[Interne] Président de la République > Discours lors du 150e anniversaire de la Ligue de l’Enseignement

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Lun 27 Juin 09:23:06 CEST 2016


Président de la République > Discours lors du 150e anniversaire de la 
Ligue de l’Enseignement

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Le : 23 Juin 2016


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Strasbourg – Jeudi 23 juin 2016

Madame la ministre,

Monsieur le maire de Strasbourg,

Mesdames, Messieurs les parlementaires et élus,

Monsieur le président de cette Ligue de l’Enseignement aujourd’hui si 
bien représentée,

Monsieur le Secrétaire général,

Mesdames, Messieurs,

Je suis heureux d’être présent pour le 150e anniversaire de la Ligue. Je 
n’avais pas grand choix. Je ne pouvais pas être présent lors du 
centenaire et je craignais, malgré tout l’acharnement que je pourrais y 
mettre et sur le plan personnel et sur le plan politique, de ne pas 
pouvoir venir en cette qualité pour le bicentenaire. Donc il fallait que 
je saisisse cette occasion qui m’était donnée et je vous en remercie.

Vous avez décidé de venir à Strasbourg parce que vous avez le sens des 
coïncidences, non pas simplement parce que MACÉ était né en Alsace et 
qu’il avait voulu y trouver la forme de son engagement, mais parce que 
nous sommes confrontés aujourd’hui à une consultation au Royaume-Uni qui 
finalement, renvoie aux valeurs que nous devons porter ensemble en 
Europe. Et vous avez choisi Strasbourg parce que c’est une des capitales 
de l’Europe.

Je voulais venir aussi ici pour cet anniversaire pour saluer une grande 
institution, la Ligue de l’Enseignement. Une institution qui n’est pas 
de la République mais qui est pour la République, qui porte 
inlassablement deux valeurs essentielles depuis 150 ans : l’éducation, 
l’éducation pour tous et la laïcité partout. Ces passions – les vôtres à 
titre individuel, à titre collectif –, entretenues génération après 
génération, sont au cœur de vos engagements et elles n’ont rien perdu – 
vous l’avez souligné, Monsieur le président – de leur intensité et de 
leur actualité.

Au contraire, les épreuves que nous avons traversées depuis notamment le 
mois de janvier 2015 mais qui en fait, étaient aussi des répétitions, 
avec une ampleur plus grande, des drames qui avaient déjà frappé notre 
pays ou qui pouvaient aussi avoir frappé d’autres pays, oui, ces 
épreuves rendent ces valeurs, ces principes, ces engagements encore plus 
essentiels.

Comment faire pour permettre l’accès de tous au savoir quand l’ignorance 
conduit à l’intolérance ? Comment porter le combat pour l’émancipation 
entendue au sens de l’accomplissement, du dépassement et en aucune 
manière du repli personnel ? Comment faire pour que l’Education 
nationale puisse être accompagnée par l’éducation populaire et que la 
culture puisse être à la fois ce qui est enseigné et ce qui est pratiqué 
? Comment faire pour que chaque enfant, dans l’école et à côté de 
l’école, puisse devenir un citoyen ? Voilà ce qui a forgé votre combat 
depuis 150 ans et voilà pourquoi il est beaucoup attendu de vous 
aujourd’hui même.

Aujourd’hui même, où il serait tentant de penser qu’il n’y a plus de 
place pour l’action collective, qu’il est inutile de ramener aujourd’hui 
à la surface des valeurs qui seraient finalement partagées dans ses 
profondeurs par tous. Quelle erreur ! Les mots mêmes perdent leur sens 
tant qu’ils sont utilisés par d’autres pour les détourner. Donc, quand 
on parle de République, quand on parle d’éducation, quand on parle de 
laïcité, il faut non pas simplement se contenter de les énoncer mais de 
les traduire comme autant d’engagements qui doivent rassembler, mais qui 
doivent aussi permettre de distinguer car il est trop facile, trop 
commode de capturer les mots et d’en dénaturer le sens.

Les fondateurs de l’école républicaine avaient cette belle formule de 
rendre l’école à tous et pour tous. Vous et celles et ceux qui ont la 
responsabilité de l’Education nationale et à commencer par la ministre – 
mais je me suis engagé aussi pour ce quinquennat pour que la jeunesse 
puisse être la seule priorité qui convienne –, oui, nous avons une 
ambition aujourd’hui qui va au-delà de l’école pour tous mais qui est la 
réussite pour tous. Et vous devez et nous devons y contribuer chacun à 
notre place.

