[Infoligue] Contrats aidés : le coup de frein fait bondir collectivités et associations
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Lun 28 Aou 17:13:37 CEST 2017
Contrats aidés : le coup de frein fait bondir collectivités et
associations
Publié par : http://www.caissedesdepotsdesterritoires.fr
Le : 25/08/2017
Par : C. Mallet, avec AFP
*********************
Le sujet a fait la une depuis la mi-août. La diminution du nombre de
contrats aidés. "Les contrats aidés sont extrêmement coûteux (...) et ne
sont pas efficaces dans la lutte contre le chômage", lançait le 9 août
la ministre du Travail, Muriel Pénicaud. "Si les emplois aidés avaient
été un instrument efficace de lutte durable contre le chômage, ça se
serait vu", a pour sa part estimé le Premier ministre lors d'un
déplacement dans le Gers. Depuis, les réactions de toutes parts n'ont
pas cessé, les chiffres ont été précisés et le tir très légèrement
rectifié. Sur le terrain, cela faisait déjà plusieurs semaines que les
acteurs locaux et les futurs bénéficiaires de contrats constataient que
les choses bloquaient au niveau de Pôle emploi. Les inquiétudes portent
tout autant sur le sort des publics potentiellement concernés par
l'emploi aidé que sur le devenir des services assurés grâce à ces
emplois, que ce soit au sein des collectivités ou des associations.
Finalement, environ 310.000 contrats sur 2017
Le budget pour 2017 prévoyait 280.000 nouveaux contrats aidés sur
l'année, mais les deux tiers avaient été consommés dès le premier
semestre sous la précédente majorité. Le gouvernement avait accordé,
dans un premier temps, une rallonge de 13.000 contrats supplémentaires,
portant le total à 293.000. Or en 2016, ce sont 459.000 contrats qui
avaient été signés. Le gap est donc énorme. Une baisse des prescriptions
que représentants des collectivités comme des associations dénoncent de
façon quasi unanime.
Finalement, ce ne seront pas 293.000 mais "près de 310.000 contrats
aidés qui seront disponibles au total pour l'année 2017", écrit la
délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP)
dans une instruction adressée le 18 août aux préfets mais qui n'avait
pas rendue publique et dont l'AFP a diffusé le contenu le 24 août.
Quelques heures auparavant, le Premier ministre, Edouard Philippe, avait
évoqué le nombre de 320.000, en laissant entendre que l'enveloppe
passerait sous 200.000 en 2018. "Mon objectif n'est pas de dire 'les
contrats aidés, c'est mal'". Pour les personnes concernées, c'est
"momentanément utile", et pour les collectivités, un gain en termes de
coût. "Mais à la fin de la fin", "c'est une politique publique qui ne
produit pas de bons résultats pour le retour à l'emploi", et s'avère
"très onéreuse", a-t-il argumenté sur BFM TV/ RMC. En 2018, "il y aura
encore des contrats aidés" mais "il y en aura moins que ce qui existe
aujourd'hui", a-t-il martelé. "On fera en sorte que l'utilisation des
contrats aidés dans l'Education nationale et les outre-mer soit
préservée", a nuancé le Premier ministre. Pour le reste, "on veut très
fortement changer la logique", et les moyens seront utilisés à "financer
des formations individualisées qui permettent un retour durable à
l'emploi", a-t-il dit.
Des contrats désormais très ciblés
Pour 2017, l'instruction de la DGEFP indique qu'au-delà de l'enveloppe
initiale de 2,4 milliards d'euros budgétée en loi de finances, la
rallonge est financée par une "enveloppe complémentaire de 350 millions,
complétée à nouveau de 50 millions le 11 août". Cette rallonge s'inscrit
néanmoins "dans un contexte de réduction des volumes de contrats aidés",
confirme la DGEFP.
Tous les contrats supplémentaires sont affectés au secteur non marchand,
où 239.000 contrats d'accompagnement dans l'emploi (CAE) auront été
signés sur l'année, au lieu de 200.000, selon le document de la DGEFP.
Dans le détail, 218.748 sont prescrits en métropole, 20.252 en outre-mer.
Au second semestre, les prescriptions se limitent à des secteurs précis.
