[Infoligue] Economie sociale : Partenariats associations-entreprises, association de bienfaiteurs
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Jeu 28 Juin 15:49:41 CEST 2018
Economie sociale : Partenariats associations-entreprises, association de
bienfaiteurs
Publié par :
https://www.lenouveleconomiste.fr/dossier-art-de-vivre/partenariats-associations-entreprises-association-de-bienfaiteurs-63863/
Le : 28/06/18
par Nicolas Certes
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Le temps où les entreprises ne faisaient que financer les associations
est révolu, place aux nouvelles formes de co-construction
Alors qu’en 2015, 3,5 milliards d’euros étaient consacrés au mécénat par
les entreprises, les partenariats entre le secteur privé et les
associations sont toujours sujets aux stéréotypes. Pour les
associations, ce serait le moyen de trouver un sponsor et avoir plus de
fonds. Pour les entreprises, une bonne action pour redorer son image de
marque. Mais aujourd’hui les formes de partenariats sont très diverses.
Allant du mécénat à la co-création de solutions innovantes. Ces
partenariats peuvent être à sens unique ou mutuels. Tout dépend des
modalités du partenariat, de la finalité du projet etc. Mais dans la
plupart des cas, chaque partie apporte des compétences à son partenaire.
En évoquant un partenariat entre une association et une entreprise, on a
immédiatement l’image d’une structure de loi 1901 en mal de ressources
financières, et d’une société privée ayant besoin de redorer son image
en apportant un soutien à une cause d’intérêt général. Et il est vrai
que le mécénat financier reste aujourd’hui très important. Selon le
baromètre Admical/CSA sur le mécénat d’entreprise en France en 2016,
77 % des entreprises mécènes apportaient d’abord des aides sonnantes et
trébuchantes aux associations avec qui elles faisaient affaire… Mais ce
taux est en baisse, au profit du mécénat de compétences qui se répand de
plus en plus dans les sociétés privées. Cette forme de collaboration
permet aux salariés d’une entreprise de consacrer plusieurs jours par an
à un projet d’intérêt général.
“En France, en 2016, 77 % des entreprises mécènes apportaient d’abord
des aides financières aux associations avec qui elles faisaient affaire…
Mais ce taux est en baisse !”
Selon ce même baromètre Admical/CSA, les entreprises indiquent même
vouloir construire des relations avec les acteurs du territoire avant de
valoriser leur réputation lorsqu’elles nouent des liens avec des
associations. De plus, les associations sont tout sauf passives dans
l’échange de compétences. “Les associations offrent ainsi des méthodes
de travail différentes, une compréhension des enjeux de demain, etc.”
indique Antoine Delaunay, animateur de la communauté Future of Waste. Ce
programme est issu de la collaboration entre Makesense, association qui
recherche des solutions locales à des enjeux sociétaux et
environnementaux en faisant collaborer citoyens et entrepreneurs, et Suez.
Les coopérations d’innovation sociétale
L’image d’Épinal des échanges entreprises-associations “a profondément
changé en dix ans”, selon Charles-Benoît Heidsieck, président et
fondateur du Rameau, observatoire national des enjeux de ces
partenariats. Le Rameau distingue quatre catégories : le mécénat,
l’innovation sociétale, la coopération économique et les pratiques
responsables. Comme on l’a vue, le mécénat ne consiste pas en un soutien
forcément financier. L’entreprise peut apporter des forces humaines,
matérielles ou logistiques, elle peut ainsi mobiliser ses salariés
autour d’une cause commune, et améliorer sa réputation.
Les coopérations d’innovation sociétale mettent l’accent sur la capacité
des associations à inventer des solutions pour répondre à des besoins,
notamment en faveur des publics fragiles. Les entreprises peuvent par
exemple mettre leur capacité d’industrialisation au service de
l’association pour l’aider à déployer à grande échelle une innovation
sociétale. C’est ainsi que l’association Crésus – dont la vocation est
d’accueillir, écouter et accompagner les ménages et entrepreneurs en
situation de surendettement – s’est associée à la Banque Postale en 2008
pour expérimenter une plateforme de prévention dont la vocation est
d’accueillir les ménages dès les premiers signes de fragilité, sur
prescription des banques, assurances et établissements financiers. “La
Banque Postale a été la première institution bancaire à orienter ses
clients fragiles et à mettre en œuvre un dispositif de prévention en
créant l’Appui – service dédié à cette clientèle – avec des résultats
exceptionnels en termes de rétablissement financier et social de ses
clients” indique le président de Crésus, Jean-Louis Kiehl. L’innovation
sociétale tient ici en ce que le partenariat est fondé sur l’expertise
de l’établissement financier pour détecter en amont les clients en
risque de malendettement et de surendettement, et sur l’expertise de
Crésus dans l’accompagnement de ces publics fragiles en aval. Ainsi, “la
plateforme a permis d’accompagner plus de 40 000 ménages et
entrepreneurs depuis sa création en 2008”. Une équipe interne est en
charge des relations partenariales chez Crésus, et la Banque Postale
apporte aussi des ressources humaines au projet. L’aspect financier est
géré par l’entreprise, et c’est donc l’association qui a développé la
plateforme.
