[Infoligue] Éduquer à la citoyenneté, à quoi ça sert ?
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Jeu 7 Juin 10:06:02 CEST 2018
Éduquer à la citoyenneté, à quoi ça sert ?
Publié par :
http://www.solidarite-laique.org/je-milite/eduquer-a-la-citoyennete-a-quoi-ca-sert/
Le : 29 mai 2018
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Pour lancer le débat de l’Assemblée Générale de Solidarité Laïque, le 14
juin 2018, le pédagogue Philippe Meirieu fait le point, en trois
questions, sur l’éducation à la citoyenneté. Un entretien éclairé et
humaniste qui porte l'apprentissage des valeurs de citoyenneté comme
instrument d’émancipation et du vivre ensemble.
En quoi éduquer à la citoyenneté sert le développement de la
personnalité humaine ?
Un sujet n’éclot pas tout seul, à la manière d’une graine qui possède
déjà en elle l’essentiel de ce qui va lui permettre de se développer. Ce
qui caractérise le « petit d’hommes », c’est qu’il nait inachevé, riche
de potentialités mais sans que son avenir soit déjà écrit. C’est
pourquoi, comme le disait le philosophe Kant, « l’homme est le seul être
vivant qui doive être éduqué ». Il doit l’être par les adultes qui
l’accueillent dans le monde et doivent prendre soin de lui, mais aussi
lui transmettre un langage et une culture qui lui permettent d’entrer
dans le monde. Il doit l’être également par la rencontre essentielle
avec l’altérité : pour sortir de l’infantile et du caprice, l’enfant
doit découvrir que les autres sont à la fois semblables et différents de
lui. Il doit comprendre qu’ils peuvent résister à ses velléités de
toute-puissance. Il doit apprendre l’empathie – une vertu démocratique
par excellence – qui lui fait regarder l’autre comme un autre soi-même
et soi-même comme un autre. Il doit passer du stade où les autres lui
font peur à celui où il peut faire alliance avec eux. Il doit comprendre
que l’échange avec les autres constitue une chance fabuleuse pour lui.
Il doit accéder, enfin, à la possibilité de dépasser son intérêt
personnel immédiat pour accéder à l’intérêt collectif et construire du
bien commun. Tout cela relève aujourd’hui, tout à la fois, de la
formation à la citoyenneté et du développement de la personne… à
condition, bien sûr, de ne pas avoir une vision « individualiste » de la
personne.
Comment l’éducation à la citoyenneté contribue à construire un monde
durable et en paix ?
Devenir citoyen, c’est progressivement élargir le cercle de ses
connaissances et de ses solidarités. L’enfant vit, d’abord, dans la
famille nucléaire, dont il se sent partie prenante. Il découvre ensuite
qu’il y a, au-delà de cette famille nucléaire, une famille élargie.
Puis, au-delà de la famille élargie, il y a un quartier dont les
habitants partagent des services qu’ils reçoivent mais peuvent aussi
échanger. Au-delà du quartier, il y a la ville avec ses élus, puis la
région, le pays, la Terre et tout l’univers.
En grandissant, en se formant à la citoyenneté, l’enfant, l’adolescent,
puis le jeune adulte comprennent qu’avant d’être une valeur, la
solidarité est un fait : nous sommes solidaires parce que rien de ce que
nous faisons individuellement est sans conséquence sur notre
environnement humain et matériel. « L’homme n’est pas une île », selon
la formule célèbre. L’humanité et le monde sont constitués d’humains
dont le destin est irrémédiablement lié. Pour le pire souvent. Pour le
meilleur, il faut l’espérer. L’éducation à la citoyenneté, c’est
l’apprentissage de cette liaison à tous les niveaux, la compréhension de
la manière dont elle fonctionne, la réflexion sur la façon d’y prendre
sa place, la recherche sur la meilleure manière, pour chacun, de
participer à la construction d’un monde durable et en paix.
L’éducation à la citoyenneté apprend à vivre ensemble, à se respecter
soi-même et à respecter les autres. Pourtant, la défiance vis-à-vis de
l’étranger, le repli sur soi, les stéréotypes restent prégnants. Que
peut l’éducation pour faire évoluer les mentalités et les comportements ?
L’éducation a évidemment besoin de l’exemple : rien n’est plus
contre-productif qu’un discours éducatif qui prône des valeurs qui sont
contredites par les adultes qui entourent l’enfant, par les médias, par
la publicité, etc. Et nous avons de vrais progrès à faire dans ces
domaines. Ensuite, je crois que l’apprentissage du « vivre ensemble »
n’est possible que par le développement du « faire ensemble ». Les plus
belles paroles, les meilleurs cours et les plus belles injonctions ne
suffisent pas. C’est dans l’activité collective coopérative, où chacun
progresse en contribuant au bien commun, que se construit une socialité
authentique, que les enfants se vivent réciproquement comme différents
et semblables, avec, chacun, leurs besoins et leurs ressources. On ne
lutte pas contre la peur de l’étranger et le repli sur soi simplement
par des leçons de morale, on les combat, en revanche, efficacement par
la découverte réciproque dans la collaboration, par l’engagement commun,
par le fait de partager concrètement les mêmes valeurs en actes, par le
« faire pour » et par le « faire avec ». C’est dans la construction de
relations de solidarité positive que l’étranger devient « mon semblable,
mon frère ».
Philippe Meirieu
Pédagogue
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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