[Infoligue] Austérité : plus de 200 000 emplois pourraient être détruits dans le secteur associatif d’ici 2017
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Mar 30 Sep 12:00:50 CEST 2014
Austérité : plus de 200 000 emplois pourraient être détruits dans le
secteur associatif d’ici 2017
par Sophie Chapelle
Publié par : http://www.bastamag.net/265-000-emplois-associatifs
Le : 30 septembre 2014
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Un emploi sur six serait menacé au sein des associations, qui comptent
1,8 million de salariés, selon le Collectif des associations citoyennes.
Une destruction sans précédent du tissu associatif ! En cause : le pacte
de responsabilité, qui va amputer les budgets des collectivités locales
de 29 milliards d’ici 2017. Première concernée : l’action sociale et
sanitaire, au cœur de la lutte contre les inégalités. Pour éviter ces
pertes d’emplois, le gouvernement étudie la possibilité de créer des «
obligations à impact social » permettant à des investisseur privés de
placer leurs capitaux dans le secteur associatif, en échange d’un taux
d’intérêt versé par l’État. Une quarantaine de réseaux associatifs
appellent à une mobilisation le 3 octobre prochain.
Le quinquennat de François Hollande comptera-t-il à son bilan la
destruction du tissu associatif ? Entre plan de rigueur et projet de
réforme territoriale, le Collectif des associations citoyennes (CAC),
qui regroupe un millier d’associations, vient de réaliser une estimation
des emplois menacés. Selon ses calculs, 25 000 emplois dans le milieu
associatif pourraient être supprimés en 2014, 65 000 en 2015, près de 80
000 en 2016 et 95 000 en 2017 ! Ce sont plus de 265 000 salariés dans
l’action sociale ou culturelle, la santé, l’éducation populaire, les
services à la personne, la protection de l’environnement ou la
solidarité qui seraient sur la sellette. Près de 15 % des emplois du
secteur associatif – 1,8 millions de salariés à temps plein ou partiel
(auxquels s’ajoutent plus des 16 millions de bénévoles actifs) –
pourraient ainsi disparaître d’ici trois ans.
« Ceci confirme l’existence d’un énorme plan social invisible sur tout
le territoire », lâche Didier Minot, fondateur du CAC (notre précédente
enquête). « C’est une terrible remise en cause du modèle social qui
s’est construit depuis deux siècle. Nous allons vers une société
beaucoup plus inégalitaire et atomisée. » Ces données sont la face
cachée d’un « pacte de responsabilité » qui devait créer 500 000 emplois
selon le gouvernement, grâce aux mesures avantageant les entreprises. Au
risque également de profondément déstabiliser les finances de la
Sécurité sociale (voir ici).
Les associations, variable d’ajustements ?
Pour réaliser cette estimation, le Collectif s’est appuyé sur les
annonces gouvernementales liées au pacte de responsabilité. « Il
apparaît aujourd’hui que l’objectif est de parvenir à une baisse
permanente du niveau de l’action publique de 50 milliards, en exigeant
des « efforts » (restrictions) comparables sur les différents budgets de
l’action publique, observe le CAC. De ce fait, la perte des moyens pour
les services publics n’est pas de 50 milliards mais du double ». Soit,
selon le CAC, 100 milliards d’euros en trois ans, les coupes budgétaires
se cumulant jusqu’en 2017 [1]. Le ministre des Finances Michel Sapin
vient toutefois d’admettre que le gouvernement ne réalisera pas les 21
milliards d’euros d’économies qu’il avait prévu en 2015.
Quoiqu’il en soit, 49 % du budget global des associations (évalué à 85
milliards d’euros) repose sur des financements publics. Elles pourraient
être fortement touchées par la baisse de la dotation globale de
fonctionnement aux collectivités qui, avec un budget de plus en plus
contraint, seront tentées de transformer les association en variable
d’ajustement. « La perte de financements publics cumulée est de 29
milliards sur quatre ans », alerte Didier Minot [2].
