[Infoligue] Associations : inventer de nouveaux modèles, vite !
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Jeu 25 Oct 09:13:26 CEST 2012
Associations : inventer de nouveaux modèles, vite !
Publié par : LE MONDE
Le : 24.10.2012
Par Hugues Sibille et Viviane Tchernonog
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Les associations sont, depuis 2010, prises en tenaille : les besoins
auxquels elles répondent croissent, leurs ressources décroissent. La
crise les atteint. Les PME ont l'habitude des cycles de crises, d'où une
capacité d'anticipation et d'adaptation. Les associations en sont moins
pourvues. Sous contrainte, elles doivent inventer, vite et dans la
douleur, de nouveaux modèles. Notre société en a besoin.
Ce ne sont pas trente, mais cinquante "années glorieuses" qu'ont connues
les associations jusqu'à la crise économique de 2009, avec une
croissance continue de leurs ressources, de leurs emplois et de leurs
bénévoles. Elles ont atteint 70 milliards d'euros de budget annuel, soit
3,5 % du PIB ; 1,8 million de salariés ; 16 millions de bénévoles.
Contrairement aux idées reçues, le financement public, toutes
collectivités confondues, a progressé jusqu'à la fin des années 2000. La
contraction des contributions de l'Etat était compensée par la montée de
celles des collectivités locales, essentiellement les conseils généraux.
Dans le même temps, les associations recouraient de plus en plus à la
générosité publique, au mécénat et surtout à la vente de prestations.
TOUS LES INDICATEURS DE PRODIGALITÉ STAGNENT
Mais, depuis 2010, les financements des conseils généraux baissent,
renforçant le désengagement de l'Etat. Et pour la première fois, le
baromètre 2012 de France générosités indique que tous les indicateurs de
prodigalité stagnent. Dans le même temps, la crise et les évolutions
démographiques et sociétales accroissent et diversifient les besoins.
Les associations jouent un rôle de plus en plus important en matière de
cohésion sociale, d'animation des territoires, d'éducation, de
développement culturel, de formation professionnelle ou de réinsertion
sociale.
La pauvreté, en baisse dans les années 1970 à 1990, repart à la hausse :
4,8 millions de personnes vivent avec moins de 964 euros par mois et se
tournent vers les associations pour une aide alimentaire, un logement,
une insertion. Le rapport du Secours catholique montre que 30 % des
jeunes de moins de 25 ans sont sans ressources, 36 % en logement
précaire, 40 % au chômage. A l'autre bout, le vieillissement et la
montée de la dépendance créent des besoins considérables.
Quel est l'avenir pour ces associations ? A court terme, la prospective
des finances publiques n'augure rien de bon. L'Etat n'en finit pas de
serrer les boulons. Les collectivités locales entrent dans le gel
budgétaire. Restent les ressources privées. Elles ont deux origines : la
générosité (dons et mécénat) et la participation des usagers
(cotisations et surtout ventes de prestations).
La crise des finances publiques peut conduire, par la fiscalité, à une
baisse des dons et du mécénat. Les incitations fiscales françaises sont
parmi les plus favorables en Europe. Un particulier bénéficie pour son
don de 66 % de déduction, dans la limite de 20 % de son revenu
imposable, une entreprise peut déduire 60 % du mécénat de son impôt sur
les sociétés, dans la limite de 5 % du chiffre d'affaires. L'été a vu un
vent de boulet souffler à Bercy, qui avait concocté une diminution de
moitié de la déduction fiscale des entreprises. Une catastrophe pour le
secteur culturel. Il a fallu une forte mobilisation et la détermination
de la ministre de la culture pour éviter une déroute fiscale
associative. Pour combien de temps ? La vigilance reste de mise.
LA PARTICIPATION DES USAGERS, ALTERNATIVE LA PLUS CRÉDIBLE
La participation des usagers – 47 % du financement du secteur – est
l'alternative la plus crédible, mais la plus problématique. Il s'agit
pour les associations de vendre davantage leurs services ou d'augmenter
leurs tarifs – difficile dans un contexte de recul du pouvoir d'achat.
Et poussée à l'extrême, elle pourrait conduire les associations à
sélectionner leurs publics en fonction de leur seule solvabilité, et
remettrait en cause leur utilité sociale.
Ce modèle économique sous contrainte a des conséquences sur l'emploi et
l'innovation sociale. Entre 2000 et 2010, l'emploi associatif a
progressé de 370 000 postes. Mais trois trimestres de baisse sur 2010 et
2011 ont débouché sur la destruction de 26 000 emplois. Sans compter que
les postes de qualité, à plein temps et en CDI, baissent, remplacés par
des emplois précaires, à temps partiel.
