[Infoligue] Inventer pour préparer l'avenir

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Ven 29 Nov 16:07:13 CET 2013


Inventer pour préparer l'avenir

Publié par : LE MONDE
Le : 29.11.2013

Par : Hugues Sibille est vice-président du Crédit coopératif et 
président de l'Avise ; Viviane Tchernonog est chercheuse au CNRS, Centre 
d'économie de la Sorbonne.

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L'avenir des associations se joue maintenant. Après une longue période 
de développement s'ouvre une ère nouvelle : moins de ressources 
publiques, davantage de besoins sociaux, des attentes citoyennes en 
hausse. Faut-il faire plus d'associatif avec moins ? L'idée, simple, est 
insuffisante. Il faut donc tenter de faire « autrement ». Le diagnostic 
de départ se résume ainsi : la puissance associative est ébranlée dans 
ses fondamentaux.

UNE PUISSANCE SOCIO-ÉCONOMIQUE

Oui, le secteur associatif reste une puissance socio-économique : il 
compte aujourd'hui 1,8 million d'emplois (8 % des effectifs du secteur 
privé) et pèse 85 milliards d'euros (3,2 % du produit intérieur brut 
français). Malgré la crise, le secteur s'est développé rapidement 
jusqu'en 2010. Mais ses fondamentaux, financiers et humains, sont remis 
en question. Depuis 2011, le secteur connaît une stagnation de son poids 
et de ses emplois. Une « première » négative, qui tient, pour 
l'essentiel, à la baisse de la plupart des financements publics : de ce 
point de vue, seuls les conseils généraux se maintiennent.

Sur le plan humain, l'action des associations gestionnaires, de plus en 
plus technique, requiert des compétences élevées (dans les technologies 
numériques par exemple). Les employeurs associatifs peinent à rémunérer 
ces compétences à leur juste niveau. Les emplois d'avenir ne régleront 
pas ce problème. Si le bénévolat reste en expansion, bien des bénévoles 
ne souhaitent plus s'impliquer dans le projet associatif, préférant 
donner des coups de main ponctuels.

Voici donc que se profilent des années d'aléas. Les difficultés sont 
nombreuses, mais pas uniformes. Le secteur médico-social (insertion des 
personnes vulnérables ou handicapées, aide à domicile et développement 
social des territoires) subit les effets de la raréfaction et de la 
transformation des financements publics. Le secteur socioculturel et 
l'éducation populaire (MJC, bibliothèques, médiathèques, théâtres, 
musées…) connaissent des difficultés chroniques et croissantes de 
trésorerie. Les clubs sportifs ont de plus en plus de mal à trouver des 
bénévoles compétents au regard de réglementations exigeantes. Quant aux 
associations militantes – actives dans la défense de l'environnement, du 
cadre de vie, des consommateurs, des causes ou des minorités – qui 
jouent un rôle d'alerte auprès des pouvoirs publics, elles sont le plus 
souvent exclues des financements publics et peinent à trouver des 
ressources autres que les cotisations et quelques dons.

QUATRE ENJEUX POUR LE MONDE ASSOCIATIF

Les discours globalisants sur le monde associatif trouvent vite leurs 
limites, mais on peut pointer quelques enjeux d'ensemble.

Premier enjeu : l'instrumentalisation des associations gestionnaires par 
les procédures de commandes publiques. A la baisse des subventions (- 17 
% en six ans) répond une explosion des commandes publiques (+ 73 %). Les 
subventions publiques étaient, en 2005, deux fois supérieures à ces 
commandes ; elles occupent désormais un poids comparable, respectivement 
24 % et 25 % du financement total.

La définition de la subvention par la loi sur l'économie sociale et 
solidaire (loi ESS), portée par le ministre Benoît Hamon et votée au 
Sénat, était nécessaire ; sera-t-elle suffisante ? Il ne s'agit pas ici 
de critiquer le recours à des mises en concurrence qui peuvent être 
stimulantes. Mais ces transformations rapides peuvent altérer la nature 
même du projet associatif, fragiliser certaines associations et les 
inhiber dans leur créativité sociale. Or l'innovation est indispensable 
au renouvellement de politiques publiques à la peine.

