[Infoligue] L’école part en voyage
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Jeu 18 Oct 06:55:32 CEST 2012
L’école part en voyage
Publié par : http://www.la-croix.com
Le : 16/10/12
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Souvent première séparation familiale, le séjour en classe de découverte
demeure une expérience positive pour l’enfant, ses parents et
l’enseignant. Un projet pédagogique trop peu valorisé.
On a tous en mémoire un souvenir de randonnée en montagne sur les traces
des chamois ou des marmottes, une virée en bord de mer pour découvrir le
milieu marin, une veillée en pyjama ou une partie de baby-foot avec la
maîtresse. Les classes de neige comme les classes de mer ont été lancées
à l’origine pour des raisons géographiques. à l’époque, l’objectif était
de faire découvrir les côtes aux petits montagnards, la campagne aux
petits citadins, les sommets aux habitants des cités balnéaires, etc. Au
retour à la maison, les richesses de la faune et de la flore de ces
régions n’avaient plus de secret pour ces élèves «transplantés» durant
plusieurs semaines.
Depuis une quinzaine d’années, les exigences pédagogiques ont changé.
Internet a ouvert le monde aux plus jeunes, aux adultes, à l’école. Les
enfants voyagent davantage. Leurs connaissances géographiques sont plus
étendues. Du coup les «classes» généralistes laissent la place à des
séjours plus courts, plus spécialisés – d’où leur nouvelle appellation –
avec des thèmes assez pointus: astronomie, sports du vent, éducation à
l’image, artistes en mer, recyclage des déchets, sur les traces de
Guillaume Le Conquérant… pour reprendre quelques exemples du catalogue
de séjours éducatifs de la Ligue de l’enseignement.
À quoi sert une classe de découverte? Le secrétaire national de cet
organisme d’éducation populaire, Jean-Karl Deschamps, répond du tac au
tac: «C’est l’école ailleurs.» Plus précisément, «le groupe classe se
transpose à l’extérieur de l’école pour continuer son travail de
découverte et d’apprentissage sur un autre site. Il collecte des
informations qui seront utilisées, en classe de découverte, en cours
d’histoire, géographie… et à l’inverse, il confronte ses connaissances
et vérifie les applications sur le terrain», explique-t-il.
Ainsi, calculer une distance revient à faire des mathématiques; observer
la faune, c’est faire des sciences naturelles. «On aborde différemment
des thèmes qu’on aborde habituellement de façon théorique», confirme
Thierry Varnière, enseignant détaché de l’éducation nationale, dans un
centre d’accueil, à Gouville-sur-Mer (Manche): «Étudier le milieu marin
à travers la météo, le vent, les marées, les galets, permet d’observer,
de manipuler, et d’apprendre autrement les maths, la physique, la
chimie, les sciences naturelles…»
Christelle Radovanovic, 42 ans, enseignante à l’école primaire de
Choisy-le-Roi (Val-de-Marne), organise tous les ans un séjour lié à la
mise en place d’un projet ambitieux basé sur la pluridisciplinarité.
Cette année, Le Tour du monde en quatre-vingts jours monté en comédie
musicale. L’institutrice explique aux parents l’intérêt de cette
entreprise qui a pour effet de faire «grandir les enfants en dehors de
la maison». Aux adultes un peu réticents à laisser partir leur
progéniture, elle prévient: «Je laisse “mes” deux enfants chez moi pour
partir avec “vos” enfants.» Un argument qui fait mouche.
Sa classe de CM1 travaille d’ores et déjà sur le livre de Jules Verne.
Transplantée en Haute-Savoie, durant deux semaines en janvier prochain,
elle planchera matin, midi et soir sur le texte, le décor et la danse,
l’après-midi étant consacré aux activités extérieures: ski, randonnée…
La maîtresse compte sur les animateurs pour gérer un quotidien très
ritualisé: l’heure des repas, l’heure des douches… «Les enfants sont
appelés à être autonomes: ils sont encore souvent habitués à ce que
quelqu’un les aide ou fasse à leur place», observe l’institutrice qui
insiste particulièrement sur l’éducation au savoir-vivre.
