[Infoligue] Jean-Baptiste de Foucauld > Baisse des emplois aidés : «On va accroître un peu plus la souffrance sociale»
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Jeu 9 Nov 09:22:34 CET 2017
Baisse des emplois aidés : «On va accroître un peu plus la souffrance
sociale»
Publié par : http://www.liberation.fr/
Par : Nathalie Raulin
Le : 8 novembre 2017
*********************
Alors que les députés débattent dans la nuit de la réduction drastique
des emplois aidés, Jean-Baptiste de Foucauld, ancien haut fonctionnaire
de Bercy et auteur de plusieurs rapports sur le retour à l'emploi,
dénonce une mesure injuste.
Examiné dans la nuit de mercredi à jeudi par les députés, le volet
travail du projet de loi de finances devrait être l’occasion d’une passe
d’armes musclée sur la réduction drastique des emplois aidés. Pour
marquer sa volonté d’en découdre, le groupe Nouvelle gauche a reçu une
délégation d’associations œuvrant dans les domaines de l’insertion de la
solidarité et de la lutte contre l’exclusion. De fait la décision sans
sommation du gouvernement Philippe divise, y compris les cercles
intellectuels sociaux-démocrates, favorable à la politique du chef de
l’Etat.
Compagnon de route de Jacques Delors et auteur de plusieurs rapports sur
le retour à l’emploi, l’ancien commissaire au Plan Jean-Baptiste de
Foucauld alerte sur les dégâts sociaux prévisibles d’une mesure à
rebours complet de la philosophie revendiquée par Emmanuel Macron durant
la campagne présidentielle. Coordinateur du Pacte civique, collectif
d’associations et de citoyens décidés à promouvoir un nouveau «vivre
ensemble», l’ancien haut fonctionnaire de Bercy s’inquiète du manque de
cohérence entre les engagements et les actes de Macron.
Partagez-vous l’avis d’Emmanuel Macron quand il qualifie les contrats
aidés de «perversion des politiques de l’emploi» ?
Personnellement, je ne suis ni un aficionado d’Emmanuel Macron, ni un
anti-macroniste. Cet homme a une sorte de génie et je partage en grande
partie son projet. Mais en l’espèce il fait une erreur. Je crains qu’il
ne crée une incompréhension au regard même du projet qu’il dit être le
sien. Il se disait rawlsien, mais cette décision me laisse penser qu’il
ne l’est pas assez. La redynamisation de l’économie doit se faire au
service des plus défavorisés, pas à leur détriment. Les contrats aidés,
régulateurs très importants du marché du travail depuis trente ans,
malgré leurs défauts, ont permis de soutenir des centaines de milliers
de personnes en difficulté et de leur donner une utilité économique et
sociale. Il semble l’oublier.
Le Premier ministre, Edouard Philippe, a confirmé vouloir ramener à 310
000 cette année et moins de 200 000 en 2018 le nombre de contrats aidés
signés (contre environ 460 000 en 2016). Qu’en pensez-vous ?
La méthode est brutale et la décision prise sans aucune concertation. Le
résultat, c’est qu’on va accroître un peu plus la souffrance sociale.
Fin 2016, on comptait 1,8 million de personnes au RSA socle. C’est
énorme. Même si la reprise économique est au rendez-vous, ils n’en
profiteront pas les premiers. Pour eux, un emploi aidé est souvent une
remise en selle indispensable et une vraie chance. En France, le devoir
de travailler mais aussi le droit au travail est inscrit dans la
Constitution. Notre démocratie semble avoir abandonné cette exigence.
Le gouvernement qui dit vouloir «passer d’un traitement social du
chômage à un traitement économique» estime que pour lutter contre le
chômage, il est plus efficace d’investir dans la formation.
Partagez-vous cet avis ?
Ça ne marche pas aussi simplement. La formation ne crée pas
mécaniquement l’emploi. S’agissant des chômeurs de longue durée et a
fortiori des personnes éloignées du marché du travail, la formation
n’est efficace que si elle s’inscrit dans le cadre d’un vrai
accompagnement et d’un emploi. Pour réussir l’insertion, le triptyque
accompagnement-emploi-formation est la formule gagnante incontournable.
Dispenser la formation «hors sol» est peine perdue dans l’immense
majorité des cas. C’est d’ailleurs ce qui explique en partie le meilleur
taux de retour à un emploi durable observé dans les contrats aidés du
secteur marchand par rapport au secteur non-marchand. Parce que ces
contrats sont subventionnés, les entreprises vont embaucher des chômeurs
de longue durée ou des publics discriminés dont elles auraient eu
tendance à se méfier. Mais le pas franchi, beaucoup font tout pour que
leur nouvel employé contribue à la production de richesse, en les
formant et les accompagnant. Ce n’est pas toujours le cas dans le
secteur public, loin s’en faut.
Selon une étude récente de la Dares, du point de vue du retour à
l’emploi, le bilan des contrats aidés dans le secteur public est très
«mitigé»…
On a globalement gâché ce qui aurait pu être une politique de
«plein-emploi volontaire», cette idée que la société française doit
s’organiser et se mobiliser pour donner du travail à tout le monde, ce
qui est l’un des buts du Pacte civique. Depuis l’origine, les contrats
aidés ont surtout été un instrument de toilettage des statistiques du
chômage. L’éducation nationale ou la justice par exemple usent trop
souvent des contrats aidés comme une main-d’œuvre d’appoint peu
coûteuse, sans se soucier d’agir en faveur de l’insertion durable des
personnes concernées. L’exécutif a toujours privilégié la quantité de
contrats signés sur la qualité de l’aide apportée aux personnes en
difficulté, l’efficacité statistique sur l’efficacité économique et
sociale, oubliant l’importance de l’accompagnement. J’attendais du
Président qu’il corrige ce déséquilibre. Lui-même affirmait cette
volonté mi-octobre dans son entretien au Point. Mais cela pêche du côté
de la justice. La baisse de l’ISF, la mise en place de la flat tax, la
hausse de la CSG passeraient sans doute beaucoup mieux si on ne tirait
pas en même temps le tapis sous les pieds des personnes les plus en
difficulté. Il y a là un problème de cohérence qui doit être corrigé
sans attendre.
Pour le gouvernement, le coût du dispositif (plus de 2 milliards
d’euros) semble rédhibitoire dans l’actuel contexte budgétaire…
Je sais bien que le budget de la France est plombé depuis de longues
années, entre une fiscalité importante, des dépenses publiques
excessives et des déficits récurrents. Pendant sa campagne, Macron a
multiplié les promesses au point qu’il a aujourd’hui du mal à les
concilier avec son engagement européen. Pour des raisons que je
comprends, il a décidé d’honorer les plus structurantes économiquement
dès le début de son quinquennat. Bercy lui a présenté l’ardoise avec
insensibilité. Mais, je persiste à dire que, s’il manque de l’argent
pour les emplois aidés, il faut trouver ailleurs. C’est le prix à payer
pour la justice sociale. Il ne faut pas oublier que s’il suffit d’une
pichenette pour exclure, il faut un treuil pour réinsérer.
Nathalie Raulin
--
-----------------------
Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
-----------------------
Nos sites :
http://www.laligue-alpesdusud.org
http://www.laligue-alpesdusud.org/associatifs_leblog
-----------------------
Plus d'informations sur la liste de diffusion Infoligue