D’abord, il y a ce qui a été fait depuis 2012. La priorité qui a été 
donnée à l’école et d’abord au primaire. Aujourd’hui, c’est un lieu 
commun de penser qu’il vaut mieux mettre davantage de moyens là où 
l’instruction commence. Et je ne me plains pas que certains viennent 
vers cette évidence avec l’affirmation qu’ils ont toujours eue dans le 
débat public. Mais ce qui compte, c’est d’y mettre aussi les moyens.

Lorsque j’avais annoncé 60 000 postes pour l’Education nationale, les 
sceptiques – parce qu’il y en a beaucoup – pensaient que nous ne le 
ferions pas et puis d’autres pensaient que ce n’était même pas 
suffisant. Il en est aussi dans notre pays qui considèrent que nous 
faisons toujours trop peu quand eux voudraient ne rien faire. Donc nous 
avions considéré qu’il fallait mettre ces postes et qu’il fallait les 
mettre prioritairement dès l’école primaire. Mieux même, qu’il fallait 
favoriser l’accueil des élèves, - même de 3 ans - dans l’école et faire 
en sorte que la maternelle, cette grande aventure française – car c’est 
là qu’elle est née – puisse y trouver les moyens et les appuis nécessaires.

Nous voulions également que nous puissions parfois, dans certains 
établissements, mettre plus de professeurs que de classes et encore 
mieux accompagner les enfants les plus fragiles. Et puis il y a eu cette 
réforme des rythmes scolaires. C’était la première. La première n’est 
pas toujours la plus facile, la dernière non plus. Donc il faut s’y 
prendre en une fois et s’y tenir. Et d’ailleurs, si nous n’avions pas 
fait la réforme des rythmes scolaires, serait-il possible de la faire 
aujourd’hui ? Donc nous l’avions lancée dans l’esprit qu’il fallait deux 
conditions, au-delà de la mobilisation des enseignants et je veux ici 
leur rendre hommage.

La première condition, c’est qu’il fallait que les collectivités locales 
et notamment les communes – et je sais que cela a été difficile – 
puissent accompagner ce processus, puisqu’il s’agissait de permettre 
qu’il y ait une demi-journée de plus de travail pour les élèves mais 
aussi qu’il y ait davantage d’accompagnement et une modification donc de 
l’organisation et des horaires.

Les maires ont eu deux ans pour s’y préparer. Certains l’ont fait dès la 
première année, d’autres ont préféré attendre. L’Etat a dégagé les 
moyens et aujourd’hui, même s’il peut y avoir des difficultés ici ou là 
et je les connais, la réforme des rythmes scolaires a été entièrement 
appliquée. Et souvent, là où elle a été le plus intelligemment menée, 
c’est dans ce qu’on appelle la ruralité, où il y a eu une somme 
d’innovations pour permettre qu’il y ait justement cet accompagnement.

Mais il fallait une deuxième condition : il fallait qu’il puisse y avoir 
de grandes associations – et il n’y en avait pas forcément beaucoup – 
qui puissent proposer des activités périscolaires ou extrascolaires. Il 
fallait qu’il y ait cette expérience acquise parfois depuis près de 150 
ans pour que ces activités ne soient pas simplement une occupation mais 
véritablement une forme d’accomplissement et de découverte pour beaucoup 
d’enfants de ce que pouvaient être des pratiques culturelles ou 
sportives. Je veux ici vous rendre hommage et vous exprimer ma gratitude 
car c’est grâce notamment à la Ligue qu’il y a eu autant d’activités qui 
ont pu être proposées et qu’aujourd’hui, c’est une fierté que de savoir 
que tous les enfants de France, où qu’ils vivent, puissent avoir accès à 
des activités qui jusqu’à présent, ne leur étaient pas réservées.

