[Infoligue] Max Armanet > "Le service civique peut répondre au dysfonctionnement du vivre ensemble"
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Mar 20 Jan 10:26:14 CET 2015
Max Armanet > "Le service civique peut répondre au dysfonctionnement du
vivre ensemble"
Publié par : http://www.marianne.net
Le : Mercredi 14 Janvier 2015
Propos recueillis par David Nemtanu
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Et maintenant, une semaine après les événements tragique de "Charlie
Hebdo" et de l'Hyper Cacher de la Porte de Vincennes, il est nécessaire
de commencer à réfléchir à comment il nous faut (ré)apprendre à "vivre
ensemble". Certains voient dans le service civique une des clés. C'est
le cas de Max Armanet qui, en 2005, dans la foulée des émeutes de 2005
dans les banlieues, lançait un "Manifeste pour un service civique
obligatoire".
Marianne : Dans le contexte des événements tragiques survenus la semaine
dernière, notamment à Charlie Hebdo, le service civique vous semble être
une des réponses possibles que notre pays devrait envisager pour que nos
concitoyens réapprennent à vivre ensemble ?
Max Armanet : Bien sûr ! J’avais d’ailleurs lancé en 2005 le Manifeste
pour un service civique obligatoire (1) aux côtés, notamment, de
Germaine Tillion, Edgar Morin, Stéphane Hessel, René Rémond afin de
donner une réponse aux émeutes de 2005. A l’époque, cet appel avait été
soutenu par 470 parlementaires, de gauche comme de droite. Par la suite,
certains candidats à la présidentielle de 2007 comme Nicolas Sarkozy,
Ségolène Royal et François Bayrou se sont appropriés cette idée.
Plus généralement, il s’agit de répondre au dysfonctionnement du « vivre
ensemble » en faisant en sorte que les gens retrouvent les valeurs
républicaines et mettent en avant la fraternité. Dans le triptyque
républicain c’est elle qui donne un sens à la liberté et à l’égalité en
évitant que la citoyenneté ne se réduise à une clause de style. C’est
pourquoi nous avons proposé un service civique universel, laïque, et
donc obligatoire, au cours duquel chaque Français donne de son temps à
la collectivité. Seule la pratique par chacun de ses devoirs garantit à
tous l’exercice de ses droits. Le civisme n’est pas une option, mais
quelque chose d’obligatoire qui s’impose à tous ! C’est aussi une
pratique, avant d’être une théorie : quelqu’un souffre à côté de moi, je
fais quelque chose pour lui. C’est la main tendue et non pas la pièce jetée.
Pourquoi le service civique réussirait-il là où l’école a échoué ?
Le système éducatif français malheureusement n’intègre plus et n’arrive
pas à se réformer. L’apprentissage du civisme ne peut pas se réduire au
parcours scolaire. Dans la réalité, le bon citoyen n’est pas forcément
celui qui a 20/20 en cours d’instruction civique. Par ailleurs, 225 000
jeunes quittent le système éducatif chaque année, en situation d’échec.
Vingt pourcents des jeunes éprouvent des difficultés à la lecture lors
de l’entrée en 6e ! Ces gens là ont une fragilité face à l’intégrisme
que l'on n'a pas si l'on est éduqué, si l'on sait lire et écrire. On
doit donc faire des efforts pour essayer de les réintégrer.
Voilà par exemple l’un des premiers objectifs du service civique : aider
ces jeunes en difficulté à rencontrer le succès. Il s’agit là d’un
apprentissage qui donne un espace de liberté, où tout le monde est à
égalité, car ce qui créée de l’utilité sociale est la relation humaine.
Pour arbitrer une compétition sportive et faire vivre le nécessaire
respect des lois, l’habitant des « quartiers » n’aura aucun complexe à
l’égard de celui des « beaux quartiers ». On se sent utile socialement,
les gens portent un regard positif sur ces acteurs de la citoyenneté. La
société tout entière le reconnaît et s’y reconnaît.
A l’occasion de ses vœux de fin d’année, François Hollande rappelait son
souhait de mettre en place un service universel, d’une durée de 2 à 3
mois, et non-indemnisé. Ce que vous aviez contesté, dans une lettre
ouverte adressée au président…
Cet engagement n’est, en effet, pas suffisant. Pour s’intégrer quelque
part, être dans une situation de donner et de recevoir, un service
civique d’une durée minimum de 6 mois s’impose. Par ailleurs, je trouve
incompréhensible que la désormais sixième puissance économique mondiale
ne puisse pas donner une petite indemnité pour fabriquer des véritables
citoyens qui vont créer de la richesse sociale. Nos dirigeants devraient
prendre la mesure que l’incivisme coûte beaucoup plus cher à la
collectivité que le civisme ! Le drame de Charlie est là pour nous le
rappeler. Le civisme sera plus efficace que des escadrons de policiers
pour faire barrage au fondamentalisme.
Comment rendre le service civique davantage accessible aujourd’hui ?
Alors que le gouvernement s’est donné pour objectif d’attirer 100 000
jeunes en 2017, on sait que seulement 1 candidat sur 4 voit sa demande
satisfaite…
Le service civique est quelque chose de marginal dans notre société où
la marchandisation des biens et des personnes règne. Un trader qui
spécule est mieux considéré qu’un bénévole qui donne son temps sans
rémunération. Les gouvernements qui se succèdent semblent avoir intégré
cette échelle de valeur à l’envers… On arrive donc au constat simple que
ceux qui créent de la valeur sociale sont regardés avec beaucoup de
condescendance par nos élites.
La question que l’on doit se poser est de savoir si la collectivité
nationale a la volonté politique, si elle veut se donner les moyens pour
que chacun de ses membres puisse accéder à la dignité citoyenne. Car le
civisme ne relève pas de l’inné, c’est de l’acquis ! Il faut donc que le
gouvernement en prenne la mesure et investisse sur cette clé de notre
avenir.
(1) Manifeste pour un service civique obligatoire, Max Armanet, Ed.
Robert Laffont, 2007.
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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