[Infoligue] Le gouvernement réussira-t-il à proposer le «sport pour tous»?
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Mar 21 Jan 10:31:54 CET 2014
Le gouvernement réussira-t-il à proposer le «sport pour tous»?
Publié par :
http://www.slate.fr/story/82389/interview-fourneyron-sport-tous-amateur
Le : 21/01/2014
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Loin des grands évènements, c'est un des objectifs de la ministre des
Sports Valérie Fourneyron, qui passe notamment par une réforme des
financements et une démocratisation des instances. Rencontre.
Alors que l'attention médiatique est concentrée sur les grandes
échéances sportives à venir, comme les Jeux olympiques de Sotchi, la
Coupe du monde de football au Brésil puis l'organisation en France des
prochains championnats d'Europe en 2016, de grands changements beaucoup
plus discrets sont en cours dans le sport français.
Ceux-ci vont concerner directement les millions de Français qui font du
sport chaque semaine et auxquels nous nous sommes récemment intéressés
au travers d'une série de cartes sur la pratique du sport amateur, et
répondent à un objectif: que toute la population ait accès à la pratique
sportive, quel que soit son sexe, son âge ou encore le lieu d'habitation.
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Mi-novembre, nous avons rencontré la ministre des Sports Valérie
Fourneyron pour évoquer cet objectif du «sport pour tous», qu'elle
réaffirme tous les jours depuis le début de son mandat et qui devrait se
traduire dans le projet de loi de modernisation du sport français qui
sera présenté en conseil des ministres d'ici l'été. Un an et demi après
sa prise de fonction, où en est-on?
Autant le dire tout de suite, l'objectif est lointain. En France, les
femmes ont deux fois moins accès que les hommes à la pratique sportive
dans les quartiers populaires et seules 20% des femmes qui pratiquent un
sport le font dans un club. Les zones urbaines sensibles (ZUS) sont
particulièrement sous-équipées en infrastructures sportives avec en
moyenne seulement 20 équipements pour 10.000 habitants, contre 35 pour
les aires urbaines qui les abritent.
En janvier 2013, la Cour des comptes déplorait dans son premier rapport
sur le sport en France que les femmes, les handicapés et les habitants
des ZUS restent trop éloignés de la pratique licenciée d'un sport.
Valérie Fourneyron avait à l'époque salué le document et partagé les 19
recommandations qui l'accompagnaient. Elle confirme aujourd'hui encore
ses constat et insiste sur le fait que «le sport ne peut pas être un
luxe uniquement réservé à certains».
Dans cette optique, la ministre s'est attaquée à l'un des principaux
chantiers identifiés par la Cour des comptes il y a un an: la réforme du
Centre national de développement du sport (CNDS), véritable «tirelire du
sport français» avec 272 millions d'euros de budget.
Réforme des critères des subventions
Le CNDS a pour «objectif essentiel de corriger les inégalités d’accès à
la pratique sportive pour le plus grand nombre», à travers des
subventions qu'il accorde aux clubs et associations d'une part (la «part
territoriale») et des subventions destinées à contribuer au financement
d’équipements sportifs de l'autre (la «part équipements»). Une mission
mise à mal depuis quelque temps: en 2010, la ministre des Sports de
l'époque, Roselyne Bachelot, annonçait que le CNDS allait participer à
hauteur de 150 millions d'euros à la construction des grands stades en
vue de l'Euro 2016.
A l'époque déjà, Valérie Fourneyron, alors vice-présidente du groupe
socialiste chargée de la jeunesse et des sports à l'Assemblée nationale,
avait estimé que «ce n'est pas au CNDS de financer des équipements qui
ne serviront qu'au sport professionnel». Même discours du côté de la
Cour des comptes, qui a recommandé dans son rapport de «mettre fin au
subventionnement par le centre national pour le développement du sport
des dispositifs sans lien avec le sport pour tous» en visant directement
l'Euro 2016.
«Alors que le CNDS est fait pour lutter contre les inégalités d'accès à
la pratique sportive, il y a eu énormément de moyens orientés vers les
stades de l'Euro, les grands équipements et grandes compétitions aux
dépend d'autres enveloppes, déplore aujourd'hui Valérie Fourneyron. On a
donc décidé de recentrer l'établissement public.»
Résultat: le conseil d'administration du CNDS a adopté le 19 novembre
dernier à l’unanimité une profonde réforme de ses critères de
subventionnement. La réforme ne modifie pas les subventions déjà
accordées pour les stades de l'Euro (160 millions d'euros au final),
mais recentre dorénavant l'organisme sur le sport amateur. Elle entend
aussi répondre aux problèmes du saupoudrage des subventions et des
critères de répartition des crédits qui l'empêchaient d'avoir un réel
impact en termes de réduction des inégalités.
Les aides territoriales seront désormais versées aux régions en fonction
de critères comme le taux de pauvreté, la présence de ZUS, le taux de
handicap et le nombre de licences féminines afin qu'elles répondent
vraiment aux priorité du sport pour tous. Les subventions d'équipement
seront quant à elles réservées exclusivement aux zones qui en ont le
plus besoin, alors qu'elles étaient jusqu'à maintenant allouées suivant
des critères trop compliqués qui ne remplissaient pas assez l'objectif
de réduction des inégalités. En 2011, seules 35% des subventions ont été
attribuées à des équipements situés dans des départements sous-dotés.
