[Infoligue] Éducation artistique: l'échec n'est pas permis

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Mar 5 Mar 09:25:59 CET 2013


Éducation artistique: l'échec n'est pas permis

Publié par : 
http://www.huffingtonpost.fr/philippe-meirieu/reforme-education-artistique_b_2784231.html
Le : 01/03/2013

Par Philippe Meirieu et le collectif "Pour l'éducation, par l'art".

******************

Après les concertations et les rapports, voici venu le temps des actes. 
Il faut que le "plan national pour l'éducation artistique et culturelle" 
promis par François Hollande prenne de la consistance et que les 
ministères concernés (Éducation, Culture, Jeunesse et Éducation 
populaire, Universités, sans oublier l'Agriculture) s'impliquent dans sa 
mise en œuvre, résolument et solidairement. Les enjeux de l'entreprise 
sont de deux ordres.

Pour l'Éducation nationale, au sein des établissements comme à 
l'extérieur, dans le cadre des enseignements mais aussi en complément et 
au delà des disciplines, il s'agit d'intégrer la dimension artistique, 
sous ses diverses formes (pratiques personnelles et collectives, 
découverte des œuvres du patrimoine et de la création contemporaine, 
partenariat avec des artistes, histoire des arts). Et ce, à tous les 
niveaux du système scolaire, du cursus universitaire et de la formation 
professionnelle, afin de favoriser l'émergence de l'école imaginative, 
alliant savoir et créativité, que réclament les mutations du monde 
contemporain. Il s'agit d'introduire au cœur de l'œuvre éducative, de 
ses rythmes, ses horaires et ses espaces, un antidote au formatage des 
esprits et des modes d'expression par les industries du divertissement.

Pour les politiques culturelles, il en va de la légitimité et de 
l'avenir du projet de démocratisation qui sous-tend l'engagement public 
depuis plus d'un demi-siècle. On ne saurait se contenter d'accumuler les 
offres d'art et de culture envers les adultes sans s'assurer que 
l'ensemble des enfants et adolescents aient été préparés à s'en saisir. 
Depuis des décennies, les expériences originales se multiplient et les 
évaluations positives se succèdent. Leur généralisation à tous les 
élèves, "de la maternelle à l'université", est à l'ordre du jour. Elle 
sera bien sûr progressive. Mais comment procéder ?

Outre l'inscription bienvenue de ces objectifs dans la loi d'orientation 
sur la refondation de l'école et le "socle commun de connaissances et de 
compétences", outre l'indispensable coordination avec les collectivités 
territoriales, afin que la palette des activités offertes à la jeunesse 
croisse en variété comme en qualité, plusieurs résolutions s'imposent au 
gouvernement s'il veut réussir la réforme espérée de tous côtés.

Il faut d'abord définir les parcours d'éducation artistique et 
culturelle. Officiellement adopté, ce terme de "parcours" a le mérite de 
répondre au besoin d'inscrire l'initiation aux arts dans la durée et le 
cadre de la scolarité, de même qu'à la nécessité d'articuler entre elles 
les activités scolaires, péri et extrascolaires. Une charte nationale 
devrait en préciser les principes et les critères, afin qu'il ne se 
limite pas à une addition de visites de monuments, de sorties au 
spectacle ou de séances d'ateliers fragmentées. Un parcours doit être 
une suite articulée d'expériences dans les divers domaines de l'art, 
permettant à chaque enfant ou adolescent de s'exprimer (seul et en 
relation avec d'autres), d'éprouver (voir, entendre, ressentir) et de 
réfléchir (apprendre l'histoire, comprendre les techniques, interpréter 
les codes) : bref, de se construire et de s'élever dans une démarche 
dont il peut décrire la cohérence et partager le sens, pour transformer 
son expérience en connaissance.

Le parcours de chaque élève doit être ensuite validé. Pour valoriser ces 
expériences et leurs acquis, à la fois aux yeux des enfants, des 
parents, des enseignants, des artistes et des institutions qui les 
encadrent, il importe qu'elles ne soient pas rejetées en marge de la 
scolarité. Elles doivent être évaluées au sein même du cursus scolaire, 
notamment à l'occasion du brevet des collèges et du baccalauréat. Chaque 
élève pourrait présenter ainsi les éléments ou les étapes de son 
parcours artistique (à l'instar de son parcours professionnel et de son 
parcours citoyen). Ce dernier sera alors validé, non à travers les 
performances qu'il aurait permises mais dans l'engagement qu'il aura 
requis. L'éducation artistique ne constituerait plus un simple 
supplément d'âme, mais bien une force motrice de la réussite scolaire, 
individuelle et collective.

