[Infoligue] Politique sportive : pour la Cour des comptes, l'Etat est à la limite du hors-jeu

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Ven 18 Jan 09:18:15 CET 2013


Politique sportive : pour la Cour des comptes, l'Etat est à la limite du 
hors-jeu

Publié par : http://www.localtis.info/
Le : jeudi 17 janvier 2013

************************

Le premier rapport public thématique de la Cour des comptes consacré au 
sport fera date. Ce n'est en effet rien de moins que le fondement de 
l'intervention de l'Etat dans le domaine du sport qui se trouve mis en 
cause dans ce document de quelque 230 pages. Au coeur du débat : 
l'inefficacité de l'action en faveur du sport pour tous. Et un grand 
responsable montré du doigt : le Centre national pour le développement 
du sport, accusé de saupoudrer ses subventions.

Le titre du rapport de la Cour des comptes sur le sport pour tous et le 
sport de haut niveau parle de lui-même. Il plaide en effet "pour une 
réorientation de l'action de l'Etat". Ce rapport rendu le 17 janvier, 
premier du genre dans le domaine sportif, analyse les performances des 
politiques menées par l'Etat dans le secteur du sport, auquel il 
consacre 4,3 milliards d'euros par an (dont 3,5 milliards d'euros au 
sport scolaire et universitaire sous forme de masse salariale) – quand 
les collectivités territoriales y consacrent 10,8 milliards d'euros . 
Une action de l'Etat qui se concentre sur deux objectifs : d'une part, 
faire accéder les citoyens à une large variété de disciplines sportives 
- ou sport pour tous -, et d'autre part, figurer parmi les nations les 
plus performantes dans le sport de haut niveau.
En ce qui concerne le sport pour tous, la Cour des comptes note que, 
"malgré des moyens financiers importants consacrés au développement de 
la pratique sportive, l'accès au sport se caractérise par de fortes 
inégalités". Et la Cour d'emboîter le pas aux constats largement 
partagés depuis des années, y compris par les ministres des Sports 
successifs : "Le sport, en tant que marqueur de l'intégration, révèle 
l'exclusion des personnes handicapées et d'une grande partie des 
habitants des zones urbaines sensibles (ZUS), de même que la place 
marginale des jeunes filles et des femmes dans les clubs." Rien de neuf 
donc, mais quelques chiffres. Le taux de licences féminines (19,2%) ou 
celui des licences en ZUS (11,5%) en 2011 sont ainsi bien inférieurs à 
la moyenne nationale (27,2%). Pour la Cour des comptes, ces inégalités 
d'accès au sport recouvrent également des inégalités territoriales en 
matière d'équipements. Les territoires les moins bien dotés sont ainsi 
les agglomérations importantes, en particulier la région parisienne 
(23,7 équipements pour 10.000 habitants contre une moyenne nationale de 
40), les ZUS apparaissant également sous-équipées (20 équipements pour 
10.000 habitants en moyenne en 2009).

Un effet de levier trop limité

Les raisons d'un tel échec viendraient, pour la Cour, de ce que l'Etat 
"ne parvient pas à inciter les fédérations et les clubs à développer une 
offre d'équipements et des conditions d'accueil et d'encadrement 
adaptées à une demande qui a évolué". Son intervention directe (par les 
crédits du programme Sport) ou par l'intermédiaire de son opérateur, le 
Centre national pour le développement du sport (CNDS), se traduit "par 
un saupoudrage qui risque de perpétuer les inégalités au lieu de les 
corriger".

Les conventions d'objectifs entre le ministère et les fédérations 
n'accompagnent pas suffisamment le développement du sport pour tous, 
note la Cour - les crédits étant insuffisamment orientés vers les 
publics les plus éloignés de la pratique -, et jouent principalement le 
rôle de subventions générales de fonctionnement. Quant à la part 
territoriale du CNDS, qui subventionne les clubs locaux et qui est 
normalement allouée sur le fondement d'un projet qui doit conduire au 
développement de la pratique sportive, elle constitue également dans de 
nombreux cas une subvention de fonctionnement dont, de surcroît, le 
montant médian relativement faible (1.200 euros) limite les effets de 
levier.

Quant aux subventions d'équipement du CNDS aux collectivités 
territoriales et à leurs groupements, leurs "faibles montants" sont pour 
la Cour "répartis de manière inéquitable". "Des progrès restent à 
accomplir pour les outils d'aide à la décision et d'analyse des demandes 
de subvention d'équipement adressées au CNDS", écrit encore la Cour. Et 
ceci alors qu'un recensement des équipements sportifs existe et que ses 
données servent en principe à alimenter un schéma de cohérence 
territoriale et des diagnostics territoriaux approfondis théoriquement 
mis en place ces deux dernières années. Le problème est donc connu par 
ceux-là mêmes qui sont censés le résoudre... Et puis, là encore, l'effet 
de levier est en cause : "Les subventions d'équipement sont attribuées à 
partir de critères nombreux qui nuisent à la lisibilité de l'action du 
CNDS. Elles ne sont, en l'état, qu'un complément le plus souvent limité, 
voire marginal, au tour de table mis en place pour la construction 
d'équipements, et non un instrument permettant d'orienter celle-ci vers 
les territoires qui en auraient le plus besoin."

