[Interne] La saga de la Ligue
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Jeu 21 Avr 07:44:51 CEST 2016
La saga de la Ligue
Par Laurent Joffrin
Publié par : http://www.liberation.fr/
Le : 20 avril 2016
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Fondée en 1866, la Ligue de l’enseignement fête cette année ses 150 ans.
Peu connue, l’institution est pourtant présente partout dans notre
société : auberges de jeunesse, ciné-clubs et Bafa…
Il est des batailles moins connues qu’Austerlitz ou Waterloo, mais plus
importantes. Elles sont pacifiques, négligées, ignorées du public, mais
elles ont changé plus sûrement la vie de millions d’hommes et de femmes
que les combats les plus sanglants.
Ainsi celles livrées par une organisation vénérable, dont on ne parle
pas assez, la Ligue de l’enseignement, qui a combattu non les Prussiens
ou les Anglais, mais un ennemi bien plus redoutable : l’obscurantisme.
Son général en chef très civil, Jean Macé, est rarement cité dans les
livres d’histoire. Pourtant, il a plus influé sur le cours de l’histoire
de France que Ney, Davout ou Murat. C’est pour lui rendre justice - et à
la Ligue - que Jean-Michel Djian, journaliste et producteur à France
Culture, publie un texte alerte illustré de nombreux documents. Il
retrace une saga oubliée qui a pourtant contribué au premier chef à
façonner la France d’aujourd’hui.
Au lendemain de la victoire de Louis-Napoléon Bonaparte à l’élection
présidentielle, le 10 décembre 1848, un jeune bourgeois frotté d’idées
progressistes, disciple de Condorcet, de Saint-Simon et de Fourier, Jean
Macé, pressent que le neveu du grand empereur nourrit de noirs desseins
contre la République. A son niveau, avec ses moyens, il décide de lutter
pour les principes de 1789 que le futur «Napoléon le petit» se prépare à
étouffer. Il édite d’abord à ses frais une feuille de chou qu’il
distribue lui-même, dans une carriole, pour défendre les idées menacées.
Il devient journaliste dans un journal appelé la République, puis publie
une incongrue et désuète Prière socialiste pour les enfants.
Condamné à l’exil après le coup d’Etat du 2 décembre 1852, il se réfugie
en Alsace, où il rédige des manuels de vulgarisation scientifique et
institue une Société des bibliothèques communales du Haut-Rhin. Son
initiative fait florès dans tout le pays. Il a trouvé sa voie : répandre
partout le savoir émancipateur qui fournira à la République son socle
populaire, grâce au suffrage universel éclairé par la Raison. Le 25
octobre 1966, il publie dans l’Opinion nationale un appel court et clair
qui convie les citoyens à se mobiliser pour favoriser partout
l’instruction en «combattant l’ignorance». L’appel rencontre un grand
succès et, le 15 novembre suivant, il annonce la fondation de la Ligue
française de l’enseignement qui compte en quelques mois 5 000 membres,
parmi lesquels Jules Ferry, Jules Favre, Camille Flammarion ou
Charles-Augustin Sainte-Beuve. Macé est franc-maçon : son initiative a
d’autant plus de succès qu’elle est soutenue par les loges de France
soucieuses de faire pièce à l’influence de l’Eglise.
A la chute de l’Empire, en 1870, la Ligue de l’enseignement est une
organisation puissante, souvent pourchassée par les autorités, et qui
devient l’un des fers de lance du combat républicain. En plaidant avec
ferveur pour un enseignement «gratuit, laïque et obligatoire», elle
ouvre la voie à des réformes décisives. En 1872, la liste de ses
responsables parisiens est édifiante. On y lit les noms de Victor Hugo
(président), Emmanuel Arago, Paul Bert, Crémieux, Flammarion, Littré,
Schœlcher ou Marcellin Berthelot. Le combat est rude. Menacée dans sa
prédominance, l’Eglise catholique fait feu de tout bois pour réduire
l’influence de la Ligue. L’enjeu est crucial : le contrôle de la
jeunesse, la formation des esprits. On citera pour l’amusement cette
philippique de l’évêque de Metz contre l’émancipation des jeunes filles,
un des chevaux de bataille de la Ligue : «La décence chrétienne exige
que nous couvrions notre corps. […] Est-il bienséant qu’une femme prie
Dieu sans être voilée ?»
Avec les victoires des républicains aux élections, la Ligue voit ses
responsabilités décupler : elle est au pouvoir. Jules Ferry, membre
depuis vingt ans, domine le gouvernement et Ferdinand Buisson, lui aussi
militant, devient le tout-puissant directeur de l’enseignement primaire.
C’est ainsi que sont gagnées, avec l’aide du parti républicain
rassemblé, les batailles de l’école laïque, de la loi d’association ou
de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, rencontrant à chaque fois la
farouche hostilité des cléricaux, qui vouent à l’enfer et à
l’excommunication ceux qui s’avisent de parier sur le libre jugement
plutôt que sur le dogme divin. Jusqu’à aujourd’hui, la Ligue de
l’enseignement a combattu pour l’éducation populaire, les bibliothèques
de quartier, les ciné-clubs, le sport pour tous, l’aviation populaire ou
les auberges de jeunesse.
Encore aujourd’hui, malgré l’individualisme triomphant, elle revendique
quelque 2 millions de membres et continue d’exercer un magistère discret
mais puissant. Combats oubliés et précieux que Djian restitue avec
vivacité. Combats toujours actuels, tant les assauts des préjugés venant
de toutes les Eglises sont aussi pernicieux et inquiétants qu’il y a un
siècle et demi.
Laurent Joffrin
Jean-Michel Djian - L’Utopie citoyenne, une histoire républicaine de la
Ligue de l’enseignement La Découverte, livre illustré, 192 pp., 30 €.
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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