[Infoligue] Colonies de vacances et classes de découverte : la grande désaffection
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Lun 20 Avr 10:50:35 CEST 2015
Colonies de vacances et classes de découverte : la grande désaffection
par : Sylvie Blanchet
Publié par : http://aide-a-l-ecole.blogs.la-croix.com
Le : 15 avril 2015
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Entre les années 1980 et 2000, rares sans doute étaient les enfants de
France que ne partaient pas au moins une fois au cours de leur scolarité
élémentaire en classe de découverte. Beaucoup d’entre eux avaient même
la chance de partir à plusieurs reprises, tantôt à la mer, tantôt à la
montagne, ce pour des séjours d’une durée conséquente (deux ou trois
semaines).
Mais tout comme les colonies de vacances1, les classes de découverte2
ont subi depuis lors une sévère érosion : question de coût, les
collectivités locales ne montrant moins généreuses ; question de
réglementation également : l’inflation de textes, normes et procédures a
dissuadé nombre d’enseignants de s’engager dans un projet de départ,
projet extrêmement chronophage et extrêmement lourd en termes de
responsabilité.
Question d’esprit du temps aussi sans doute : s’il est aujourd’hui de
bon ton de parler du vivre ensemble, force est bien de constater que
l’on s’en tient le plus souvent à l’incantation, chacun s’appliquant à
vivre dans sa bulle en ne prêtant qu’une oreille des plus distraites à
ce qui l’entoure. Ainsi donc, toutes ces occasions de partager un peu
son quotidien, qu’elles s’appellent classes de découvertes, colonies de
vacances ou passage, à l’adolescence, par le régime de l’internat, ont
sans que l’on n’y prenne garde disparu du faisceau des expériences
vécues par un grand nombre d’enfants de France … Dommage, infiniment
dommage ! Car il s’agissait assurément pour les enfants de moments
fondateurs, dont la trace demeurait vive des années plus tard. Rares,
très rares étaient ceux qui, partis la larme à l’œil, ne revenaient pas
enchantés, radieux, déjà impatients de refaire leur valise ! Et combien
revenaient presque métamorphosés : « C’est incroyable ce que ça l’a fait
grandir ! » disaient des parents éberlués.
Convaincre les familles : le parcours du combattant
Aujourd’hui, on ne part plus guère. Et on ne part plus que pour des
séjours brefs, une semaine, dix jours le plus souvent. Encore
l’édification du projet ressemble-t-elle au parcours du combattant : il
faut compter avec la montagne de paperasses en n exemplaires dont il
semble que nous ne sachions plus nous passer. Et il faut compter aussi
avec le peu d’enthousiasme des familles !
Paradoxe, surtout dans les milieux les plus populaires, où l’on sait que
les enfants ont peu d’occasions de partir de chez eux, appartenant à la
catégorie des « oubliés des vacances », comme le dit si justement le
Secours Populaire.
Ils n’ont guère d’occasions de partir. Ils pourraient le faire, pour un
coût assurément très modique, calculé en fonction des ressources de la
famille. Bien souvent, ce coût n’excède guère ce que dépenserait la
famille pour nourrir l’enfant s’il restait à la maison !
L’enseignante d’une classe de CP en est à s’arracher les cheveux. Elle
doit partir cinq jours avec sa classe, dans un lieu situé en pleine
nature à une quarantaine de kilomètres d’Orléans : il ne s’agit donc pas
d’une expédition très ambitieuse ! Mais il n’en demeure pas moins que
plusieurs familles lui ont fait savoir que leur enfant ne partirait pas,
cependant que d’autres peinent à se décider, traînant les pieds et
manifestant une sérieuse réserve quant à l’idée de voir le petit
déserter la maison durant cinq jours !
Comme je connais un peu, à titre personnel, deux des familles en panne
de décision, je viens à la rescousse et je prends le téléphone. Les
arguments qui me sont opposés ne me surprennent pas : et si le petit (ou
la petite) était malade ? Et s’il ne mangeait pas ? Et s’il pleurait
tout le temps ? « Il ne nous a jamais quittés », me dit-on. Ce à quoi je
rétorque qu’il faudra bien que cela arrive un jour … J’ai l’impression
de négocier un accord à l’arraché, l’argument qui semble faire mouche
étant que si toutefois les choses se passaient mal, la maîtresse
préviendrait et qu’il serait alors bien facile de d’aller chercher
l’enfant, étant entendu que la distance n’est pas considérable.
Il y a une bonne trentaine d’années
Dans les deux cas, l’argument de la proximité d’une part, le fait que
nous nous connaissions personnellement d’autre part, permet de lever les
réticences familiales : les deux enfants partiront !
Mais on n’en reste pas moins perplexe : que se passe-t-il, dans cette
société, pour qu’il soit devenu si difficile de permettre à des enfants
de quitter leur famille quelques jours ? Je me souviens du début des
années 80 : plusieurs étés de suite, j’avais été animatrice dans une
colonie de vacances qui accueillait des enfants de quatre à six ans,
tous originaires de communes de la banlieue parisienne, tous ou presque
issus de familles populaires. Le centre n’avait aucun mal à faire le
plein. Les bouts de choux partaient alors pour trois à quatre semaines,
à plusieurs centaines de kilomètres de chez eux. Les échanges avec les
familles se limitaient à quelques lettres, distribuées à l’heure du
déjeuner. Certains petits en recevaient si peu que nous leur en
écrivions nous-mêmes ! Les échanges téléphoniques étaient réduits au
strict minimum (problème de santé ou accident) et les visites étaient
proscrites.
C’était il y a entre trente et quarante ans … Lorsque j’y repense, j’ai
l’impression que c’était il y a des siècles !
1#http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i1236.asp
2http://www.autonome-solidarite.fr/articles/classe-de-decouverte2c-interview-de-jacques-chauvin
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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