[Infoligue] Le monde associatif a résisté à la crise mais reste préoccupé par son avenir
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Lun 24 Nov 09:12:09 CET 2014
Le monde associatif a résisté à la crise mais reste préoccupé par son avenir
Publié par : http://www.localtis.info
Le : vendredi 21 novembre 2014
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Quelles sont les difficultés actuelles du monde associatif ? Au terme de
six mois d'auditions, la commission d'enquête parlementaire chargée de
se pencher sur la question dresse un panorama détaillé qui balaye
certaines idées reçues. Mais qui confirme que la préoccupation du
financement est réelle. Et que les moyens humains sont fragilisés par
une gestion administrative qui se complexifie. Elle souligne aussi le
danger lié à la suppression de la clause générale de compétences.
Les associations françaises font face à des perspectives financières
préoccupantes et des ressources humaines en péril. Telles sont deux des
principaux enseignements du rapport de la commission d’enquête de
l'Assemblée nationale chargée d'étudier les difficultés du monde
associatif dans la période de crise actuelle, remis le 20 novembre à
Claude Bartolone.
Fruit d'un travail de six mois au cours duquel pas moins de 180
personnes ont été entendues, ce rapport dresse le portrait d'un monde au
"dynamisme admirable" – plus 71.500 associations créées entre septembre
2013 et août 2014 – qui "contraste avec les difficultés rencontrées par
le secteur privé lucratif".
1,3 million d’associations gèrent aujourd'hui un budget de 85 milliards
d’euros, soit 3,2% du PIB. Les associations comptent par ailleurs 1,8
million d’emplois, soit 10% des emplois du secteur privé. En outre, le
nombre d'emplois associatifs a progressé régulièrement, de 25% environ,
entre 2000 et 2010. Ce qui fait dire aux rapporteurs que les
associations représentent "un poids économique en progression". Plus
intéressant encore : l'emploi salarié associatif a, jusqu’ici, bien
résisté à la crise. "Si l’emploi associatif a légèrement régressé en
2010 puis s’est stabilisé dans les années récentes, on constate que le
secteur associatif a été beaucoup moins touché, et avec retard, que le
reste du secteur privé par la crise de 2008", précise le rapport.
Par ailleurs, contrairement à une idée reçue, le bénévolat n'est pas en
crise. "Les données récentes concernant le bénévolat sont à cet égard
rassurantes", dit le rapport. Cette forme d'engagement a ainsi progressé
de 3% au cours de la période 2005-2011. Et en 2013, on dénombrait 16
millions de bénévoles, soit 24,5% des Français.
Les perspectives financières du secteur associatif sont toutefois
préoccupantes. 80% des associations relèvent des difficultés liées aux
ressources, et principalement à leur raréfaction. Et la proportion de
responsables jugeant leur situation financière "bonne" ou "très bonne"
est passée de 60% en 2012 à 47% en 2014.
Sur le terrain, on observe un affaissement des fonds propres et un
nombre inégalé de cessations de paiement en 2013. Cette situation serait
le résultat d'un double phénomène : des financements publics qui
s'infléchissent, et des financements privés qui peinent à prendre le
relais. Les rapporteurs préconisent donc la mise en place d'un fonds de
soutien à la trésorerie des associations et la généralisation du
versement, au moins partiel, des subventions publiques le plus tôt
possible dans l'année.
Subventions : l'Etat et les communes en recul
En 2011, les ressources publiques représentaient 49,4% des ressources
des associations contre 50,6% pour les ressources privées, alors qu'en
2005, le ratio était inverse. Des résultats qui s'expliquent en partie
par le développement de la commande publique au détriment de la
subvention (lire ci-contre notre article du 28 juin 2013). "Cette
évolution ne concerne pas avec la même intensité tous les secteurs
d’activité mais l’inquiétude traverse l’ensemble du secteur associatif",
commente le rapport. L'autre explication tient à la répartition des
financements entre l’Etat et les collectivités territoriales : les
conseils généraux sont devenus les premiers partenaires des associations
en termes de volumes de financement (9% en 1999, 12% en 2011) tandis que
le financement de l'Etat suivait un chemin inverse (15% du budget des
associations en 1999 contre 11% en 2011, même si le montant global est
stable à 9 milliards d'euros). Le poids des communes dans le financement
des associations est passé de 14% en 2005 à 11,5% en 2011. Quant aux
subventions des régions, elles représentent 3,5% des ressources des
associations. Plus globalement, 56% de l’ensemble des associations ont
des relations financières avec leur commune, alors que ce taux est de
19% pour les départements et de seulement 7% pour l'Etat.