Pour cela, il faut reconstruire la formation initiale et continue de 
tous les partenaires. Il ne suffit pas de mettre en place des 
dispositifs scolaires, encore faut-il que les acteurs aient les 
dispositions pour les mettre en œuvre. La démolition de quantité de 
formations durant ces dernières années a causé des dégâts considérables. 
Plusieurs générations de jeunes enseignants, responsables éducatifs, 
artistes intervenants, se trouvent aujourd'hui démunies face aux 
attentes des élèves et aux instructions ministérielles. Il faut les 
aider d'urgence à travers une formation initiale et continue revue de 
fond en comble. Commençons, dès cette année, par un large appel à la 
réalisation de dizaines d'universités d'été sur la conduite de projets 
d'éducation artistique dans tous les domaines, et publions leurs travaux 
pour diffuser leurs avancées. Restituons aux associations et structures 
expérimentées les moyens perdus pour réaliser ces formations, afin 
qu'elles irriguent de proche en proche tout le champ concerné. Assurons 
enfin la présence de modules spécifiques de formation à l'éducation 
artistique, pour tous les enseignants, dans les futures écoles 
supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE), mais aussi dans les 
formations artistiques supérieures, donnant lieu à validation dans les 
deux cas. Ce double mouvement garantira à la fois la pérennité des 
politiques engagées et la qualité des actions menées.

Cette qualité dépend de la place des artistes et des professionnels de 
la culture dans les projets éducatifs, qu'il s'agit de conforter. La 
France se distingue dans le monde par son choix de privilégier la 
participation directe des artistes (mais aussi des conservateurs, des 
bibliothécaires, des médiateurs, etc.) dans les projets d'éducation 
artistique, en partenariat avec les enseignants. Pourtant le statut des 
artistes et le régime des intermittents restreignent encore leur faculté 
d'être rétribués comme des acteurs de la transmission. Le projet de loi 
sur la création artistique en cours d'élaboration devra conforter leur 
capacité à contribuer aux projets éducatifs et à se former au 
partenariat avec les enseignants. Il en va autant de la défense de 
l'emploi artistique et de la lutte contre la précarité que de la qualité 
des projets éducatifs.

Il faut enfin bâtir le réseau des pôles de référence et de ressources. 
L'essor de l'éducation artistique et culturelle s'accomplira de manière 
diversifiée mais concertée, comme il sied dans un pays décentralisé, à 
condition que les territoires les moins pourvus bénéficient de l'appui 
prioritaire de l'État. De nombreux acteurs seront de fait confrontés au 
lancement de projets dont ils ne maîtrisent pas toujours les enjeux, la 
genèse, les implications, les modes d'évaluation. En plus des moyens 
financiers, qui manquent toujours à l'appel, il convient de leur offrir, 
sur le plan territorial comme sur le plan national, des pôles de 
référence qui fassent office de centres de ressources, de formation, 
d'évaluation, d'édition et de production d'outils pédagogiques. De tels 
pôles ont existé dans plusieurs domaines culturels, certains agissent 
encore ; il faut les faire renaître ou les consolider en relation avec 
le réseau du Centre national de la documentation pédagogique. Mais il 
importe aussi d'instituer un pôle national chargé d'animer et de 
coordonner les réflexions, d'esquisser des comparaisons internationales, 
d'encourager les coopérations transversales ou pluridisciplinaires. Se 
substituant au Haut Conseil de l'éducation artistique et culturelle 
(strictement consultatif) il deviendrait un véritable outil au service 
d'une politique nationale, pilotée dans une dynamique interministérielle.

Ces propositions sont à nos yeux les premiers leviers d'une politique 
cohérente pour faire reculer la "misère symbolique", cousine et 
porte-parole de la misère tout court. Elles peuvent être concrétisées 
très rapidement. Le président de la République et le gouvernement se 
sont engagés à un plan de grande ampleur. Ils doivent maintenant passer 
à l'acte. À moins de passer à la trappe ce pilier de la "refondation" de 
l'école et de la démocratisation de la culture qu'est l'éducation 
artistique.


Collectif "Pour l'éducation, par l'art"
Marie-Christine Bordeaux (maître de conférences, Université Stendhal 
Grenoble 3), Jean-Gabriel Carasso (auteur, réalisateur, directeur de 
l'Oizeau rare), Pascal Collin (dramaturge, metteur en scène), 
Jean-Pierre Daniel (cinéaste pédagogue, ex-président des Enfants de 
cinéma), François Deschamps (président de la Fédération nationale des 
associations de directeurs des affaires culturelles), Alain Kerlan 
(philosophe, Institut des sciences et des pratiques d'éducation et de 
formation, Université Lyon 2), Jean-Claude Lallias (professeur de 
lettres), Geneviève Lefaure (présidente de "Scènes d'enfances et 
d'ailleurs"), Philippe Meirieu (pédagogue, professeur à l'Université 
Lyon 2), Claire Rannou (déléguée nationale de l'ANRAT - théâtre et 
éducation), Robin Renucci (comédien, directeur des Tréteaux de France, 
président de l'ARIA), Emmanuel Wallon (sociologue, professeur à 
l'Université Paris Ouest Nanterre).

Contact : pourleac at orange.fr

-- 

-----------------------
Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
-----------------------
Nos sites :
http://www.laligue-alpesdusud.org
http://www.laligue-alpesdusud.org/associatifs_leblog
-----------------------





Plus d'informations sur la liste de diffusion Infoligue