Faire évoluer les pratiques entrepreneuriales
Lors d’une coopération économique entre une association et une société,
les deux vont s’unir pour proposer une offre commune. C’est typiquement
ce genre de partenariat qu’ont réalisé Makesense et Suez en lançant
Future of Waste. Ce projet consiste à mettre à disposition des outils
pour découvrir et accélérer les initiatives innovantes de gestion des
déchets et en faire émerger de nouvelles. Chaque année, les deux entités
se réunissent pour définir une thématique. “Cette année, nous
travaillons sur les déchets dans le tourisme et l’événementiel, explique
Antoine Delaunay. Et avec la communauté, nous avons décidé de monter une
boîte à outils pour faire que l’événementiel soit moins producteur de
déchets, et un Mooc pour former des gens qui travaillent dans le secteur
et qui ne connaissent pas trop les enjeux du tourisme durable.” Des
bénévoles et des entrepreneurs ont réfléchi ensemble à la forme que
cette boîte à outils prendra, les contenus à publier, les intervenants à
faire participer, etc. L’idée est vraiment que la société de gestion de
déchets mette la main à la pâte, et pas seulement à la poche. Pour
preuve, Suez finance le coût de fonctionnement du programme pas
seulement via sa branche communication, mais aussi par sa branche
métiers, et apporte également des savoir-faire techniques ou sectoriels
ainsi que l’accès à des matières premières (du bois pour des
constructions par exemple). De son côté, Makesense réalise un travail de
sourcing permettant à Suez de mieux appréhender les enjeux de demain et
propose de nouvelles méthodes de travail.
“Lorsque c’est l’association qui vient faire changer les pratiques d’une
entreprise, on parle d’un partenariat de pratiques responsables”
Enfin, lorsque c’est l’association qui vient faire changer les pratiques
d’une entreprise, on parle d’un partenariat de pratiques responsables.
En fonction de son domaine de compétence (environnement, handicap,
insertion, etc.), l’association aide son partenaire à conduire les
changements nécessaires à le rendre plus attentif à la problématique
traitée. “Il peut s’agir par exemple de ses approvisionnements en biens
ou en services – on parle alors notamment d’achats responsables –, ou
bien des processus par lesquels l’entreprise va concevoir et fabriquer
ses produits ou délivrer ses services – on touche alors notamment à des
questions d’organisation du travail, détaille Vincent Blanchard,
responsable du Labo des partenariats Poitou-Charentes. Notre capacité à
réaliser la mise en relation entre entreprises et associations repose
sur une bonne compréhension des enjeux stratégiques et RSE des
entreprises. Celle-ci s’est construite à la fois sur un socle de
connaissance théorique de référence (la norme ISO 26 000) et sur
l’implication dans les réseaux professionnels qui favorisent le partage
d’expériences. Il s’agit aussi d’identifier les acteurs de l’économie
sociale et solidaire (ESS) susceptibles d’y répondre sur notre
territoire… mais aussi au-delà !”
Tout est détail
Bien sûr, il existe autant de formes de co-construction qu’il existe de
partenariats. Le Rameau en recensait plus d’un million en 2015.
L’important est de bien définir les objectifs communs à chaque entité en
début de collaboration (voir encadré). Car s’entendre avec un acteur qui
n’a pas du tout les mêmes priorités que soi n’est pas sans risque
évidemment. D’un côté comme de l’autre, l’image extérieure est
importante. Une entreprise s’associant à une association qui se retrouve
empêtrée dans un scandale sera forcément impactée. Et vice versa. C’est
pourquoi des associations élaborent une charte éthique pour éviter le
conflit d’image avec certains secteurs opposés à leurs valeurs
(nucléaire, armement, tabac, jeux, etc.).
Il faut également veiller à ce que les salariés et bénévoles des deux
entités soient d’accords avec cette co-construction. Côté entreprise,
elle doit apporter une valeur en interne, pour justifier d’un
investissement qui aurait pu être effectué directement dans
l’entreprise. Côté association, il s’agit de maintenir l’engagement des
personnes impliquées jusqu’à la fin du partenariat.
“L’important est de bien définir les objectifs communs à chaque entité
en début de collaboration”
D’un point de vue juridique, le risque majeur des organisations à but
non lucratif est de voir requalifiée une action de mécénat en prestation
de services. En effet, si l’action menée par l’association dans le cadre
du partenariat se rapproche trop d’une prestation de services, elle peut
alors être contrainte de revoir ses conditions d’engagement. Les risques
juridiques concernent aussi les entreprises, puisqu’elles peuvent se
retrouver en situation de gestion de fait de l’association si leur
investissement dans le budget de l’association est trop significatif par
exemple.
