[Infoligue] La région sabre dans les formations destinées aux publics les plus précaires

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Mer 15 Mar 19:25:45 CET 2017


La région sabre dans les formations destinées aux publics les plus précaires


Auteur :Lisa Castelly
Publié par : https://marsactu.fr
Le: 15 mars 2017

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Après avoir mis fin aux formations pour jeunes sous main de justice, la 
région stoppe la totalité des programmes ETAPS. Ces modules visaient à 
accéder aux savoirs de base - lire, écrire, penser un projet 
professionnel - pour des populations très en difficulté de plus de 16 
ans. La région poursuit ainsi son tri entre les formations qui mènent à 
un emploi et les autres.

À la fin 2016, quatorze associations apprenaient avec stupeur la fin 
quasi immédiate d’un dispositif régional particulier : les 
ETAPS-Justice. Une formation à destination des jeunes sous main de 
justice, visant à les rapprocher de la vie professionnelle, à travers 
des enseignements pratiques et théoriques et donnant lieu à une 
rétribution en tant que stagiaires. Ce sont cette fois-ci les ETAPS 
(espace territoriaux d’accès aux premiers savoirs) « classiques », sans 
lien avec le ministère de la Justice, qui ne seront pas renouvelés à la 
rentrée de septembre. Soit un dispositif bien plus important, concernant 
7000 personnes dans la région d’après l’union régionale des organismes 
de formation, l’UROF.

Concrètement, le parcours d’un stagiaire s’articulait en plusieurs 
modules de deux mois, renouvelables jusqu’à 10 mois, avec des 
thématiques de bases et généralistes comme « communication en français 
», « citoyenneté et solidarité », ou encore « prévention, santé, 
développement durable ». Parmi les bénéficiaires, des précaires de tous 
les âges, jeunes sans diplôme ou adultes en emploi précaire, chômeurs, 
illettrés… En juillet dernier, Marsactu s’intéressait notamment au cas 
de jeunes roms qui avaient trouvé dans les ETAPS un réel espoir 
d’insertion. « Michel Vauzelle [ex-président PS du conseil régional] 
avait fait des ETAPS un outil de 2e chance, explique Philippe Cottet de 
la CGT PACA. Des centaines d’organismes en proposent, principalement 
dans le milieu associatif, car la démarche relève de leurs valeurs ».

70% de retour à l’emploi sinon rien

Après l’arrêt des ETAPS-Justice, les organismes de formation ne se 
faisaient guère d’illusion sur la poursuite des ETAPS « classiques ». Il 
y a quelques semaines ils ont reçu l’information par lettre de la région 
: cette dernière ne financera plus ces modules de formation. « Une 
priorité est donnée aux formations permettant un accès direct à l’emploi 
», peut-on lire dans cette missive, à en croire la CGT qui a publié un 
communiqué ce lundi à ce sujet.

Dans la réponse écrite qu’elle a faite à Marsactu, la région se dit « 
compétente pour la formation et non pour l’insertion ». Or, pour la 
nouvelle majorité, formation rime avec « retour vers l’emploi ». Un 
objectif à 70 % d’accès à l’emploi est ainsi fixé pour chaque formation 
financée. « Le seul enjeu pour la Région lorsqu’elle engage plusieurs 
centaines de milliers d’euros sur l’argent du contribuable, ce sont les 
résultats », prône l’équipe de Christian Estrosi (LR). Placer à 70 % le 
taux d’embauche à la sortie permet de tailler franchement dans l’offre 
de formations et d’en réduire les dépenses.

Mais cette grille de lecture bute irrémédiablement pour les ETAPS, dont 
l’objectif premier n’est pas de mener directement à l’emploi mais plutôt 
de se préparer à accéder à une formation professionnelle. Dorénavant, la 
région déclare vouloir soutenir « des parcours de formation débouchant 
vers l’emploi et non pas hors sol comme c’était le cas dans les ETAPS ». 
La région avance des chiffres pour appuyer son propos et décrire des « 
taux de sortie positive » qu’elle qualifie de « très médiocres ». Sur le 
cursus 2015/2016, les stagiaires des ETAPS en sont sortis à 41% « sans 
solution », tandis que 19% « poursuivent un cursus de formation », ainsi 
que 14% sont « en attente d’un emploi ou d’une formation » et seulement 
12% auraient trouvé un emploi.

