[Infoligue] Mouvement sportif et économie sociale, un pas de deux hésitant
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Ven 4 Sep 08:28:42 CEST 2015
Mouvement sportif et économie sociale, un pas de deux hésitant
Par : Stéphane Guérard
Publié par :
http://www.humanite.fr/mouvement-sportif-et-economie-sociale-un-pas-de-deux-hesitant-582569
Le : 1 Septembre 2015
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Jusqu’à présent, le plus grand mouvement associatif de France se
concevait en marge du tiers secteur. Mais le glissement du sport
compétition vers le business, ainsi que la mise en concurrence des
associations avec le privé poussent des réseaux du sport pour tous à
renouer avec les principes de l’ESS.
C’est un secteur structurant du lien social et de l’éducation populaire.
Un réseau de plus de 220 000 associations couvrant l’ensemble du
territoire, qui touche plus de 15 millions de personnes chaque année,
offre un lieu d’engagement à près d’un quart des 13 millions de
bénévoles français, ainsi qu’un emploi à 86 000 salariés (selon le
rapport 2015 de Recherches & Solidarités). Au vu de ces chiffres,
le
mouvement sportif français a de quoi revendiquer la médaille d’or des
mouvements associatifs français et l’une des places d’honneur de
l’économie sociale et solidaire (ESS)... si seulement il le voulait.
C’est loin d’être le cas. Soucieux de son indépendance et de son supposé
apolitisme, accro à son historique modèle pourtant associatif, le sport
français regarde de loin le tiers secteur se développer en feignant de
ne pas en être. Mais la donne pourrait changer. Sous le double effet
conjugué du tarissement des soutiens publics et de la tentation de
l’élitisme et du sport business portée par certaines grandes fédérations
comme le football, des acteurs historiques du sport pour tous reviennent
aux sources du mouvement de l’éducation populaire dont ils sont issus.
Il s’agit pour eux de trouver d’autres méthodes et structurations de
l’ESS afin d’assurer l’avenir de leurs missions d’intérêt général.
Les associations œuvrent en solo
Pour l’heure, le modèle associatif reste de fait solidement chevillé au
mouvement sportif. Le sport est, après la culture, le deuxième secteur
où se créent le plus d’associations (+ 47 000 entre 2010 et 2014). Du
club de football à l’association de village qui propose des activités
physiques, la grande majorité des 220 000 associations qui proposent des
activités sportives sont de petites structures qui vivent grâce à
l’engagement de bénévoles, une vingtaine en moyenne par club. Chose rare
dans le secteur associatif, elles autofinancent les deux tiers de leur
budget, grâce aux cotisations, ventes diverses aux usagers et dons, le
solde provenant de subventions. Elles œuvrent souvent en solo : la
moitié ne sont pas affiliées à un mouvement ou à une fédération. Dans ce
contexte, « l’économie sociale et solidaire paraît éloignée de leurs
préoccupations, relève Françoise Bouvier, présidente de l’Union
nationale sportive Léo-Lagrange. Mais les résultats sont là. Nos
associations produisent de la richesse pour le pays : du lien social, de
l’apprentissage de la citoyenneté, de la paix sociale. On ne veut pas
lâcher ces objectifs. Et à terme, nos activités permettent de créer de
l’emploi. »
L’emploi, un peu moins de 20 % des associations sportives ont franchi le
pas. Dans 80 % des cas, elles emploient au maximum trois salariés,
souvent à temps (très) partiel. Les 17 000 structures employeuses
relevant de la convention collective nationale du sport comptent ainsi
125 000 salariés qui représentent « seulement » 41 600 équivalents temps
plein. Leur champ d’intervention est si vaste – de la pratique en club à
l’enseignement disciplinaire, sport santé, loisir ou tourisme, jusqu’à
la gestion d’installations – qu’elles ont le choix des conventions
collectives : sport, animation, tourisme social et familial, filière
équestre ou même golf. Ces activités d’intérêt général qui ont le vent
en poupe (+ 5 % d’emplois dans les associations sportives en 2014) sont
valorisées par les pouvoirs publics, via des subventions, mais aussi et
de plus en plus par des appels d’offres ou des délégations de service
public. Les associations employeuses se retrouvent alors en concurrence
avec des acteurs privés.