Menace sur l’action sociale et sanitaire
Ces prévisions de destruction d’emplois ne font cependant pas
l’unanimité. « Ces chiffres, que je n’ai pas vus dans le détail,
laissent une impression d’extrapolation un peu générale. Les baisses aux
collectivités conduiraient mathématiquement à des restrictions
équivalentes sur les subventions aux associations... C’est sans doute un
peu exagéré », nuance Frédérique Pfrunder, déléguée générale du
Mouvement associatif, qui fédère notamment des poids lourds du secteur
comme la Ligue de l’enseignement, Coordination Sud ou l’Union nationale
des associations familiales. Le mouvement reconnaît cependant que la
situation est « critique » dans le champ sanitaire et social, qui compte
la moitié des salariés du secteur à but non lucratif, du fait notamment
de la concurrence du privé. Le secteur a créé environ 35 000 emplois
depuis 2000. Mais la dynamique s’est fortement ralentie depuis quelques
années, selon l’Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et
organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux).
Constat identique du côté du CAC : la moitié des emplois menacés se
situerait dans l’action sociale. Seule alternative : imaginer des
sources de financement innovantes pour remédier à la réduction des
ressources publiques. C’est tout l’enjeu du rapport sur «
l’investissement à impact social » remis le 25 septembre à Carole Delga,
secrétaire d’État chargée de l’Économie sociale et solidaire. « Les
subventions se font plus difficiles à obtenir et l’efficacité des
actions menées n’est pas toujours satisfaisante, souligne Hugues
Sibille, vice-président du Crédit Coopératif, la « banque de l’économie
sociale », qui a présidé le comité à l’origine du rapport. Il faut donc
chercher d’autres solutions, une sorte de troisième voie entre le tout
marché et le tout État. » L’idée ? Passer de la « dépense sociale » à «
l’investissement social », confie Hugues Sibille au journal La Croix.
L’une des mesures clés consisterait à créer des « obligations à impact
social » (« social impact bonds », en anglais).
Vers une financiarisation du secteur associatif ?
Concrètement, il s’agit de faire financer le programme d’une association
par un investisseur privé. Les pouvoirs publics remboursent ensuite cet
investisseur privé, avec des intérêts, si l’association a atteint les
objectifs qui lui sont définis. Dans le cas contraire, l’investisseur
perd tout ou partie de son argent. « Ce dispositif est très proche de
celui mis en place avec les partenariats public-privé (PPP), commente
Didier Minot. L’État fait une économie apparente à court terme, mais
doit ensuite rembourser et payer un surcoût parfois très important. » A
l’heure où les partenariats public-privé sont remis en question en
France, le gouvernement s’apprête donc à les étendre au secteur social.
« Ce dispositif est une façon surréaliste de réduire le déficit public
», alerte le fondateur du CAC, qui redoute la disparition du projet
associatif afin de répondre à des logiques de productivité, de coûts et
de rentabilité. « Vu la situation des finances publiques, il ne faut
rien s’interdire », affirme de son côté Charles-Edouard Vincent,
directeur d’Emmaüs Défi, interrogé par La Croix.
La réduction des financements des collectivités, ajoutée à la baisse
progressive des financements publics de l’État ces dernières années,
commence à se faire sentir sur le terrain. « Les crèches parentales
voient les financements de la caisse d’allocations familiales se réduire
parce que le département ne paye plus son quota », illustre le CAC. Sur
les 33 centres sociaux de la capitale, 10 rencontreraient de lourdes
difficultés. Sur 140 régies de quartier, 20 connaitraient de gros
problèmes économiques. Les associations membres de Culture et Liberté,
une fédération d’associations d’éducation populaire, déposent une à une
leur bilan. Les Foyers ruraux voient disparaître une fédération par an.