« Les Etaps, ce n’est pas de l’action sociale, c’est une action de 
formation, assure pourtant Rachid Solaimani, directeur d’un 
établissement de formation continue de la fondation des Apprentis 
d’auteuil à Marseille. Ce qu’on y apprend, c’est le premier niveau de la 
qualification : travailler sur le projet professionnel, oui, mais 
surtout se remettre à niveau, avoir un minimum de compétences 
linguistiques et aussi en mathématiques, des choses qu’on n’a pas le 
temps d’assimiler dans les 9 mois – 4 ou 5 mois si on enlève le temps en 
entreprise – que dure un CAP. »

« Le président de région ne veut plus de formation où l’on apprend à 
lire et à écrire »

Pour les structures de formations, plus d’une quinzaine rien qu’à 
Marseille et souvent des associations, la nouvelle peut être fatale. « 
Pour certains ce sera la fermeture, pour d’autres, c’est tout un pan de 
leur activité qui va être en souffrance », dénonce Philippe Génin, 
président de l’UROF en PACA. À Nice, l’association Arbre, a déjà été 
liquidée en janvier suite à la fin des ETAPS-Justice, le coup de grâce 
dans un climat général de baisse des subventions.

Quant aux publics concernés par le dispositif en quête de remise à 
niveau, la fin des ETAPS risque de laisser un trou béant. « Aujourd’hui, 
il n’y a pas grand chose pour les publics les plus éloignés de la 
formation. Il y a en permanence une liste d’attente pour accéder aux 
ETAPS, constate Philippe Génin. Mais le président de région ne veut plus 
de formation où l’on apprend à lire et à écrire ». « Tous ces publics 
vont rester sur la touche, appuie Rachid Solaimani. Dans les quartiers 
Nord ça va être catastrophique. Je pense que les hommes politiques n’ont 
pas pris la mesure de cette décision. Comment est-ce qu’ils vont réagir 
quand ils verront plein de jeunes de retour dans la rue ? » Dans un 
communiqué, la CGT dénonçait lundi une « politique régionale qui refuse 
de prendre en compte les besoins des populations et n’a qu’un seul credo 
: répondre aux besoins des chefs d’entreprise ».

400 heures contre 600 à 700 heures auparavant

Un nouvel appel d’offre pour les organismes de formation a été publié en 
février dernier. C’est dans ces documents que ces derniers ont pu 
découvrir les alternatives créées pour remplacer les ETAPS. « Consciente 
que toutes les personnes n’ont pas les prérequis pour accéder aux 
formations professionnelles », la région a expliqué à Marsactu que « des 
parcours de formation modularisables », verront le jour à la prochaine 
rentrée scolaire. Il y aura donc des « actions préparatoires », d’une 
durée de 400 heures, contre 600 à 700 heures environ pour les ETAPS, et 
aboutissant à l’obtention du Cléa, un certificat de compétences 
professionnel reconnu au niveau national. Les stagiaires actuels 
devraient pouvoir finir leurs parcours avant que l’ancien dispositif ne 
soit définitivement supprimé.

« Tout ce qui a été commandé dans ce nouvel appel d’offre ne représente 
même pas 30 % en durée et en budget de ce que représentaient les ETAPS 
», déplore Rachid Solaimani. « Ce sont des publics à qui il faut du 
temps : une personne illettrée, en deux ou trois mois, elle a juste le 
temps de s’acclimater », analyse de son côté Philippe Génin, qui estime 
que le nouveau dispositif ne toucherait plus que 3000 personnes environ, 
4000 de moins qu’aujourd’hui.

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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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