Une première inquiétante, dans laquelle il faut resituer la politique du
gouvernement. Celui-ci compte sur les associations pour embaucher une
partie des 150 000 emplois d'avenir réservés aux 18-25 ans sans
qualification. Les associations ne contestent pas la priorité donnée à
l'emploi des jeunes non qualifiés, mais redoutent vivement d'être
obligées de réduire, par manque de ressources, leurs emplois qualifiés,
vitaux, tout en étant sommées d'embaucher des jeunes non qualifiés
(contre 75 % d'un smic sur 3 ans, payé par l'Etat). Les associations
pourraient en sortir fragilisées.
Les contrats de génération, en cours de négociation, constitueraient,
eux, un outil intéressant pour des associations qui connaîtront de
nombreux départs à la retraite d'ici à 2020 (600 000 pour l'économie
sociale dans son ensemble). Ce qui se joue au fond, c'est la
redéfinition d'une politique de ressources humaines associatives,
salariées et bénévoles. D'où l'importance que les employeurs associatifs
soient présents dans les instances de concertation avec les pouvoirs
publics.
CÔTÉ INNOVATION SOCIALE, LA MENACE EST AUSSI FORTE
Côté innovation sociale, la menace est aussi forte. Moins capables de
dégager des excédents, les associations auront du mal à autofinancer
l'investissement dans l'innovation sociale, les réponses aux besoins
nouveaux. Deux solutions. Mieux utiliser les fonds structurels européens
(FSE, FEDER) en vue de la programmation 2014-2020, qui mettra en avant
l'innovation sociale. La décentralisation de la gestion du FSE aux
régions devrait en améliorer l'efficacité. L'autre voie passe par de
nouveaux outils de financement en fonds propres, comme le titre
associatif, ou en recherche & développement associative, avec les fonds
innovation sociale liés à la nouvelle Banque publique d'investissement.
Les associations avancent sur une ligne de crête. Le secteur public,
pour redresser ses comptes, peut avoir envie d'externaliser une partie
croissante de ses services publics vers elles. Cette évolution, qui se
profile déjà, constitue un potentiel de développement associatif. Mais
elles courent aussi le risque de devenir de simples prestataires de
services sociaux, assumant une précarité et une sous-qualification des
emplois. Une forme de secteur public au rabais.
La ministre de la vie associative a promis de relancer la charte des
engagements réciproques entre l'Etat et les associations, signée pour le
centenaire de la loi de 1901. Ce sujet devrait en faire partie. De
l'autre côté de la crête, le danger est de devenir des entreprises
concentrées sur des missions rentables, professionnalisées, en perdant
l'originalité du lien avec la société civile et la mission de lien social.
C'est l'invention d'un troisième scénario qui se joue aujourd'hui, comme
l'ont montré les travaux de la Fonda. Avec des associations qui trouvent
leur place dans une économie sociale et solidaire renouvelée, s'assumant
comme entreprises associatives si nécessaire, mais qui ont une vision
stratégique de leur modèle économique (fonds propres, bénévoles, dons,
prestations, partenariats...) les protégeant de l'instrumentalisation
par les pouvoirs publics ou de la marchandisation lucrative. D'autre
part, les petites associations de proximité, dans le sport, la culture,
l'action humanitaire ou l'insertion, dans lesquelles s'impliquent des
millions de bénévoles qui animent la vie locale, doivent aussi pouvoir
exister. Le nouvel avenir des associations reste à écrire.
Hugues Sibille est président d'Avise, association visant à développer
l'économie sociale ; Viviane Tchernonog est chercheuse au CNRS.
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Défricheurs d'avenir
Crise. Un petit mot bien pratique pour éviter la litanie : baisse de la
croissance, baisse du pouvoir d'achat, hausse du chômage, de la
pauvreté, de la précarité... Notre système économique à bout de souffle
génère de plus en plus de besoins.
Pour y répondre, les associations et les fondations sont les premières
sollicitées. Les mieux armées aussi. Grâce à leur structure à but non
lucratif, sans actionnaires et sans dividendes à verser, elles
représentent un modèle économique innovant, souple, mieux à même de
s'adapter. Face à la crise des valeurs, le bénévolat, le don, le mécénat
offrent une alternative à l'égoïsme et à l'individualisme ambiant.
Utopique ? Après la grande crise de 1929, le sociologue Robert Putnam
expliquait comment les Etats-Unis sont parvenus, au fil du XXe siècle, à
reconstituer un tissu communautaire au travers d'associations en tout
genre, des parents d'élèves aux... amateurs de bowling.
Un mouvement de fond est perceptible. Restait le politique. Là aussi il
y a du nouveau. Une "Madame Associations", Soria Blatmann, a fait son
entrée à Matignon. De son côté, la ministre Valérie Fourneyron a pris la
mesure de l'enjeu : "Les associations jouent un premier rôle de
défricheur." Et rappellent que le vivre-ensemble peut être beaucoup plus
qu'une expression à la mode.
Catherine Pacary
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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