Il y a eu un coût supplémentaire, oui. L’Etat a même sanctuarisé, 
pérennisé la dotation qui était réservée aux communes et c’était bien 
légitime. Mais il y a eu cette participation exceptionnelle – et encore 
aujourd’hui – qui justifie qu’il y ait des formations qui puissent être 
apportées et je sais que vous y contribuez aussi. Car il a été dit par 
le président que la Ligue de l’Enseignement avait considérablement 
changé, c’est devenu une entreprise. Une entreprise de l’économie 
sociale et solidaire mais une entreprise avec un certain nombre de 
missions qui sont accomplies, d’activités qui sont proposées, 
quelquefois de recettes qui sont également collectées pour mener à bien 
les activités qui sont les vôtres.

La deuxième réforme qui a été menée, c’est la réforme du collège. Depuis 
le milieu des années 1970 – et je sais qu’ici, nous avons cette 
expérience –, c’est-à-dire depuis que le collège unique a été introduit, 
la question de la démocratisation et de l’efficacité de cette structure 
du collège unique a toujours été discutée. Comment pouvait-on accueillir 
tous les élèves de manière indistincte ? Est-ce qu’il n’y avait pas un 
risque d’écraser un certain nombre de hiérarchies liées au mérite ? 
Est-ce qu’il n’y avait pas aussi la menace que les plus fragiles 
puissent être eux-mêmes, finalement, écrasés par ce système ? Il fallait 
tout simplement proposer des changements, faire en sorte que la 
pédagogie puisse également être adaptée, tenir compte des différences de 
niveau, accompagner encore davantage les élèves et accompagner la 
réforme du collège par une réforme des programmes.

C’est maintenant en cours d’application. À la rentrée 2016-2017, ce sera 
pleinement fait – je parle sous le contrôle de la ministre – mais ce 
sera fait – et là encore – grâce à l’effort de formation de beaucoup 
d’enseignants. Ce sera fait avec toutes les réticences qui s’attachent à 
toute réforme parce que chaque fois qu’un changement est proposé, ce qui 
est craint, c’est de perdre ce qui était. Comme il n’est pas sûr que ce 
sera forcément vécu comme un progrès, on s’attache à ce qui existe alors 
que si nous voulons permettre que l’école soit toujours à la hauteur de 
l’ambition que nous lui donnons, que nous avons pour elle, alors il faut 
mener ces changements, il faut associer le plus grand nombre.

Troisième élément de ce que nous avons fait pour l’école, c’est 
l’éducation prioritaire. Là aussi, c’était votre ambition, celle de vos 
fondateurs, celle que vous avez poursuivie inlassablement : la lutte 
contre les inégalités, contre l’échec scolaire, faire que les plus 
fragiles, les plus démunis, les moins dotés culturellement puissent 
avoir des chances – pas autant de chances mais au moins des chances – de 
pouvoir réussir leur vie.

L’éducation prioritaire est née dans les années 1980. Elle a connu là 
aussi bien des vicissitudes, des contestations, mais aussi des 
réussites. Si on ne dit pas les réussites, qui le fera à notre place ? 
Et si on ne dit pas les réussites, il y en aura dans le débat public qui 
diront : « Mais pourquoi consacrer plus de moyens dans certains 
établissements par rapport à d’autres ? Pourquoi faudrait-il qu’il y ait 
un encadrement plus élevé ? Pourquoi ne faudrait-il pas, au nom de 
l’égalité, que chacun soit traité de la même manière, surtout si l’on 
supprime les cartes scolaires ? »

Donc, à partir de là, il a fallu redonner son sens à l’éducation 
prioritaire, remettre des moyens et c’est ce qui a été engagé. Là aussi, 
l’éducation prioritaire ne peut aboutir au résultat que l’on souhaite 
que grâce à vous. Parce que vous allez aussi accompagner ce processus, 
comme pour le décrochage scolaire. C’était finalement ce qui était le 
plus douloureux pour nous tous, quelle que fût notre place dans le 
système politique, administratif ou éducatif. Comment imaginer que 150 
000 jeunes puissent sortir du système scolaire sans avoir la 
qualification, le diplôme qui leur permette à ce moment-là de saisir 
toutes les opportunités qui peuvent être celles de l’économie ou de la 
société ?

