[Infoligue] Vers un nouveau monde associatif ?
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Ven 13 Déc 09:09:45 CET 2013
Vers un nouveau monde associatif ?
Publié par :
http://alternatives-economiques.fr/blogs/sibille/2013/12/09/vers-un-nouveau-monde-associatif/
Le : 09/12/13
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L’avenir des associations se joue maintenant. Après une longue période
de développement s’ouvre une ère nouvelle : moins de ressources
publiques, davantage de besoins sociaux, des attentes citoyennes en
hausse. Faut-il faire plus d’associatif avec moins ? L’idée, simple, est
insuffisante. Il faut donc tenter de faire “autrement”. Le diagnostic de
départ se résume ainsi : la puissance associative est ébranlée dans ses
fondamentaux.
Oui, le secteur associatif reste une puissance socio-économique : il
compte 1,8 million d’emplois (8% des effectifs du secteur privé) et pèse
85 milliards d’euros (3,2% du PIB français). Malgré la crise, le secteur
s’est développé à un rythme rapide jusqu’en 2010. Mais ses fondamentaux,
financiers et humains, sont remis en question. Le secteur connaît depuis
2011 une stagnation de son poids et de ses emplois. Une «première »
négative qui tient pour l’essentiel à la baisse de la plupart des
financements publics: seuls les Conseils généraux se maintiennent.
Au plan humain, l’action des associations gestionnaires, de plus en plus
technique, requière des compétences élevées (technologies numériques par
exemple). Les employeurs associatifs peinent à rémunérer ces compétences
à leur juste niveau. Les emplois d’avenir ne règleront pas ce problème.
Si le bénévolat reste en expansion, de nombreux bénévoles ne souhaitent
plus s’impliquer dans le projet associatif et préfèrent donner des coups
de main ponctuels.
Voici que se profilent des années d’aléas. Les difficultés sont
nombreuses, mais pas uniformes. Le secteur médico-social, (insertion des
personnes vulnérables ou handicapées, aide à domicile, développement
social des territoires…) subit les effets de la raréfaction et de la
transformation des financements publics. Le secteur socio-culturel et
l’éducation populaire (MJC, bibliothèques, médiathèques, théâtres,
musées…) connaissent des difficultés chroniques et croissantes de
trésorerie. Les clubs sportifs ont des difficultés à trouver des
bénévoles compétents, au regard de réglementations exigeantes. Quant aux
associations militantes – actives dans la défense de l’environnement, du
cadre de vie, des consommateurs, des causes ou des minorités – qui
jouent un rôle d’alerte auprès des pouvoirs publics, elles sont le plus
souvent exclues des financements publics et peinent à trouver des
ressources autres que les cotisations et quelques dons.
Les discours globalisants sur le monde associatif marquent vite leurs
limites, mais on peut pointer quelques enjeux d’ensemble.
Premier enjeu : l’instrumentalisation des associations gestionnaires par
les procédures de commandes publiques. A la baisse des subventions (-17
% en 6 ans) répond une explosion des commandes publiques (+73 %). Les
subventions publiques étaient en 2005 deux fois supérieures aux
commandes publiques; elles occupent désormais un poids comparable à
respectivement 24 et 25 % du financement total. La définition de la
subvention par la loi ESS portée par le ministre Benoit Hamon, votée au
Sénat, était nécessaire; sera-t-elle suffisante?
Il ne s’agit pas de critiquer le recours à des mises en concurrence qui
peuvent être stimulantes. Mais ces transformations rapides peuvent
impacter la nature du projet associatif, fragiliser certaines
associations qui deviennent inhibées dans leur créativité sociale. Or
l’innovation est indispensable au renouvellement de politiques publiques
à la peine.