Tous niveaux confondus, les collectivités locales sont, avec 27% des
ressources des associations, leurs principaux financeurs publics. Pour
les rapporteurs, les collectivités ont très souvent pris le relais "face
à un certain désengagement budgétaire de l’Etat". En outre, elles
constituent pour les associations des interlocuteurs quotidiens et
indispensables sur les territoires. Pour les rapporteurs, les
contraintes budgétaires qui pèsent sur les collectivités publiques
risquent toutefois de provoquer encore pendant quelques années une
raréfaction des ressources publiques.
Raison de plus, selon eux, pour ne pas faire peser sur les associations
le poids d'une réforme territoriale qui supprimerait la clause de
compétence générale pour les régions et départements (hors tourisme,
culture et sport) et entraînerait la fin des financements croisés. Ils
invitent ainsi à mettre à profit le débat parlementaire pour conforter
le financement du monde associatif dans sa diversité à travers le projet
de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.
La complexité administrative met en péril les ressources humaines
Côté ressources, il est encore à noter un effort fiscal en très nette
augmentation en faveur du secteur associatif : en 2015, l'Etat prévoit
une dépense fiscale d’au moins 2,337 milliards d’euros au bénéfice des
associations contre 850 millions d'euros en 2005. Mais si les
associations bénéficient d’un certain nombre de dispositifs fiscaux, il
en est un dont elles sont exclues par construction : le crédit d’impôt
pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Or selon un rapport de 2013,
l'avantage offert par le CICE au secteur privé lucratif dans les
domaines où il est le plus en concurrence avec le secteur non lucratif
est estimé à environ un milliard d’euros. A ce titre, le rapport
recommande d'élaborer un dispositif fiscal mettant fin à l’avantage
concurrentiel dont bénéficie le secteur lucratif dans certains secteurs
au détriment du secteur associatif.
Si, on l'a vu, l'emploi associatif a bien résisté à la crise, les
ressources humaines des associations seraient toutefois, selon le
rapport, "en péril". En cause : une gestion administrative complexe qui
décourage responsables associatifs, salariés et bénévoles. De plus,
cette complexification oblige à professionnaliser l’ensemble des
ressources humaines associatives, sans que les associations aient
nécessairement les moyens de former ceux qui s’occupent de leur gestion
ou de leur fonctionnement. Enfin, les incertitudes dues à la crise
nuisent au développement associatif en freinant non seulement les
recrutements, mais aussi l’engagement de bénévoles de terrain comme de
responsables associatifs.
Les contraintes administratives pèsent ainsi sur le renouvellement des
responsables associatifs et nuisent à la diversité de leurs profils :
les dirigeants associatifs sont généralement issus de catégories
socioprofessionnelles moyennes et supérieures, notamment dans les
associations employeuses. L’exigence de disponibilité conduit par
ailleurs à trouver 48% de présidents retraités et 6% sans activité. D'où
l'une des mesures fortes préconisées par le rapport : la création d'un
congé pour l’exercice de responsabilités associatives de douze jours
pour les bénévoles participant aux instances dirigeantes d’associations
d’intérêt général.
Appliquer la charte des engagements réciproques
Côté emploi, c’est aujourd’hui de salariés qualifiés dont le secteur
associatif a besoin, sans pour autant en avoir les moyens. La
précarisation des contrats figure parmi les sujets de préoccupation : la
part des contrats à durée indéterminée est ainsi passé de 53% en 2005, à
47% en 2011. Sur la précarisation, le rapport invite donc à promouvoir
de façon plus active le dispositif de groupement d’employeurs auprès des
associations afin de limiter la place du temps partiel.
Enfin, le soutien aux ressources humaines des associations passe aussi
par les bénévoles, en particulier les jeunes. Les rapporteurs souhaitent
que soit poursuivie la montée en charge du service civique avec un
objectif de 100.000 jeunes volontaires en 2017.
En conclusion, le rapport parle d'un "sentiment paradoxal" : si chacun a
pris conscience que l’urgence impose de faire bouger les lignes et de
sortir des attitudes convenues, le tableau des difficultés et les pistes
pour les surmonter laissent un goût de "déjà vu". En effet, "toutes ces
attentes ont d’ores et déjà été exprimées clairement et rassemblées dans
un document qui reste peut-être insuffisamment connu" : la charte
d'engagements réciproques entre l'Etat, le mouvement associatif et les
collectivités territoriales (lire ci-contre notre article du 17 février
2014), dont les auteurs du rapport invitent les acteurs concernés à se
saisir. "Les collectivités doivent s’impliquer dans toute leur diversité
et s’attacher à décliner les principes généraux de la Charte nationale
en fonction des spécificités locales et des objectifs propres à chaque
territoire", écrit notamment le rapporteur.
Jean Damien Lesay
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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