Au sein des 73 associations départementales du Planning familial, la
situation se dégrade depuis deux ans. Les licenciements se répercutent
sur la qualité de l’aide aux personnes, alors que le Planning joue un
rôle essentiel pour le droit des femmes.
Et les restrictions budgétaires ne font que commencer. « Nous assistons
également à une injonction à la concentration », observe Didier Minot.
Qui cite l’exemple du Planning familial, invité à se regrouper en
inter-association avec les organisations de lutte contre le Sida. « Cela
n’a pas de sens car leurs objectifs sont différents ! » Selon Frédérique
Pfrunder du Mouvement associatif, la mutualisation des réseaux
associatifs demeure néanmoins une des voies à creuser. « Les
associations sont plus fortes quand elles sont fédérées et en réseaux »,
insiste t-elle.
Entre marchandisation, précarisation et privatisation
Les conséquences des coupes budgétaires pourrait fortement varier en
fonction des activités. La part des financements publics est en effet
très différente d’un secteur à l’autre. Le développement local ou
l’action sociale sont financés à plus de 60% par les subventions
publiques. Leur part descend à un tiers ou un quart pour la défense des
droits ou le sport [3]. Les petites et moyennes associations (moins de
dix salariés) seraient les plus touchées, n’étant pas en capacité de
répondre aux appels d’offres qui se généralisent. Certains grands
réseaux associatifs se positionnent par exemple sur des crèches
parentales, au détriment de petites associations locales implantées
depuis longtemps dans les territoires. « Il y a un risque de
bipolarisation de la vie associative entre les mastodontes d’un côté, et
les petites et moyennes associations de l’autre », appuie Didier Minot.
Les réponses des associations diffèrent. Certaines ont déjà commencé à
se serrer la ceinture. Les emplois précaires, dont les emplois d’avenir
sont un exemple, commencent à remplacer les emplois qualifiés. D’autres
pourraient davantage faire appel aux cotisations et à une augmentation
du prix des prestations. « Cela équivaut à une marchandisation du
secteur associatif qui va être amené à sélectionner les publics »,
s’inquiète le CAC. Des associations transforment leur projet pour se
configurer aux appels d’offre venus d’en haut, dans un contexte de «
privatisation forcée de services publics », dénoncent certains.
« les pouvoirs publics ne vont pas réduire les coûts mais les accroître »
Le collectif des associations citoyennes appelle à une large rencontre
le 3 octobre à Paris (voir leur appel). Une quarantaine de réseaux ont
d’ores et déjà répondu. L’enjeu : élaborer un panel de mesures afin que
les associations puissent continuer à jouer pleinement leur rôle. Des
amendements seront notamment proposés au projet de loi sur la réforme
territoriale afin de renforcer l’engagement citoyen et la participation
locale. Les associations entendent également développer les partenariats
avec les collectivités au-travers de chartes d’engagements réciproques
[4]. Des propositions de simplification des procédures ont par ailleurs
été récemment transmises par le CAC au député socialiste Yves Blein.
« Il est nécessaire que l’État et les collectivités continuent à
préserver les fonds sur la vie associative, précise Frédérique Pfrunder
du Mouvement Associatif. Mais les associations doivent prendre en compte
les mutations en cours, réfléchir par exemple à développer la vente de
prestations. Nous avons intérêt à montrer que les associations cherchent
des solutions et ne sont pas sous perfusion d’argent public. » Pour le
CAC, il s’agit non pas de désespérer mais bien de mobiliser. En
commençant par faire changer le regard sur les associations qui, loin de
constituer une charge, jouent un rôle central dans la lutte contre les
inégalités et contre les discriminations, l’amorce de la transition
écologique, et le débat démocratique. « En détruisant le tissu
associatif, résume Didier Minot, les pouvoirs publics ne vont pas
réduire les coûts mais les accroître. »
Sophie Chapelle
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Denis Lebioda
Chargé de mission
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