[Infoligue] Contre l’école inégalitaire, vive le collège du XXIe siècle

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Mar 19 Mai 09:21:36 CEST 2015


Contre l’école inégalitaire, vive le collège du XXIe siècle

Publié par : LE MONDE
Le : 18.05.2015

NB : Texte signé notamment par Jean-Marc Roirant, secrétaire général de 
la Ligue de l’enseignement


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Le collège actuel n’est ni unique, ni juste et encore moins efficace. 
L’organisation de la formation, avec ses options facultatives et ses 
classes « bilangues », conduit à la création de classes différenciées 
socialement et même, dans certains territoires, marquées ethniquement. 
Comment convaincre notre jeunesse des valeurs de notre République – 
liberté, égalité, fraternité et laïcité – alors que le collège lui offre 
tous les jours le spectacle de l’injustice, de l’exclusion et de la 
séparation ?

L’adhésion aux valeurs de la République ne passera pas par le seul 
enseignement moral et civique, il passera par un collège plus équitable, 
plus juste ainsi que par des établissements et des classes plus mixtes, 
socialement et scolairement. Nous ne partageons pas cette curieuse 
conception de la République qui consiste à considérer toute politique 
pour ouvrir les chemins de la réussite au plus grand nombre comme un « 
nivellement par le bas ».

Le collège actuel creuse les écarts

L’actuelle réforme du collège marque un pas important en réduisant la 
part des dispositifs facultatifs suivis par une minorité, en instituant 
des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) dans lesquels les 
élèves apprendront à coopérer pour mener ensemble un projet plutôt qu’à 
s’affronter dans une compétition individualiste, en renforçant le suivi 
personnalisé.

Le collège actuel creuse les écarts entre les élèves. Après quatre ans 
de collège, un quart d’entre eux ne maîtrisent pas les compétences les 
plus simples en français alors qu’ils sont 12 % dans ce cas à la fin du 
CM2. Ce n’est pas étonnant car le collège actuel consacre beaucoup plus 
de moyens aux 15 % qui réussissent déjà (enseignement de la deuxième 
langue vivante dès la classe de 6e, latin, option européenne) qu’aux 15 
% les plus fragiles (deux heures d’aide au travail personnel en classe 
de 6e).

Les comparaisons internationales montrent pourtant que c’est en 
s’attachant à augmenter les performances des plus faibles qu’on fait 
progresser l’ensemble d’une génération. « La fabrique des meilleurs », 
telle qu’elle existe aujourd’hui, produit 150 000 sorties sans diplôme 
ou qualification chaque année.

La réforme du collège réoriente les moyens consacrés à 15 % des élèves 
au profit de tous. L’EPI « Langues et culture de l’Antiquité » pourra 
être suivi par de très nombreux élèves, et même tous les élèves d’un 
collège. L’option européenne se transforme en EPI « Culture et langues 
étrangères » pour tous. Et les « bilangues » qui ne profitaient qu’à 10 
% des élèves, se généralisent pour 100 % des élèves à partir de la 
classe de 5e.

Accompagnement personnalisé des élèves

Les moyens qui accompagnent la réforme permettent de multiplier le 
travail en petits groupes – de 8 heures, on passe à 48 heures pour un 
collège moyen – et de développer l’accompagnement personnalisé des 
élèves – on passe de 2 heures maximum à 6 heures au minimum sur les 
quatre ans. Quant aux EPI, ils permettent de développer des pratiques 
pédagogiques variées afin de permettre à tous les élèves d’accéder au 
sens des disciplines scolaires et de mieux entrer dans les apprentissages.

Dans un monde hyperconnecté, où sciences et techniques sont 
omniprésentes, et dans une économie qui n’offre plus guère d’avenir 
professionnel à ceux qui sortent de l’école sans diplôme, la mission du 
collège est de plus en plus exigeante. Il ne s’agit plus seulement de 
faire acquérir quelques repères patrimoniaux qui créent une communauté 
culturelle.

Il faut que tous les élèves quittent le collège en ayant acquis le goût 
du savoir et puissent, à partir de l’acquisition d’un socle commun, 
continuer à se former tout au long de leur vie. Il faut que chacun ait 
les moyens de comprendre le monde pour pouvoir y agir en citoyen 
autonome et responsable.