Deuxième enjeu : l’affaiblissement des petites et moyennes associations
(PMA). Le développement de la commande publique se porte sur les grosses
associations au détriment des moyennes qui n’ont ni la taille ni les
compétences pour accéder aux commandes. Cette évolution peut conduire à
une dualisation trop forte entre de petites associations de bénévoles,
qui fonctionnent au niveau local sans ou avec très peu de financement,
et de puissants groupes associatifs. Les Dispositifs locaux
d’accompagnement des PMA seront essentiels.
Troisième enjeu : le recul des fonctions associatives de cohésion
sociale. Le développement du secteur s’appuie sur la participation
financière des usagers au service rendu (+ 29 % en 6 ans). Les usagers
financent déjà– avec les cotisations – près de 47 % du budget du secteur
associatif. Ces évolutions pourraient conduire à une sélection
croissante des publics en fonction de leur solvabilité, affaiblissant le
rôle associatif de cohésion sociale.
Quatrième enjeu : la montée des inégalités territoriales associatives.
Les évolutions conjuguées de baisse de l’Etat, de privatisation et de
décentralisation des financements, subordonnent les associations à la
richesse ou à la pauvreté des territoires. Sur les territoires
dynamiques, elles trouveront les financements publics et privés, les
bénévoles de qualité, les gouvernances de bon niveau et les compétences
salariées. Mais ailleurs, sur les territoires en déclin, enclavés,
vieillissants, en déficit de matière grise ?
Comment anticiper et répondre à ces enjeux, écrire un avenir autrement ?
C’est aux dirigeants associatifs de le faire. On peut poser ici quelques
jalons.
Il faut souligner d’emblée la nécessité de mieux lire l’avenir par une
intelligence non lucrative. La Fonda a fait un remarquable travail
prospectif avec “Faire ensemble 2020″. Il n’est pas normal que
l’exercice gouvernemental “La France en 2025″ fasse aussi peu de place
au non lucratif.
Dans cet ordre d’idée il y aurait lieu de rénover les fédérations
d’associations. Elles souffrent ; leur modèle économique, leur
gouvernance, leurs outils datent du XXème siècle. Accompagnons-les afin
qu’elles apportent des services utiles à leurs membres et portent leurs
plaidoyers avec efficacité.
Pour affronter les risques, les associations vont devoir chercher de
nouvelles alliances et clarifier certains positionnements. Les alliances
territoriales sont essentielles. Avec les collectivités territoriales
au premier chef, pour ne pas être de simples prestataires de commandes
publiques, mais de vrais partenaires, coproducteurs de l’intérêt
général. L’actualisation voulue par la Ministre des associations,
Valérie Fourneyron, de la Charte d’engagements réciproques signée en
2001 entre l’Etat et la CPCA devrait, cette fois, comporter la signature
des collectivités territoriales. Un droit du partenariat pourra-t-il
s’inventer?
Alliances avec les entreprises ensuite, afin que celles-ci ne soient pas
que des mécènes ponctuels mais des partenaires de projets territoriaux à
part entière.
Clarification du positionnement associatif vis-à-vis de l’économie
sociale et solidaire (ESS) enfin. Une partie des associations doit
s’assumer comme entreprises associatives et revendiquer son appartenance
à une ESS dynamique. Les associations sont aujourd’hui assises entre
deux chaises : ni dans l’économie, ni dans la citoyenneté. Cette
ambiguïté emporte des conséquences. Ainsi, la loi ESS en cours est assez
peu associative. Pourtant, nombre de questions comme l’accès aux fonds
propres ou la gestion des ressources humaines sont communes à toutes les
entreprises sociales.
Au final, les associations devront faire preuve de pragmatisme car la
période des financements publics abondants est finie ; d’imagination car
il va falloir inventer de nouveaux modèles économiques et produire de
l’innovation financière (crowdfunding, titres associatifs par exemple…)
; de coopération car le monde associatif devra sortir d’un certain «
chacun pour soi » qui le caractérise encore.
Hugues Sibille, Vice-Président du Crédit Coopératif, Président de l’Avise
Viviane Tchernonog, Chercheuse au CNRS, Centre d’économie de la Sorbonne
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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