[Infoligue] Les associations face à l’instabilité des financements
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Mer 21 Nov 10:19:55 CET 2018
Les associations face à l’instabilité des financements
Publié par : Alternatives Economiques
Le : 01 novembre 2018
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Baisse des subventions publiques et des dons, réduction des emplois
aidés... Le secteur associatif connaît de réelles difficultés.
Les temps sont durs pour les associations. Les financements publics qui
leur sont destinés sont à la fois en baisse et plus instables, alors que
les besoins sociaux auxquels elles répondent, dans le secteur sanitaire
et social, la formation, la culture, le sport ou l’éducation populaire,
ne cessent d’augmenter. Ces difficultés ne sont pas nouvelles, mais
tendent à s’aggraver. Patrick Doutreligne, président de l’Union
nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés non lucratifs
sanitaires et sociaux (Uniopss), constate ainsi un "effet domino" : les
moindres subventions de l’Etat se conjuguent avec les effets induits par
la baisse de ses dotations aux collectivités territoriales, qui
financent elles aussi le monde associatif. Ajoutons à cela la réduction
brutale du nombre de contrats aidés décidée l’an passé et on comprendra
que le secteur traverse de réelles difficultés.
Mise en concurrence
En pratique, sont d’abord concernées les associations employeuses, soit
163 000 structures sur le 1,3 million d’associations dénombrées en
France, rappelle Frédérique Pfrunder, déléguée générale du Mouvement
associatif. Ces structures emploient des salariés pour assurer leurs
missions, tout en bénéficiant très souvent de l’apport de bénévoles qui
s’investissent dans leur projet, comme l’illustrent la Croix-Rouge,
Solidarités nouvelles pour le logement ou encore La Cimade pour
l’accueil des réfugiés. Côté financement, moins de la moitié des
ressources provient désormais de fonds publics, le reste étant constitué
de la vente de services et, marginalement, du mécénat et des adhésions.
Cette répartition varie cependant fortement. Certaines associations sont
intégralement financées sur fonds publics en raison des missions de
service public qu’elles assurent (aide sociale à l’enfance, par
exemple). D’autres vivent de financements issus de la protection sociale
(tarifs des établissements médico-sociaux). D’autres, enfin, vivent
essentiellement de la vente de biens et services (associations
sportives, culturelles, tourisme social...), ce qui ne leur interdit pas
de recevoir des subventions quand elles offrent, par exemple, leurs
services à des publics non solvables.
Dans ce contexte, les associations qui disposent d’importantes
ressources privées s’en tirent mieux. Bob Wancier, trésorier des Restos
du coeur, financés à près de 60 % par des structures ou personnes
privées, se réjouit ainsi "de ne pas être en situation de dépendance".
Pour autant, les dons et le mécénat privé sont, eux aussi, orientés à la
baisse, constate Françoise Bernon, déléguée générale du Labo de
l’économie sociale et solidaire (ESS), en raison notamment de la
suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune et de son
remplacement par l’impôt sur la fortune immobilière, à l’assiette plus
étroite1.
La baisse des contrats aidés, pour sa part, a surtout touché les plus
petites structures, conduisant certaines d’entre elles à mettre la clef
sous la porte. Les parcours emploi compétences (PEC), qui s’y
substituent, paraissent "peu adaptés aux problèmes et aux moyens des
associations", constate Frédérique Pfrunder. Si le fait d’offrir un vrai
parcours de formation est louable, cette obligation va de pair avec une
baisse de la part du coût salarial prise en charge par la collectivité,
réduite à 50 %. Du coup, nombre d’associations renoncent à se porter
candidates. Résultat : les 100 000 postes prévus en 2019 (contre 200 000
en 2018) ne seront pas forcément tous pourvus.
Autre problème : le recours croissant aux appels d’offres par les
pouvoirs publics à la place de subventions directes. Une évolution qui
met "les acteurs en concurrence les uns avec les autres", constate
Françoise Bernon. Surtout, avec le recours aux appels d’offres, "ce sont
de plus en plus souvent les pouvoirs publics qui décident des missions
des associations", les réduisant ainsi au rôle de simples
sous-traitants. Or, l’intérêt de faire appel aux associations réside
d’abord dans leur connaissance du terrain, dans leur capacité à
identifier les besoins sociaux et à innover dans la manière d’y répondre.
Toutes ces difficultés frappent au premier chef le secteur social, mais
aussi la culture ou le sport. Dans l’aide à domicile, les associations
se retrouvent toujours davantage en concurrence avec le privé marchand,
"avec le risque que les services ne soient accessibles qu’aux personnes
solvables", constate Patrick Doutreligne. De fait, beaucoup de
structures ont déposé le bilan. Une évolution que confirme Hugues Vidor,
président de l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire
(Udes), qui observe que la baisse des financements publics se répercute
sur les aides sociales versées par les départements et la Caisse
d’allocations familiales (et notamment l’allocation personnalisée
d’autonomie).
Se positionner comme des entrepreneurs
"L’esprit du temps est de demander à chacun d’être des entrepreneurs et
non des assistés", rappelle Françoise Bernon, qui constate que les
entreprises du secteur privé lucratif bénéficient, quant à elles, de
larges aides fiscales. "Les pouvoirs publics partent du présupposé qu’il
est rentable de soutenir une structure capitalistique, alors que l’ESS
est toujours vue comme un coût", poursuit-elle. De fait, s’il existe des
dispositifs de soutien aux associations, les sommes en jeu se chiffrent
en millions, là où d’autres aides publiques se chiffrent en milliards.
Ainsi, 8 millions d’euros seulement sont alloués à la formation des
bénévoles. Quant au dispositif local d’accompagnement (DLA), porté par
l’Etat et la Caisse des dépôts (CDC), qui aide les petites associations
à se professionnaliser, il ne mobilisera que 10 millions d’euros en
2019. De quoi accompagner 4 000 structures, ce qui reste, là encore, "en
dessous des besoins", selon Frédérique Pfrunder. Et ce n’est pas le
maigre budget du Haut-Commissariat à l’économie sociale et solidaire et
à l’innovation sociale (20 millions d’euros dans le projet de budget
2019) qui changera la donne.
Toutes ces contraintes commencent à se lire dans les statistiques. Après
quatre années de croissance entre 2012 et 2016, l’emploi associatif a
baissé de 0,1 % en 20172, une évolution inquiétante s’agissant d’un
ensemble d’activités qui concourent de manière essentielle à notre
qualité de vie et à la cohésion sociale.
1. Une baisse d’impôt de 75 % des sommes versées dans la limite de 50
000 euros incitait en effet les personnes assujetties à l’ISF à faire
des dons aux associations d’utilité publique. Cela représentait 273
millions d’euros en 2017. Avec la réduction de son assiette en 2018, les
ressources des associations sont fragilisées.
2. Voir "La France associative en mouvement", Recherches & solidarité,
septembre 2018.
Article écrit par NAÏRI NAHAPÉTIAN ET PHILIPPE FRÉMEAUX paru le 01/11/2018
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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