Dans "l'Education nationale", le contingent, fixé "à 50.000 contrats
pour l'année scolaire 2017-2018", "doit cibler l'accompagnement des
élèves handicapés", énonce la DGEFP. Des contrats peuvent être aussi
signés pour respecter les "engagements contractuels avec les conseils
départementaux". Enfin, 328 contrats sont réservés aux "recrutements
d'adjoints de sécurité". Au-delà, "les prescriptions doivent
exclusivement permettre (...) de prescrire des renouvellements voire des
nouveaux contrats pour répondre aux situations d'urgence du secteur
sanitaire et social", complète la DGEFP.
Dans le secteur marchand, "la prescription des contrats initiative
emploi (CIE) est stoppée à ce stade", selon le document. Ce gel permet
de réorienter 7.000 contrats non consommés vers le secteur non-marchand.
Les contrats d'avenir, c'est aussi de la formation
Enfin, concernant les emplois d'avenir, "seuls des renouvellements
pourront être assurés pour permettre la poursuite de parcours déjà
engagés", dans la limite de 7.881 contrats au deuxième semestre, et
"sous réserve du respect, par les employeurs, de leurs engagements pris
en matière de formation et d'accompagnement", note la même instruction.
Mesure du quinquennat de François Hollande, les emplois d'avenir sont
des contrats aidés mais se distinguent des autres types de contrats
puisque spécifiquement tournés vers les jeunes, en l'occurrence les
jeunes peu ou pas qualifiés. A temps plein et de longue durée, ils
incluent un projet de formation. A fin 2016, plus de 325.000 emplois
d'avenir avaient été signés depuis leur lancement en novembre 2012.
Sur ces emplois d'avenir, c'est le président de l'Union nationale des
missions locales (UNML), Jean-Patrick Gille, qui est monté au créneau
pour "rappeler l'impérieuse nécessité" de maintenir ces contrats, de
"vrais emplois qui valorisent et permettent d'accroître (les)
compétences" de leurs bénéficiaires et ont "permis d'insérer durablement
et de qualifier des jeunes en situation d'exclusion". Du point de vue
des employeurs du secteur non marchand, "ils contribuent à apporter des
services à la collectivité - et donc à dynamiser les territoires - en
prenant en compte des besoins peu voire pas satisfaits". Au gouvernement
qui semble opposer contrats aidés et formation, Jean-Patrick Gille
rappelle que "la formation (est) la pierre angulaire" des emplois d'avenir.
Comment faire sa rentrée sans CAE ?
Pour les autres types de contrats aidés, à savoir principalement les
CAE, l'approche de la rentrée des classes a envenimé les choses, nombre
de communes ayant recours à contrats dans le périmètre scolaire – aide à
la restauration, animation, auxiliaires de vie scolaire…
Le problème a fait grand bruit à la Réunion, où 19 des 24 maires de
l'île ont annoncé qu'ils reportaient la rentrée scolaire de cinq jours
dans les écoles maternelles et élémentaires. Ce report devait "laisser
aux maires le temps pour les recrutements nécessaires" sur les postes
d'agents de restauration scolaire, d'entretien et de surveillance, avait
déclaré Stéphane Fouassin, président de l'Association des maires de la
Réunion et maire de Salazie. Le préfet de la Réunion, Amaury de
Saint-Quentin, venait pourtant de promettre le déblocage de 1.800
contrats aidés pour le milieu scolaire. Mais les maires en réclamaient
3.298. La préfecture a ensuite annoncé l'attribution de 1.000 autres
CAE, soit un total de 2.800 emplois aidés pour les écoles.
Mais le casse-tête est aussi d'actualité pour certaines communes de
métropole. "La rentrée, c'est dans quinze jours, il faut qu'il y ait
quelqu'un pour garder les enfants, aussi bien en garderie qu'à la
cantine", témoignait par exemple récemment Rose-Marie Falque, présidente
de l'association des maires de Meurthe-et-Moselle. "C'est quand on
s'adresse à Pôle emploi qu'on vous dit que ce n'est plus possible",
déplore-t-elle.