Le cadre légal d’un partenariat
Pour formaliser une collaboration entre une entreprise et une
association, les deux parties doivent signer une convention de
partenariat qui va délimiter clairement les engagements de chacun et
obliger à les respecter. Ce contrat assure en plus que le partenariat
tiendra dans le temps délimité par la convention, même si l’équipe de
l’entreprise ou de l’association change.
Afin d’être pleinement conscient des termes de cette convention, il est
préférable de la rédiger avec son partenaire. Mais pour Charles-Benoît
Heidsieck, du Rameau, il faut savoir faire preuve de souplesse :
“l’objectif doit être clairement affiché, mais le chemin est souvent
impossible à décrire avec précision. Il ne peut donc s’agir d’un
‘contrat-échange’ où tout le processus est préalablement défini, mais
bien d’un ‘contrat-alliance’, où les partenaires acceptent de se laisser
guider par ce que leur action commune leur permettra de découvrir ensemble”.
Dans le détail, le premier article de la convention doit répondre à deux
questions, sans trop de précisions : qu’est-ce que chaque partie
s’engage à faire pour l’autre et quelles sont ses motivations ? Les
autres articles présenteront ensuite les éléments de la convention. Le
nombre de points n’est pas limité, il dépend de la complexité du
partenariat. L’important est que la convention soit la plus explicite
possible. Et que l’objectif commun soit clair pour chacun. “Le projet
associatif c’est notre boussole, c’est le ciment du partenariat”,
insiste Antoine Delaunay, animateur de la communauté Future of Waste.
Enfin, les derniers points doivent développer les modalités de cessation
de la convention. Sa durée bien entendu, les conditions de son
renouvellement, mais aussi sur la possibilité de la modifier en cours de
route (par avenant). Enfin, quelques articles précisant dans quels cas
la convention peut être résiliée unilatéralement après mise en demeure
restée sans effet et sur les conditions de résolution du litige sont à
prévoir. Et comme tout est détail, pensez à ajouter la mention “lu et
approuvé” en fin de contrat et à numéroter les pages.
De nouveaux enjeux qui créent de nouveaux métiers
C’est à l’occasion du bilan de son premier plan quinquennal (2008-2012)
que l’Observatoire des partenariats du Rameau – association d’aide à la
création de projets de co-construction – s’est rendu compte que ces
nouveaux modes d’échange entre entreprises et associations engendraient
des besoins en compétences, indispensables pour leur bon fonctionnement.
De nouveaux métiers sont donc nés de ce mouvement de co-construction. Le
Rameau en perçoit trois.
Le plus évident est celui de directeur des partenariats au sein des
entreprises et des associations, qui va être en charge du bon
déroulement du ou des projets en cours. Mais surtout qui a un rôle
stratégique voire politique dans les échanges avec les parties prenantes
(dont les pouvoirs publics, consultants, etc.).
Ces échanges peuvent être accompagnés par un médiateur. Il va essayer de
répondre à toutes les incompréhensions de chaque acteur en essayant de
leur faire faire des concessions respectant leur propre logique de
fonctionnement.
Enfin, les catalyseurs territoriaux vont jouer un rôle d’animateur de
l’écosystème entourant le projet. C’est le métier de Vincent Blanchard,
responsable du Labo des partenariats Poitou-Charentes, depuis six ans.
Selon lui, ils ne sont qu’entre 50 et 100 à exercer ce métier, qu’il
décompose en trois missions. D’une part, l’animation du territoire.
“Elle consiste à sensibiliser les acteurs des différents univers
(entreprises, associations, collectivités) par le biais d’ateliers ou de
conférences. Elle nécessite en parallèle un travail de veille et de
réseautage pour détecter et valoriser les bonnes pratiques.” D’autre
part, le catalyseur accompagne les organisations en amont, pendant et/ou
en aval de leur partenariat. “En amont, mon rôle consiste à les aider à
construire une stratégie de partenariat cohérente au regard de leurs
enjeux.” Ensuite, le catalyseur essaie de tout faire pour faciliter le
cadrage et le déroulement du partenariat. “J’interviens pour évaluer les
résultats du partenariat (une étape indispensable), de sorte à envisager
la suite (la pérennisation ou l’essaimage du projet).” Troisième mission
: l’accompagnement des expérimentations collectives. C’est-à-dire
réunir des acteurs différents pour développer des innovations
sociétales. Vincent Blanchard prend ici l’exemple de Silver Geek,
association portée par un collectif réunissant une dizaine d’acteurs
dont Orange, la Macif, Unis Cité, Futurolan, etc. Entreprises et
associations se sont alliées pour favoriser les liens
intergénérationnels avec le numérique.
Hausse des sommes investies dans les projets associatifs
Les entreprises ont consacré 3,5 MdsE au mécénat en 2015 (+25 % en 2 ans).
1,2 million de partenariats en France, dont 43 % par les TPE et 57 % par
des entreprises de plus de 10 salariés.
Sur les 37 % d’entreprises françaises qui pratiquent le partenariat, la
nature des engagements est de 30 % pour le mécénat, 42 % pour les
pratiques responsables, 25 % pour la coopération économique et 16 % pour
les partenariats d’innovation sociétale.
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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