Réticences vis-à-vis de l’ESS
Dans ce cadre de compétition économique, les pratiques défendues par
l’économie sociale devraient prendre tout leur sens. Pas si simple,
analyse Franck Seguin, délégué général du Conseil national des
employeurs associatifs (CNEA) affilié à l’Union des employeurs de l’ESS
(Udes). « Les dirigeants du mouvement sportif sont encore réticents
vis-à-vis de l’ESS. Ce n’est pas pour rien si le Comité national
olympique et sportif français (CNOSF) a révisé ses statuts pour offrir
plus de poids aux fédérations délégataires (schématiquement liées au
sport compétition – NDLR) au détriment des fédérations affinitaires
(sport pour tous et mouvements d’éducation populaire – NDLR). Et il
glisse vers le secteur marchand en espérant y trouver de nouveaux moyens
de développement. Ces dirigeants ont tôt fait de mettre en valeur leur
attachement aux valeurs citoyennes du sport. Mais de là à les faire
vivre dans des structures de l’ESS... » De fait, toute référence à
l’économie sociale a disparu des brochures du CNOSF depuis 2012. À
l’époque, une note l’envisageait comme une opportunité de fortifier son
ancrage territorial, d’avoir accès à d’autres crédits ou programmes
publics et de peser politiquement via les instances de l’ESS. Mais
depuis, le CNOSF entend monétiser auprès de partenaires privés l’attrait
du sport spectacle et de grands événements. D’où le Club d’entreprises
France olympique, créé en mai, en lien avec la candidature de Paris aux
Jeux 2024. Ou les partenariats locaux avec le Medef sous couvert de
développement du sport en entreprise.
L’ESS doit apporter des garde-fous
L’avenir du mouvement sportif ne se résume cependant pas aux choix du
CNOSF, qui n’a pas répondu à nos sollicitations. « Jusqu’à présent, dans
l’ESS, le mot économie faisait frémir. Mais il y a une prise de
conscience que, hors du sport compétition, on fait depuis longtemps de
l’ESS sans le savoir, estime Philippe Machu, président de l’Union
française des œuvres laïques d’éducation physique (Ufolep). On participe
à l’économie du fait des activités de nos clubs. Et on a toujours été
attentif aux nouvelles aspirations, aux personnes éloignées du sport qui
représentent la plus grande partie de la population, puisque seuls
15 millions de pratiquants sont licenciés dans un club. Nous avons donc
décidé d’accélérer notre investissement dans l’ESS. » Outre la piste des
groupements d’employeurs, dont la Fédération nationale profession sport
et loisirs en revendique 24 pour 24 700 emplois gérés, l’Ufolep étudie
la possibilité de créer une société coopérative d’intérêt collectif. À
l’image de la SCIC Impact à Toulouse (voir par ailleurs), il s’agirait
de développer des activités de formation, d’accompagnement de politiques
publiques et de projets territoriaux, grâce aux statuts de la SCIC
réputés juridiquement plus sûrs que ceux d’une association lorsqu’il
s’agit de répondre à des appels d’offres ou à des marchés publics.
« Si, faire de l’ESS dans le sport, c’est créer de l’emploi en rendant
service à la population à un coût modique pour l’usager et pour des
activités de proximité, je ne peux qu’y souscrire, souligne
Jean-François Davoust, de la CGT Sport. Malheureusement, certains
employeurs se cachent derrière l’appellation pour recruter à bas prix et
dévaluer le métier d’éducateur sportif. Ils s’appuient sur l’évolution
de la loi pour abandonner des normes qui permettaient un accueil du
public de grande qualité. » Philippe Nicolino connaît ces écueils.
« Dans l’ESS, il y a le flacon et il y a l’ivresse, admet le directeur
national de l’Union sportive Léo-Lagrange. Mais on doit faire face à des
opérateurs différents de nous, dans un système où la subvention nous lie
de moins en moins à l’État et aux collectivités qui, en revanche, ont de
plus en plus recours à de la mise en concurrence. Mais les principes de
l’ESS doivent nous donner des garde-fous. En fait, nous ne devrions
jamais parler de clients, mais continuer de parler d’usagers. »
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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