Les maires écrivent au gouvernement
Le premier vice-président délégué de l'AMF, André Laignel, évoque
"l'impossibilité de renouveler la plupart des contrats arrivant à
échéance prochainement ou de recourir à ce dispositif pour de nouveaux
recrutements". Les communes n'ont été informées que "très récemment" que
"ce type de contrats ne serait plus accordé et que les renouvellements
de ces contrats seraient à prioriser selon des critères qui doivent être
précisés", fait-il valoir. "Cela pose des difficultés inextricables au
niveau local, car les besoins en personnel sont avérés, les
organisations des services publics (restauration, activités
périscolaires...) sont validées", note André Laignel.
L'Association des petites villes de France (APVF) dénonce elle aussi la
"précipitation" avec laquelle la baisse du nombre d'emplois aidés a été
décidée, dans un courrier également adressé à Muriel Pénicaud. Les
emplois aidés "permettent à des personnes en situation de précarité de
se rapprocher de l'emploi" et de "conforter l'offre de services publics
de proximité des collectivités", souligne Olivier Dussopt, le président
de l'APVF.
Du côté de Pôle emploi, des consignes ont été passées. En tout cas en
Ile-de-France, où les agences ont reçu un courriel interne leur
indiquant que "dans l'attente de la circulaire qui ne devrait pas
arriver avant la fin du mois, il convient impérativement et sans
dérogation de suspendre toutes les prescriptions pour les CIE et pour
les CAE". Et que "cette mesure concerne aussi bien les renouvellements
que les nouveaux contrats". "Par exception, pour les CAE, les seules
prescriptions possibles sont pour l'Education nationale, les adjoints de
sécurité et dans le cadre des CAOM", les conventions annuelles
d'objectifs et de moyens passées avec des organismes du secteur
non-marchand, ajoute le courriel.
Parmi les nombreuses autres réactions...
L'Association des DRH des grandes collectivités territoriales s'est
associée à l'Association pour le développement des ressources humaines
dans les établissements sanitaires et sociaux pour déplorer "une annonce
brutale, non préparée et ce, alors que les besoins au niveau local sont
avérés". "Les employeurs hospitaliers et territoriaux ne sont en effet
pas en mesure de transformer budgétairement, dans des délai aussi
courts, ces contrats aidés en CDD", relèvent les deux associations, pour
lesquelles la mesure "correspond davantage à un coup de rabot qu'à une
réelle politique de l'emploi". Elles estiment que "stigmatiser" le
contrat aidé "alors que le gouvernement n'annonce pas de solution de
substitution (...) provoquera, faute de débouchés à court terme, un
retour au chômage de publics déjà fragilisés".
Sept grands acteurs du monde associatif - fédération des acteurs de la
solidarité (ex Fnars), Uniopss, Emmaüs, Secours catholique - rappellent
dans un communiqué commun que "ces contrats sont, en période de crise,
le seul moyen d’accès à l’emploi pour les personnes qui en sont le plus
éloignées" et demandent un rendez-vous en urgence au gouvernement. "Par
le travail et l’accompagnement, les personnes développent en effet leurs
compétences, acquièrent de l’expérience professionnelle et reprennent
l’habitude du travail en équipe, autant d’atouts pour une insertion
durable dans l’emploi", estiment-ils. Les réductions annoncées
reviennent "à supprimer les perspectives d’insertion de plus de 150 000
personnes et à remettre en cause des activités d’utilité sociale,
environnementales ainsi que le bon fonctionnement de nombreux services
publics", écrivent-ils. Ces mêmes représentants du secteur associatif
demandent en outre "un meilleur accès à la formation des personnes en
contrat aidé" : "La formation est en effet plus efficace lorsqu’elle se
déroule en parallèle à une situation de travail et même d’emploi, comme
nous le démontre l’alternance. Ne sacrifions donc pas les contrats aidés
pour la formation mais combinons les deux".
L'association AD-PA (directeurs de maisons de retraite et service à
domicile) : "L'Etat a traditionnellement utilisé les emplois aidés pour
compenser le sous-financement qu'il a organisé dans certains secteurs",
comme l'aide aux personnes âgées.
--
-----------------------
Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
-----------------------
Nos sites :
http://www.laligue-alpesdusud.org
http://www.laligue-alpesdusud.org/associatifs_leblog
-----------------------
Plus d'informations sur la liste de diffusion Infoligue