[Infoligue] La directive Travel va-t-elle tuer les jolies colonies de vacances ?

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Lun 14 Mai 11:14:59 CEST 2018


  La directive Travel va-t-elle tuer les jolies colonies de vacances ?

Publié par : https://www.caissedesdepotsdesterritoires.fr
Le : 09/05/2018
Par : Jean-Noël Escudié / P2C

******************

La directive européenne Travel entrera en vigueur le 1er juillet. Visant 
initialement à protéger les touristes européens contre les défaillances 
d'organisateurs de voyages et de séjours touristiques, sa mise en oeuvre 
présente des effets collatéraux sur les accueils collectifs de mineurs 
(ACM) à caractère éducatif.

Adoptée le 25 novembre 2015, la directive Travel - ou plus précisément 
la directive 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil relative aux 
voyages à forfait et aux prestations de voyage liées - entrera en 
vigueur le 1er juillet prochain. Alors que le ministère de l'Education 
nationale lance une nouvelle campagne nationale de promotion des 
colonies de vacances (voir encadré ci-dessous), cette perspective 
inquiète les organisateurs de camps et colonies de vacances et, plus 
largement, de tous les accueils collectifs de mineurs (ACM) à caractère 
éducatif, ainsi que ceux gérant des villages de vacances ou des maisons 
familiales agréées. Faute de dérogation, ces organisateurs 
(associations, communes, comités d'entreprise, mouvements de 
scoutisme...) pourraient en effet se trouver soumis aux mêmes 
obligations que les sociétés privées organisatrices de séjours touristiques.

Une directive qui ne change pas grand-chose en France, sauf pour les ACM

La directive Travel entend protéger les touristes européens contre 
d'éventuels abus ou défaillances d'organisateurs de voyages et de 
séjours touristiques, notamment en matière d'informations 
précontractuelles et contractuelles. En France, qui était déjà l'un des 
rares pays (avec le Portugal et le Danemark) à pratiquer, depuis 1992, 
la responsabilité de plein droit des organisateurs, la mise en œuvre de 
la directive ne devrait pas changer grand-chose. Les opérateurs français 
en attendent même un bénéfice en termes d'égalité de traitement avec 
leurs concurrents étrangers.
Mais il n'en va pas de même pour les ACM. Jusqu'à présent en effet, les 
organisateurs d'ACM sans but lucratif bénéficiaient, pour les séjours 
organisés sur le territoire français, d'une dérogation à l'obligation de 
s'immatriculer et à celle de justifier d'une garantie financière. Mais 
les textes transposant la directive européenne en droit interne - 
l'ordonnance 2017-1717 du 20 décembre 2017 et le décret 2017-1871 du 29 
décembre 2017 - ont supprimé ces dérogations. A compter du 1er juillet 
prochain, les organisateurs d'ACM seront donc dans l'obligation de se 
soumettre à une immatriculation "tourisme" (auprès d'Atout France) et de 
justifier d'une garantie financière affectée au remboursement des fonds 
versés par le client et couvrant les frais de rapatriement si nécessaire.

L'ordonnance prévoit seulement une dérogation limitée aux personnes qui 
ne proposent des forfaits, des services de voyage ou ne facilitent la 
conclusion de prestations de voyage liées "qu'à titre occasionnel, dans 
un but non lucratif et pour un groupe limité de voyageurs uniquement".

Pas d'échappatoire ?

Dans une question écrite du 15 mars 2018, Denise Saint-Pé, sénatrice 
(Union Centriste) des Pyrénées-Atlantiques attirait l'attention sur 
cette situation. Elle faisait notamment valoir l'inutilité de 
l'extension de la directive aux organisateurs d'ACM, dans la mesure où 
"l'Etat apporte d'ores et déjà, dans le cadre de la réglementation ACM, 
une protection aux familles et une garantie de la qualité des activités 
et prestations proposées". Outre le contrôle de l'Etat sur ces 
organismes, l'article L.227-11 du Code de l'action sociale et des 
familles prévoit déjà, dans l'hypothèse d'un rapatriement de mineurs en 
cas de difficultés lors d'un séjour, que le préfet de département 
"prend, avec la personne responsable de l'accueil, les mesures 
nécessaires en vue de pourvoir au retour des mineurs dans leur famille".