Car l’autre découverte, en effet, tout aussi importante, c’est la vie en
collectivité. Apprendre à vivre avec les autres ne s’acquiert pas de la
même manière que la compétence scolaire. La classe de découverte est une
expérience unique pour mieux connaître l’enseignant, mieux se connaître
entre élèves, renforcer les liens, la complicité et le respect mutuel.
Un séjour au cours du premier trimestre a pour effet de souder la
classe. S’il a lieu au printemps, il permet de dépasser les oppositions
entre enfants et d’inscrire une nouvelle tranche de vie dans l’histoire
du groupe.
Une classe de découverte est souvent le premier départ au loin sans les
parents. On partage le quotidien avec les copains et l’enseignant(e).
«Voir la maîtresse en pyjama, c’est une façon pour les enfants de
dédramatiser la fonction» , souligne Thierry Varnière pour qui «l’aspect
vie quotidienne fait partie du projet de départ au même titre que les
activités et le travail de classe. Les enfants apprennent à manger de
tout à table, à se laver les dents après chaque repas, à prendre une
douche une fois par jour. C’est loin d’être acquis pour tout le monde.»
Le vivre-ensemble favorise l’autonomie, dans le respect des règles
fixées au début du séjour. Après la «veillée», qui est un moment de
retour au calme durant lequel on écrit, on chante, on lit…, l’enfant
gagne sa chambre (de 4 ou 5): un petit coin tranquille, bien à lui, où
il peut retrouver l’intimité et la sécurité affective. Selon
l’enseignant, les coups de cafard sont rares. Ils peuvent se produire à
l’occasion d’un rappel de ce qui se passe à la maison. C’est la raison
pour laquelle il est demandé aux parents de ne pas téléphoner à leur
enfant durant le séjour.
La communication passe par Internet (blog, courriel) et par courrier.
Dans certaines situations délicates, un enseignant peut être amené à
donner son numéro de portable. Pour les élèves en difficultés scolaires,
la classe de découverte peut se révéler un atout extraordinaire. Plongé
dans un contexte différent, l’enfant développe d’autres compétences qui
le valorisent. Ce qui conduit l’adulte et ses camarades à modifier leur
regard sur lui. En prenant confiance en lui-même, il va débloquer une
situation.
Chez d’autres enfants, une classe de découverte aura pour effet
l’abandon du doudou, l’arrêt du pipi au lit, la fin de la peur du noir…
Au retour, tous auront grandi, d’une façon ou d’une autre, et la
relation aux parents s’en trouvera modifiée. «Une classe transplantée
est un concentré de moments intenses, exceptionnels, des souvenirs qui
marquent à vie», estime Christelle Radovanovic, fière de donner chaque
soir un bisou à ses élèves.
FRANCE LEBRETON
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Quel avenir pour les voyages scolaires ? Par France Lebreton
Il n’existe plus de statistiques officielles au sein du ministère de
l’éducation nationale, signe d’un désintérêt pour les classes de
découverte. Au manque de choix politique de faire de ces séjours
scolaires un outil pédagogique, s’ajoutent des difficultés
administratives qui compliquent la préparation du projet.
L’entreprise réussit lorsque le triptyque
enseignant-parents-collectivités locales agit en vrai partenariat. Le
directeur d’école, en tant que premier animateur, a aussi une influence
déterminante. Ensemble ils trouvent des solutions de financement,
imaginent un accompagnement bénévole…
Aujourd’hui l’envie est grande de ne plus voir l’école comme un lieu où
l’on insiste sur les difficultés, les mauvaises notes. La volonté est
d’ouvrir l’école sur l’extérieur, de la voir traversée par un nouveau
souffle. Dans ce contexte, on peut espérer que les classes de découverte
retrouvent un nouvel élan. Pour cela, il faudrait motiver tous les
partenaires, à commencer par les enseignants. L’institution devrait
davantage soutenir et reconnaître leur investissement humain.
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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