Deuxième enjeu : l'affaiblissement des petites et moyennes associations 
(PMA). Le développement de la commande publique se porte sur les grosses 
associations, au détriment des moyennes, qui n'ont ni la taille ni les 
compétences pour accéder aux commandes. Cette évolution peut conduire à 
une dualisation trop forte entre de petites associations de bénévoles, 
qui fonctionnent au niveau local sans ou avec très peu de financements, 
et de puissants groupes associatifs. Les dispositifs locaux 
d'accompagnement des PMA seront essentiels.

Troisième enjeu : le recul des fonctions associatives de cohésion 
sociale. Le développement du secteur s'appuie de façon croissante (+ 29 
% en six ans) sur la participation financière des usagers au service 
rendu. Ces derniers financent déjà par leurs cotisations près de 47 % du 
budget du secteur. Ces évolutions pourraient entraîner une sélection des 
publics en fonction de leur solvabilité, affaiblissant le rôle 
associatif de cohésion sociale.

Quatrième enjeu : la montée des inégalités territoriales. Les évolutions 
conjuguées de baisse du poids de l'Etat, de privatisation et de 
décentralisation des financements subordonnent les associations à la 
richesse ou à la pauvreté des territoires. Sur les territoires 
dynamiques, elles trouveront financements, publics et privés, bénévoles 
de qualité, gouvernances de bon niveau et compétences salariées. Mais, 
ailleurs, sur les territoires en déclin, enclavés, vieillissants, en 
déficit de matière grise ?

ÉCRIRE L'AVENIR AUTREMENT

Comment anticiper et répondre à ces enjeux, écrire un avenir autrement ? 
C'est aux dirigeants associatifs de le faire. On peut poser ici quelques 
jalons.

Il faut souligner d'emblée la nécessité de mieux lire l'avenir par une 
intelligence non lucrative. Le think tank La Fonda a fait un remarquable 
travail prospectif avec « Faire ensemble 2020 ». Il n'est pas normal que 
l'exercice gouvernemental sur la France en 2025 fasse aussi peu de place 
au non-lucratif.

Dans cet ordre d'idées, il y aurait lieu de rénover les fédérations 
d'associations. Elles souffrent ; leur modèle économique, leur 
gouvernance, leurs outils datent du XXe siècle. Accompagnons-les afin 
qu'elles apportent des services utiles à leurs membres et portent leurs 
plaidoyers avec efficacité.

Pour affronter les risques, les associations vont devoir chercher de 
nouvelles alliances et clarifier certains positionnements. Les alliances 
territoriales seront essentielles. Avec les collectivités territoriales 
au premier chef, pour ne pas être de simples prestataires de commandes 
publiques, mais de vrais partenaires, coproducteurs de l'intérêt 
général. L'actualisation voulue par la ministre des associations, 
Valérie Fourneyron, de la Charte d'engagements réciproques signée en 
2001 entre l'Etat et la Conférence permanente des coordinations 
associatives (CPCA), devrait, cette fois, comporter la signature des 
collectivités territoriales. Un droit du partenariat pourra-t-il 
s'inventer ?

Alliances avec les entreprises ensuite, afin qu'elles ne soient pas que 
des mécènes ponctuels, mais des partenaires de projets territoriaux à 
part entière.

Clarification du positionnement associatif vis-à-vis de l'ESS, enfin. 
Une partie des associations doivent s'assumer comme entreprises 
associatives et revendiquer leur appartenance à une ESS dynamique. Les 
associations sont souvent aujourd'hui dans un entre-deux : ni dans 
l'économie ni dans la citoyenneté. Cette ambiguïté a ses conséquences. 
Ainsi la loi ESS en cours est-elle assez peu associative. Pourtant, 
nombre de questions, comme l'accès aux fonds propres ou la gestion des 
ressources humaines, sont des sujets communs à toutes les entreprises 
sociales.

Au final, les associations devront faire preuve de pragmatisme, car la 
période des financements publics abondants est finie ; d'imagination, 
car il va falloir inventer de nouveaux modèles économiques et produire 
de l'innovation financière (« crowdfunding », titres associatifs, par 
exemple) ; de coopération, car le monde associatif devra sortir d'un 
certain « chacun pour soi » qui le caractérise encore.

Hugues Sibille et Viviane Tchernonog

Hugues Sibille est vice-président du Crédit coopératif et président de 
l'Avise ; Viviane Tchernonog est chercheuse au CNRS, Centre d'économie 
de la Sorbonne.

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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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