[Infoligue] La finance jette ses filets sur les associations
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Lun 4 Mai 10:59:51 CEST 2015
La finance jette ses filets sur les associations
Publié par :
http://blogs.mediapart.fr/blog/laurent-cougnoux/030515/la-finance-jette-ses-filets-sur-les-associations
Le : 03 mai 2015
Auteur : Laurent Cougnoux
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Le gouvernement s'apprête à livrer tout le secteur associatif aux
marchés financiers. Déjà esquissée avec la loi sur l’Économie sociale et
solidaire, cette forfaiture de nos gouvernants prend corps. Tous les
rouages de l’État se mettent implacablement en branle pour conditionner
les subventions données aux associations via un système de partenariat
public-privé. Une mécanique de précision conçue par le génie de la
finance, qui émettra des « Social Impac Bonds », qui par nature pourront
être côtés en bourse. Explications.
Les acteurs associatifs dépendant de subventions ont tous remarqué deux
grandes tendances : la baisse drastique de leur financement par les
collectivités territoriales et le « glissement » de leur nature qui
s'opère actuellement. Si l'Europe, les Régions, les Conseils généraux
continuent de distribuer des subventions, ces financeurs demandent de
plus en plus fréquemment aux acteurs associatifs de répondre à des «
appels à projet ». Pour faire court, au lieu d'octroyer chaque année une
subvention, les institutions imposent aux associations d'orienter leurs
actions en fonction de critères prédéfinis. C'est précisément là que le
glissement s'opère, obligeant les associations à passer sous les
fourches caudines du politique. Et depuis l'adoption de la loi sur
l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) en 2014, les choses s'accélèrent
puisque ces appels à projets sont dimensionnés de façon à ce que les
acteurs associatifs se regroupent, s'organisent, se professionnalisent,
ou bien… disparaissent.
Rappelons que cette loi sur l'ESS a ouvert la porte aux entreprises, qui
pourront désormais sous certaines conditions (peu contraignantes)
bénéficier des avantages fiscaux jusque-là réservés aux associations
(1). Tout cela ne constitue que la première étape visible d'un plan
beaucoup plus ambitieux, visant à financiariser ce qui pourtant ne peut
pas vraiment l'être, à savoir les actions sociales au sens large.
Mais comment peut-on faire de l'argent avec ce qui constitue une charge
pour l’État me direz-vous ?
La réponse est dans un acronyme anglo-saxon : les « Social Impac Bonds »
(SIB). Cette idée géniale, initiée en 2013 par le G8 (les gouvernements
des huit États les plus riches du monde), consiste à faire financer les
actions sociales, qui relèvent normalement de financements publics, par
des investisseurs privés à qui l’État rembourse dans un deuxième temps
les sommes investies, avec un fort taux d’intérêt, dès lors que les
objectifs fixés conjointement par l’investisseur et par l’État auront
été atteints. Les associations n'ont alors contact qu'avec un
intermédiaire financier et un évaluateur indépendant mesure l’atteinte
de ces objectifs.
Si les objectifs ont été atteints, l’État (ou tout autre organisme de
droit public) rembourse à l' « investisseur » les obligations émises
avec un taux d’intérêt qui peut atteindre 13 %. C’est déjà exorbitant...
mais l’intermédiaire financier et l’évaluateur devront également être
rémunérés. Au total, ce système est une véritable bombe à retardement
pour les finances publiques, puisque l’État fait des économies à court
terme en laissant des investisseurs privés se substituer à lui, mais
doit ensuite rembourser beaucoup plus que s’il avait apporté lui-même
les financements nécessaires. Bref la même mécanique que pour les
partenariats Public-Privé (PPP), imposée à l'action associative au
moment même où ces fameux PPP sont remis en cause (2)
De même, l’association qui recourt aux SIB (plus ou moins sous la
contrainte) se voit imposer ses objectifs et ses méthodes d’action,
voire son directeur. Pour minimiser leurs « risques » et « maximiser
leurs profits », il est indéniable que les intermédiaires financiers
imposeront des conditions drastiques. L'association n’a plus aucune
liberté sans pour autant obtenir la moindre sécurité financière.
La boucle est bouclée. Voilà en quelques lignes l'exposé du génie de la
finance (qui arrive à faire des ronds avec ce qui ne peut être rentable)
et de la forfaiture de nos gouvernants (quels qu'ils soient ou ont été),
qui n'ont aucune vergogne à livrer notre modèle social en pâture aux
banquiers et aux « marchés financiers ».
Nous reviendrons bien évidemment sur cette affaire dans les prochains
mois, tant ses impacts sur les territoires ruraux risquent d'être
catastrophiques. Si vous souhaitez en savoir davantage, nous vous
conseillons vivement de consulter les documents mis à disposition par le
collectif des associations citoyennes (voir liens ci-dessous).
En savoir plus
- Document de présentation visuel (4 pages) qui explique l’essentiel du
dispositif et fournit des premiers éléments d’analyse :
http://bit.ly/1bfrVFI
- Une explication plus détaillée : http://bit.ly/1aNaNqw
- Un dossier complet reprenant les réflexions de la soirée débat
organisée en novembre 2014 et les travaux du groupe de travail ad hoc,
avec des liens vers d’autres documents explicatifs : http://bit.ly/1Jpmors
Notes
(1) Voir le dossier central du numéro de novembre 2014 du LEA
(2) En juillet 2014, le Sénat a montré les risques du développement des
partenariats public-
privé et a fait des propositions pour les encadrer strictement, les
qualifiant de véritables bombes à
retardement budgétaires. Rapport disponible sur le site du Sénat :
http://bit.ly/1DwQiWc
En savoir plus sur
http://www.lelotenaction.org/pages/content/archives/la-finance-jette-ses-filets-sur-les-associations.html#Dxu2pt4yqYXv6vXQ.99
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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