel que soit le choix retenu, il 
semble qu'en tout état de cause, le système des grands électeurs 
désignés dans le cadre territorial des comités départementaux ou des 
ligues régionales, se traduisant la plupart du temps par l'élection des 
dirigeants mêmes de ces structures à l'échelon national, n'est pas la 
solution la plus pertinente pour limiter les excès des cooptations, 
voire de 'consanguinité', que certains des responsables auditionnés ont 
dénoncés", souligne le rapport, avant de préconiser "une plus grande 
transparence du mode de scrutin, une meilleure représentation des 
licenciés à travers les clubs et leurs présidents" pour permettre le 
renouvellement des dirigeants ou l'apparition "naturelle de nouveaux 
talents". Gilles d'Ettore, député de l'Hérault et rapporteur de la 
mission, souhaite à ce propos un vote par internet de tous les licenciés 
à terme.

Parmi les nouveaux acteurs que des modes d'élection renouvelés 
pourraient voir apparaître, figurent les femmes, à propos desquelles le 
rapport dénonce une "inégalité persistante". Si une enquête du CNOSF 
(Comité national olympique et sportif français) montre une "évolution 
positive de la représentation des femmes depuis une décennie", notamment 
au sein de l'instance dirigeante fédérale élargie (conseil 
d'administration, comité directeur ou conseil de surveillance), cette 
tendance est moins marquée dans l'instance restreinte (bureau ou 
directoire), alors qu'un "déséquilibre flagrant" se creuse au niveau des 
présidences fédérales : 11 femmes pour 115 présidences de fédération en 
2009 et 5 pour 121 au 1er septembre 2010... Sur ce chapitre, le rapport 
se veut toutefois optimiste. Il constate "que les présidences locales 
des associations sportives tendent à se féminiser légèrement. Il devrait 
donc pouvoir se constituer un vivier [...] permettant l'apparition de 
candidates plus nombreuses pour les instances dirigeantes intermédiaires 
ou fédérales".

Pour s'attaquer à l'uniformité des dirigeants fédéraux, le rapport lance 
encore une piste : la rémunération. "Si les jeunes et les femmes, malgré 
les mesures incitatives diverses, n'ont pas davantage accès aux 
responsabilités fédérales, c'est que, comme beaucoup l'ont souligné, il 
ne leur est pas possible de disposer du temps nécessaire à un tel 
engagement parallèlement à leurs activités professionnelles et à leur 
vie familiale." La mission juge ainsi qu'il serait "opportun" de 
permettre la rémunération – très peu répandue actuellement – des 
présidents de fédération, voire d'autres dirigeants. "C'est une question 
centrale pour avoir plus de jeunes, de femmes, de projets différents. On 
ne peut plus se permettre d'avoir un président de fédération qui ne soit 
pas entièrement disponible pour sa fédération", a commenté Denis 
Masseglia, président du CNOSF, lors de la présentation du rapport.

La pertinence du ministère des Sports en question

Améliorer la gouvernance des fédérations, c'est encore "concilier 
tutelle et autonomie organisationnelle" dans leurs rapports avec l'Etat 
et les collectivités locales. Pour ce qui est des moyens donnés aux 
fédérations par l'Etat – 95 millions d'euros de subventions sur le 
programme budgétaire Sport en 2011, et près de 109 millions d'euros 
correspondant à la rémunération des 1.665 cadres d'Etat mis à 
disposition des fédérations –, la mission parlementaire se félicite que 
le gouvernement ait "sanctuarisé" les emplois de cadres sportifs 
techniques en ne les soumettant pas aux règles du non-remplacement d'un 
fonctionnaire sur deux dans le cadre de la RGPP. En revanche, elle 
estime qu'il serait "sans doute pertinent de réorienter quelques-uns des 
moyens que l'Etat destine au sport en faveur de la formation des 
dirigeants des fédérations". La question de la compétence des bénévoles 
dans l'exercice de mandats de plus en plus exigeants et le risque de 
voir les salariés d'une fédération prendre le pouvoir à la place des 
élus ont en effet été évoqués lors des auditions de la mission. Pour 
Gilles d'Ettore, les fédérations "aimeraient que les directeurs 
techniques nationaux soient nommés sur proposition de l'Etat et que leur 
nomination ne soit pas vécue comme une immixtion de l'Etat dans la vie 
des fédérations".

Corollaire des interventions publiques, les contrôles – et notamment 
celui de la Cour des comptes de 2009, intitulé "L'Etat et les 
fédérations sportives face aux mutations du sport" – mettent en évidence 
"de fortes tensions" et "l'anticipation par le mouvement sportif d'un 
éventuel désengagement de l'Etat". Les auditions de la mission ont 
confirmé cette évolution, "poussant certains à s'interroger sur la 
pertinence du maintien d'un ministère des Sports sous sa forme actuelle, 
tout en réaffirmant leur attachement à une intervention de l'Etat, 
contrepartie indispensable des missions confiées aux fédérations", 
souligne le rapport.

Fédérations et collectivités, deux mondes qui s'ignorent encore

Les relations entre fédérations et collectivités territoriales sont pour 
leur part fort différentes. Si à travers les constructions d'équipement, 
l'aide directe ou indirecte au sport amateur et professionnel, et 
l'animation sportive, la contribution des collectivités au sport 
atteignait 10,8 milliards d'euros en 2009, leur action, "contrairement à 
celle de l'Etat, se situe moins au niveau des fédérations elles-mêmes 
qu'à celui du cadre concret dans lequel elles développent leur 
discipline, mais elle y est essentielle". Ce manque d'implication 
directe a conduit la mission à constater "la connaissance très 
imparfaite, par les principaux intéressés, des niveaux de responsabilité 
concernés tant fédéraux que territoriaux par les interventions 
respectives de l'Etat et des différentes collectivités territoriales".

Pour pallier cette méconnaissance et assurer la cohérence des 
interventions publiques, la mission compte sur les conférences 
régionales du sport que de nombreux conseils régionaux ont mis en place. 
"Il devrait ainsi être possible de mieux répondre à l'inadaptation des 
structures fédérales aux relations avec les partenaires locaux, et aux 
difficultés éprouvées par les directions fédérales [...] pour entrer en 
contact de façon pertinente avec les acteurs territoriaux des activités 
sportives", souligne le rapport. Il est toutefois un problème touchant 
de près les collectivités pour lequel les fédérations bottent 
immédiatement en touche : celui des normes. Leur édiction, ont-elles 
déclaré devant la mission, leur échappe "pour l'essentiel, en 
particulier parce que leurs disciplines respectives [ont] à se conformer 
aux décisions prises [...] par les fédérations internationales". Quand 
fédérations et collectivités auront trouvé un terrain commun, nul doute 
que cette question fera l'objet d'un match serré.

Plus globalement, le rapport conclut en appelant les fédérations qui 
atteignent une certaine taille en termes d'effectifs ou de surface 
financière à "professionnaliser leur gestion et adapter leur 
gouvernance". Pour la mission, "le cadre législatif actuel permet cette 
adaptation, sans qu'il soit besoin d'une intervention du politique". Le 
mouvement sportif montre en effet "le plus souvent qu'il est en capacité 
de se réguler". Reste à savoir comment un monde qui pratique la 
cooptation, voire la "consanguinité", pourra mieux s'autoréguler qu'il 
ne l'a fait jusqu'à présent sans une impulsion forte venue de l'extérieur...

Jean Damien Lesay

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Denis Lebioda
Chargé de mission 
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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