Dans sa réponse, le ministre de l'Economie et des Finances rejette toute 
responsabilité dans cette situation et renvoie la balle au "texte de la 
directive et l'interprétation de la Commission européenne [qui] ne 
permettaient pas, lors du processus de transposition, de ménager une 
dérogation plus large". Ainsi, selon son article 2.2.b, "la présente 
directive ne s'applique pas [...] aux forfaits proposés et aux 
prestations de voyage liées facilitées, à titre occasionnel et dans un 
but non lucratif et à un groupe limité de voyageurs". D'après la réponse 
ministérielle, l'impossibilité de maintenir l'ancienne dérogation "a été 
confirmée par la Commission européenne lors des ateliers de 
transposition" organisés à Bruxelles.

Des solutions pour limiter le coût de la mesure

Il reste néanmoins une petite ouverture, mais qui pourrait se révéler 
source de contentieux. En effet, le ministre de l'Economie estime que, 
"selon l'interprétation de la Commission", "il appartient [...] aux 
organismes d'apprécier au cas par cas, en fonction de l'activité 
envisagée, leur situation au regard des nouveaux critères de dérogation".

Le ministre veut aussi rassurer les organisateurs d'ACM qui choisiraient 
de jouer le jeu de la directive. Il utilise pour cela différents 
arguments. Tout d'abord, plusieurs organismes accueillant des mineurs se 
sont d'ores et déjà immatriculés : Eclaireuses et éclaireurs de France, 
Fédération française d'éducation physique et gymnastique volontaire, 
Ligue de l'enseignement... Ensuite, "il existe des solutions pour que le 
coût de l'immatriculation et de la garantie financière ne soient pas 
prohibitifs". Si le coût de l'immatriculation est effectivement modeste 
(100 euros pour trois ans), il faudra néanmoins se tourner vers les 
banques ou les compagnies d'assurance pour la garantie financière, ou 
vers les deux garants associatifs spécifiques au secteur du tourisme : 
l'Union nationale des associations de tourisme et de plein air (Unat) et 
l'Association professionnelle de solidarité du tourisme (APST). Enfin, 
"les associations et organismes sans but lucratif gardent une 
possibilité intéressante, celle de s'abriter derrière la garantie d'une 
fédération ou union immatriculée", une solution qui ne convient pas 
forcément à des associations soucieuses de leur indépendance...

Dernière piste avant les vacances : sollicité par les associations, le 
cabinet du Premier indique travailler à des solutions juridiques 
permettant de sortir de l'impasse.

Références : Directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du 
Conseil du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux 
prestations de voyage liées, modifiant le règlement (CE) n°2006/2004 et 
la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant 
la directive 90/314/CEE du Conseil ; ordonnance n°2017-1717 du 20 
décembre 2017 portant transposition de la directive (UE) 2015/2302 du 
Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relative aux 
voyages à forfait et aux prestations de voyage liées (Journal officiel 
du 21 décembre 2017) ; décret n°2017-1871 du 29 décembre 2017 pris pour 
l'application de l'ordonnance n°2017-1717 du 20 décembre 2017 portant 
transposition de la directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du 
Conseil du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux 
prestations de voyage liées (Journal officiel du 31 décembre 2017).

  ******************

Une nouvelle campagne de promotion des colonies de vacances

Le 8 mai, le ministère de l'Education nationale a lancé, pour la 
quatrième année consécutive, une campagne de promotion des colonies de 
vacances. Elle s'appuie sur un jeu concours intitulé #ànouslacolo et 
s'adressant aux jeunes de 13 à 17 ans. Les objectifs sont de donner 
envie aux adolescents "de vivre cette expérience des colonies de 
vacances", mais aussi de "rassurer les parents sur le fait que les 
services de l’Etat sont mobilisés pour assurer le bon déroulement des 
colonies, veillant au respect des normes sanitaires et de sécurité ainsi 
qu’à la protection des mineurs".
Le jeu consiste, pour gagner l'un des dix séjours #Youtubers !, à poster 
sur les réseaux sociaux la photo de leur objet fétiche, "celui sans 
lequel ils ne partiraient pas en colonies de vacances", en mentionnant 
simplement le hashtag de l’opération #ànouslacolo.
Le dossier qui accompagne le lancement de cette campagne rappelle au 
passage l'importance du rôle social et éducatif des colonies de 
vacances. Développant "l'offre de loisirs à l'attention de ceux qui ne 
partent pas en vacances", elles ont accueilli l'an dernier 1,2 million 
d'enfants dans 39.000 séjours. Un message subliminal pour appeler à 
préserver une dimension importante du tourisme social.

-- 

-----------------------
Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
-----------------------
Nos sites :
http://www.laligue-alpesdusud.org
http://www.laligue-alpesdusud.org/associatifs_leblog
-----------------------





Plus d'informations sur la liste de diffusion Infoligue