Le fondement de l'intervention de l'Etat mis en cause

Au chapitre des équipements sportifs, l'apport du CNDS ne représente 
ainsi que 2% des financements des collectivités territoriales qui ont 
investi, en 2008, de l'ordre de 4,5 milliards d'euros. En définitive, 
l'intervention du CNDS "dans un champ très largement investi par les 
collectivités territoriales ne pourrait avoir de sens que dans le cadre 
d'une démarche d'aménagement du territoire". Or, selon la Cour, cette 
intervention souffre aujourd'hui de deux écueils : d'une part, certains 
crédits du centre sont mobilisés pour financer des actions sans lien 
avec le développement du sport (aides au mouvement olympique, au sport 
professionnel, fonds de concours versé à l'Etat et réaffecté à hauteur 
de 138,8 millions d'euros au programme Sport entre 2009 et 2016) ; 
d'autre part, les subventions de fonctionnement et d'équipement, que 
l'établissement répartit en faveur du sport pour tous, ne représentent 
qu'un impact limité par rapport aux subventions des collectivités 
territoriales.

"Dans ces conditions, conclut la Cour des comptes, le fondement même 
d'une intervention de l'Etat dans le champ du sport pour tous se trouve 
mis en question : sa légitimité ne peut être réaffirmée que si son 
action est résolument réorientée vers les publics les plus éloignés de 
la pratique sportive et les territoires les moins bien équipés." Et la 
Cour d'appeler de ses vœux une réforme profonde du CNDS, "indispensable 
afin d'en faire un véritable instrument de correction des inégalités 
territoriales dans l'accès aux pratiques sportives".

Le sport à l'école : une coquille vide ?

La Cour des comptes pointe un autre point noir des politiques sportives 
: le rôle de l'école. "L'essentiel des moyens que l'Etat consacre au 
sport pour tous correspond à l'enseignement d'éducation physique et 
sportive (EPS), écrit-elle. Or cet enseignement est déconnecté du 
mouvement sportif, en partie du fait du rattachement des enseignants de 
la discipline au ministère de l'Education nationale." Et la Cour 
d'ajouter que ce dernier enseignement est en outre "dépourvu d'objectifs 
clairs et évaluables, à l'exception de l'apprentissage de la natation 
[...]". Autrement dit, il faut donner un contenu digne de ce nom au 
sport à l'école, car il est pour beaucoup le seul cadre de pratique 
sportive. Et l'une des pistes est que l'enseignement de l'EPS se 
rapproche du mouvement sportif. "Une telle évolution requiert notamment 
de mieux coordonner les ministères des Sports d'une part, de l'Education 
nationale et de l'Enseignement supérieur d'autre part, qui s'ignorent 
largement aujourd'hui", écrit la Cour. Ce rapprochement pourrait en 
outre permettre de créer une réelle culture du sport en France, qui, aux 
dires de la Cour, n'existe pas actuellement.

Dans l'exercice habituel des préconisations, la Cour des comptes 
recommande notamment : d'adapter le rôle de régulation de l'Etat, en 
définissant des priorités resserrées pour ses interventions ; de 
développer des outils de mesure et d'analyse des dépenses sportives et 
des effets de la pratique du sport sur la santé, l'employabilité et la 
cohésion sociale ; de développer une politique efficace de réduction des 
inégalités dans l'accès au sport, en mettant fin au subventionnement par 
le CNDS sans lien avec le sport pour tous ; de réformer les instruments 
d'intervention du CNDS, en procédant à des appels à projets visant à 
accroître la pratique sportive chez les publics qui en sont le plus 
éloignés et en ne finançant que des projets qui répondent à des 
situations de sous-équipement. En d'autres termes, pour l'essentiel, la 
Cour des comptes voudrait que soient mises en pratique des intentions 
largement exprimées par tous les acteurs institutionnels du sport mais 
dont la réalisation a été détournée ces dernières années... Pour preuve, 
la lettre d'orientation du CNDS pour 2013 vise déjà à "favoriser la 
pratique du sport par le plus grand nombre, corriger les inégalités 
d'accès aux pratiques sportives et accompagner les associations 
sportives sur tous les territoires".

Jean Damien Lesay

-- 

-----------------------
Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
-----------------------
Nos sites :
http://www.laligue-alpesdusud.org
http://www.laligue-alpesdusud.org/associatifs_leblog
-----------------------





Plus d'informations sur la liste de diffusion Infoligue