Pas encore de rapprochements de fédérations
Il n'y a pas qu'au sein du CNDS que le sport français connaît une
certaine dispersion. Notre pays compte près de 120 fédérations agrées
par le ministère des Sports, soit deux fois plus qu'en Allemagne, en
Italie ou en Espagne. A-t-on vraiment besoin de deux fédérations de
chien de traîneau ou de deux fédérations d'aïkido, sport qui plus est
peu pratiqués?
La Cour des comptes avait là encore tranché: il faut «favoriser des
rapprochements» entre fédérations «afin de permettre des mutualisations
utiles». Plus facile à dire qu'à faire. Sur ce sujet, la ministre se
montre moins volontariste et la réduction du nombre de fédérations se
fait toujours attendre. «On a multiplié les fédérations dans certaines
disciplines comme les sports de contact», concède tout juste Valérie
Fourneyron, avant de promettre:
«Dans la loi de modernisation du sport, on va revoir l'agrément des
fédérations. Certaines doivent sortir de la tutelle de l'Etat. Ce n'est
pas parce qu'il y a une tutelle de l'Etat qu'il y a une mission de
service public au rendez-vous.»
Le dirigeant sportif, un homme blanc d'âge très mûr
Autre point chaud concernant les fédérations, leur gouvernance. Le sujet
a fait l'objet d'un rapport parlementaire rendu public en février 2012,
préconisant «une plus grande transparence du mode de scrutin» pour
«permettre le renouvellement des dirigeants ou l’apparition naturelle de
nouveaux talents», ou encore une plus grande présence des femmes dans
les instances dirigeantes.
A la même époque, un groupe de travail sur le même sujet du Comité
national olympique et sportif français (CNOSF) rendait des conclusions
similaires et préconisait de limiter à 70 ans l'âge auquel un candidat
peut se présenter pour une présidence, d'interdire le cumul des mandats
et de modifier le code du sport pour garantir la représentation des femmes.
Car le constat est là: le président de fédération sportive française est
encore trop souvent un homme blanc d'âge très mûr qui en est à son
énième mandat, et les modes de scrutin sont souvent opaques et trop
favorables aux dirigeants en place. Près de deux ans après les deux
rapports, rien ou presque n'a changé de ce point de vue, même si là
encore Valérie Fourneyron promet des discussions imminentes:
«C'est un sujet que je veux aborder dans le cadre de la loi sur la
modernisation du sport, mais avec les premiers concernés. Il y a cette
responsabilité de la gouvernance du sport, elle doit être partagée avec
le mouvement sportif. Il souhaite plus d'autonomie dans sa gouvernance,
je dis chiche! [...] On a aujourd'hui des instances qui peuvent
largement s'améliorer en termes de fonctionnement, de gouvernance
démocratique, paritaire, de représentation des différentes familles. Ce
n'est pas quelque chose que l'Etat imposera aux fédérations, mais qui
doit impérativement être travaillé avec celles-ci.»
Comment rendre le sport féminin plus visible?
Du côté d'une meilleure représentation des femmes dans les instances, la
situation a en revanche déjà commencé à évoluer. En 2010, il n'y avait
que 5 femmes parmi les 121 présidents de fédération. Aujourd'hui, elles
sont 14, dont une à la tête d'une fédération olympique (Isabelle
Spennato-Lamour à la Fédération française d'escrime). La présence
féminine a aussi augmenté sensiblement dans les comités directeurs et
les bureaux des fédérations, et le volontarisme de Valérie Fourneyron
sur la question ne fait pas de doutes:
«J'ai voulu qu'il y ait plus de femmes dans les responsabilités
d'encadrement. Il n'y avait qu'une seule femme Directeur technique
national (DTN) olympique, aujourd'hui il y en a trois (équitation,
gymnastique et pentathlon moderne) et 7 DTN féminines au total. [...] Il
faut saluer le travail de la Femix, association qui encourage les femmes
ayant le parcours pour se retrouver en responsabilité mais qui ne
franchissent pas le cap d'oser être candidates, qui a accompagné ces
femmes vers les postes de DTN.»
Qu'en est-il au niveau des pratiquantes et des licenciées? «Il faut
exiger un plan de féminisation pour chacune des fédérations à tous les
niveaux», estime la ministre.
Pour le moment, seules dix fédérations ont défini un tel plan, qui
concerne aussi bien la pratique sportive que l’encadrement, la formation
et l’arbitrage. La Fédération française de football (FFF), qui partait
pourtant de loin avec seulement 4% de licenciées féminines en 2011, a
été l'une des plus actives dans ce domaine depuis quelques années.
«Le développement des pratiques féminines se joue à tous les niveaux»
insiste la ministre, et notamment sur le terrain médiatique. Au début de
l'année, une étude du CSA avait montré que les compétitions féminines ne
représentaient que 7% de tout le sport montré à la télévision. «C'est du
côté des coûts de production que cela bloque en général» estime Valérie
Fourneyron, qui a décidé de s'attaque au problème de manière pragmatique
en annonçant fin novembre la création d’un fonds de soutien d'un million
d'euros pour que les fédérations sportives produisent plus d'images
télévisuelles de sport féminin et de handisport.
Grégoire Fleurot
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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