[Infoligue] Les bibliothèques sur le pont contre l’illettrisme

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Mar 14 Mar 07:19:37 CET 2017


Les bibliothèques sur le pont contre l’illettrisme

Publié par : http://www.lagazettedescommunes.com
Le : 08/03/2017
Par Emilie Denètre

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De par sa place dans la ville et son rapport aux livres et la culture, 
la bibliothèque a vocation à intervenir auprès des personnes touchées 
par l'illettrisme. Certaines d'entre elles sont déjà mobilisées et 
esquissent une méthodologie.

En France, 7% de la population âgée de 18 à 65 ans est touchée par 
l’illettrisme. Un chiffre avancé par l’Agence nationale de lutte contre 
l’illettrisme. « Il faut en finir avec la vision misérabiliste de 
l’illettrisme » estime Hugues Lenoir, enseignant-chercheur en Sciences 
de l’éducation à l’Université Paris Ouest Nanterre. Et d’évoquer ces 
hommes et femmes qui ont soit mal appris à la lire, soit oublié par 
manque de pratique. La moitié de ces personnes a un emploi, « preuve 
qu’ils ont des compétences autres sur lesquelles on peut s’appuyer », 
précise l’universitaire. Ce dernier raconte aussi leurs stratégies 
d’évitement pour ne pas se faire repérer « ce sont, par exemple, des 
personnes qui vont refuser des promotions, car elles savent qu’il faudra 
faire des restitutions écrites ».

«Défrichement avancé»

Dans leurs pratiques quotidiennes, les bibliothécaires sont bien placés 
pour repérer ces profils : « on le voit souvent à l’inscription, a 
témoigné Emmanuelle Pinguet de l’Alcazar, une des bibliothèques 
municipales de Marseille, lors d’une journée d’études organisée par 
l’Association des bibliothécaires de France (ABF) le 6 mars 2017. Et on 
se demande : Que dois-je faire ? Suis-je légitime pour m’occuper de ce 
problème ? ». Même analyse en bibliothèque universitaire. Véronique 
Palanché la directrice adjointe de la bibliothèque de Villetaneuse-Paris 
13 raconte ces étudiants bacheliers qui en sont au « stade du 
déchiffrement avancé ». « On pourrait fermer les yeux et se dire : à la 
fois, ils ont eu le bac, ce n’est pas mon problème ; mais non évidemment… ».

Bienveillance

Des interrogations, des doutes qui ont conduit ces professionnels à 
parler de cette question et à se rassembler en groupe de travail. Une 
première étape indispensable pour changer les choses, même à petite 
échelle. Ainsi à l’Alcazar, les bibliothécaires ont tous eu accès à une 
formation, via le Centre Ressources Illettrisme de PACA, qui a 
littéralement changé leurs pratiques. « Aujourd’hui, même lors d’une 
première rencontre, j’aborde le problème avec bienveillance et je parle 
des solutions qui existent avec la personne que je vois en difficulté, 
raconte Emmanuelle Pinguet, toutes ne s’inscriront pas bien sûr en 
formation, mais le fait d’en parler directement est le premier maillon 
de la chaîne ».

Effet levier des contrats Territoires Lecture

Autre territoire, autre pratique. Les Contrats territoire-lecture (CTL, 
dispositif de conventionnement Etat-collectivités) apparaissent comme 
des leviers très intéressants pour les collectivités et les 
bibliothèques prêtes à se lancer dans des actions plus structurées « 
C’est un outil souple qui permet de travailler la lecture dans les 
territoires ; ces CTL ne sont pas centrés sur la seule question de 
l’illettrisme mais ils peuvent bien sûr traiter également cette 
problématique. Fin 2016, nous avions 120 CTL sur les territoires » 
détaille Anne Morel du service du Livre et de la Lecture au sein de la 
direction générale des médias et des Industries culturelles du ministère 
de la Culture et de la communication. Dotés d’un budget de 2,8 millions 
d’euros par an, les CTL permettent de bénéficier de l’encadrement du 
ministère de la Culture et d’un soutien financier à la hauteur de 50 %.

Dans le Finistère, l’action contre l’illettrisme a donc été formalisée 
par le biais de deux Contrats territoires-lecture, de 3 années chacun. « 
Le premier, détaille Michèle Fitamant, directrice de la BDP du 
Finistère, nous a permis de créer ‘Ados d’mots’, des ateliers d’écriture 
avec des écrivains qui ont touché plus de 1000 jeunes notamment en 
milieu rural ; le second projet est la création d’un fonds ‘Facile à 
lire’ – fonds destiné au adultes ne maîtrisant pas bien le français- que 
nous avons installé dans deux de nos antennes dans le centre du 
département. Ces fonds ont été placés dans les halls des bibliothèques, 
en accès libre, et les livres circulent bien ! ».

Des partenariats indispensables

Mais surtout ces CTL permettent de nouer des partenariats sur le 
territoire. Ce qui apparaît comme indispensable, dans la mesure où les 
bibliothèques n’ont pas toutes les clés pour gérer ce problème complexe. 
« Pour constituer notre fonds ‘Facile à lire’, nous avons travaillé avec 
une association spécialisée, explique Michèle Fitamant, car nos choix 
n’étaient pas adaptés : nous avions tendance à infantiliser ce public et 
à mettre trop de fictions alors qu’ils aiment les ‘docus’ ». Ces 
partenariats  ne coulent pourtant pas toujours de source. L’association 
« Livre Passerelle » de Tours a ainsi monté un projet dans une 
bibliothèque d’un quartier prioritaire « partenaire » en rassemblant un 
groupe hétéroclite qui se retrouve tous les jeudis. Ensemble, ils ont 
monté un salon du livre Jeunesse… «Aucun membre du groupe n’était usager 
de la bibliothèque ; pour faciliter les relations au sein du groupe, 
nous avons décidé de jouer la carte de l’anonymat, personne ne révèle 
d’où il vient, quelle est sa situation professionnelle, et même les 
bibliothécaires… ce qui n’est pas toujours simple. »

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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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