Or, comprendre le monde nécessite des regards pluri et 
interdisciplinaires, parce qu’il faut faire appel à des savoirs de 
nature différente et les mobiliser pour appréhender une situation. Les 
EPI (qui représentent 9 % des horaires) sont l’espace privilégié de ce 
croisement des regards sur le monde et, loin de « dissoudre » les 
disciplines, ils pourront permettre aux élèves d’identifier la nature, 
les spécificités et la portée de chacune d’entre elles.

Formation humaine

Enfin, parce qu’il est, aujourd’hui impossible de tout apprendre avant 
l’âge de 15 ans, l’important est de permettre à tous les élèves de 
développer une attitude réflexive. Pour cela, il faut organiser, au 
moins en partie, leur formation autour de problèmes à résoudre, de 
tâches complexes et de choix à faire. Les faiblesses de l’élève en 
France par rapport à ses camarades d’autres pays comparables sont 
connues : pas de prise de risque, moins de confiance en soi, créativité 
plus faible, difficulté d’expression orale et d’expression écrite élaborée.

Apprendre à repérer les ressources dont on a besoin pour résoudre un 
problème et apprendre à se les approprier sont devenues des compétences 
indispensables. Apprendre à travailler en équipe sont aussi des 
compétences qui seront travaillées dans les EPI. C’est une dimension 
essentielle de la formation humaine : elle répond aux défis 
contemporains de la formation personnelle, citoyenne et professionnelle.

Ces travaux inter et pluridisciplinaires ont d’ailleurs été introduits 
dans les classes préparatoires en 1995, dans toutes les voies du lycée 
en 2000 et au collège en 2002 (itinéraires de découverte) et 2006 
(enseignement intégré des sciences et technologies). Quant à la partie 
très modeste des activités laissée à l’initiative des équipes locales, 
elle concrétise à la fois la liberté pédagogique des enseignants et la 
nécessité de mettre en œuvre selon des modalités locales des finalités 
nationales.

Enfants d’un même pays

Le collège actuel n’est pas celui de tous les enfants d’un même pays. 
Depuis la création du collège « unique », la France n’a pas voulu 
choisir entre un collège qui permet aux élèves de conforter les savoirs 
de base et d’élargir leur culture pour poursuivre leur formation et un 
collège qui reste la zone de tri du lycée, entérinant ainsi des 
hiérarchies sociales inacceptables.

Les enseignants ne sont pas responsables de cette situation. Ils ont, 
jusqu’à présent, répondu comme ils le pouvaient à une commande ambiguë 
de la Nation. C’est cette commande qu’il faut changer, dans l’esprit de 
la loi de refondation et de programmation de l’école de la République.

Que celles et ceux qui veulent conserver l’ancien modèle assument alors 
leurs responsabilités et en admettent les conséquences : celles d’un 
pays qui, de fait, sépare ses enfants et ne les prépare pas à vivre et 
agir ensemble dans un monde commun. Pour notre part, nous faisons le 
choix du nouveau collège. Parce que c’est la voie d’une République qui 
tient ses promesses. C’est la seule qui permettra à notre pays de 
relever les défis du XXIe siècle.

Sont notamment signataires de ce texte : Jean Baubérot (historien, 
sociologue), Laurent Berger (secrétaire général de la CFDT), Luc Bérille 
(secrétaire général de l’UNSA), François Chérèque (président de Terra 
Nova), Boris Cyrulnik (psychiatre et psychanalyste), Hervé Hamon 
(écrivain), Philippe Joutard (historien, ancien recteur), Philippe Lazar 
(directeur de recherche honoraire à l’Institut national de la santé et 
de la recherche médicale), Pierre Léna (président d’honneur de la 
fondation La main à la pâte), Philippe Meirieu (pédagogue), Pierre Merle 
(sociologue), Camille Peugny (sociologue), Jean-Marc Roirant (secrétaire 
général de la Ligue de l’enseignement), Joël Roman (philosophe), Agnès 
Van Zanten (directrice de recherche au CNRS). Retrouvez la liste 
complète des signataires sur le site de la revue les Cahiers 
pédagogiques : cahiers-pedagogiques.com

En savoir plus sur 
http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/05/18/contre-l-ecole-inegalitaire-vive-le-college-du-xxie-siecle_4634997_3232.html#0zZiQ1Ltp5wjgH9p.99

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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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