Nous en avons réduit le nombre : aujourd’hui – c’est déjà encore trop –, 
100 000 à 110 000 sont encore en décrochage et nous devrons aller encore 
plus loin parce que le décrochage, c’est un gâchis, un gâchis humain, un 
gâchis financier et qui va durer toute la vie parce qu’il y a des jeunes 
qui portent ce fardeau-là toute leur vie, à qui on fait sentir qu’ils 
n’ont pas suivi le bon parcours et à qui on ne donne pas une deuxième, 
une troisième chance. D’où d’ailleurs l’importance que j’attache à ce 
que peut être la formation tout au long de la vie. Ce que va être ce 
compte personnel d’activité pour celles et ceux qui seront salariés ou 
qui le sont déjà, pour avoir finalement les chances de se requalifier.

Puis, il fallait que les enseignants puissent être formés. Vous allez me 
dire qu’ils le sont, sortant de l’université, ayant passé les concours. 
Ils sont d’ailleurs parmi les plus brillants de nos étudiants sauf 
qu’avait été supprimée, la formation pour les enseignants. C’était 
d’ailleurs une drôle d’idée de penser que le métier d’enseignant était 
le seul qui ne devait pas être appris et qu’il suffisait d’avoir des 
connaissances, du savoir, de l’excellence – et ce qui était heureusement 
le cas. Donc, les écoles du professorat. Les écoles du professorat qui 
d’ailleurs ont obligé à ce que les postes créés ne soient pas 
immédiatement offerts aux élèves et donc que les recrutés ne soient pas 
immédiatement dans la classe. C’est d’ailleurs pour cela qu’avaient été 
supprimés les IUFM, pour que les enseignants qui venaient de passer le 
concours puissent être immédiatement devant la classe, ce qui permettait 
d’économiser des postes.

Alors nous y avons porté remède : écoles du professorat, nouvelles 
méthodes de pédagogie qui doivent être adaptées aussi à la situation que 
nous connaissons, donner aux enseignants qui vont affronter des 
situations parfois très difficiles les clés, les conditions pour 
parvenir à mener à bien leur enseignement. Je sais aussi que la Ligue 
est pleinement engagée dans cette belle bataille.

Alors les républicains du temps de Jean MACÉ, fondateur de la Ligue, 
avaient bien compris que si la charge de l’instruction relevait de 
l’Etat, cet Etat ne pouvait pas tout faire et qu’il était nécessaire 
qu’il y ait aussi des amis, des alliés de l’école, que l’école avait 
besoin de partenaires. Ces partenaires, quels sont-ils ? Les parents 
sans lesquels il serait difficile de travailler en toute confiance et 
qui sont les piliers nécessaires de l’éducation quand ils peuvent jouer 
effectivement ce rôle. Les collectivités locales. J’ai insisté à tous 
niveaux d’ailleurs sur leurs responsabilités. Et puis l’allié de 
l’école, ce sont les associations comme les vôtres et la vôtre vient au 
premier rang pour l’accompagnement éducatif.

La Ligue de l’Enseignement, pour ceux qui ne la connaissent pas – ici, 
il y en a peu – pourrait être une étrangeté. D’abord, la Ligue, même si 
c’est de l’histoire ancienne, mais pourquoi l’enseignement aurait besoin 
de se liguer ? Qu’est-ce que cela signifie ? Quel serait l’adversaire ? 
Comme vous l’avez très bien dit et le maire aussi, l’adversaire, c’est 
l’ignorance ; l’adversaire, c’est l’inégalité ; l’adversaire, c’est 
l’intolérance ; l’adversaire, ce sont aussi celles et ceux cachés ou pas 
qui veulent faire pression sur l’école. Donc l’école, l’instruction, 
l’éducation, le savoir doivent être défendus mais pas défendus de 
manière conservatrice, non pas engager une résistance seulement, - même 
si la résistance est un beau mot, - mais de façon à ce que les valeurs, 
les principes, les contenus puissent être véritablement portés ensemble.

C’est ce que vous avez voulu faire à travers la plus grande organisation 
culturelle française, la Ligue de l’Enseignement. Vous avez su bien 
vieillir parce que vous vous êtes rajeunis à chacune des étapes. Vous 
avez été capables donc de résister dans certaines périodes, de vous 
adapter dans d’autres, de proposer chaque fois que c’était possible et 
puis de vous dépasser et de prendre en compte les défis de nos sociétés 
et notamment de la société française.

La Ligue est un bel exemple d’engagement, un bel exemple d’exercice de 
la citoyenneté qui complète le travail de l’école. Vous vous êtes 
beaucoup mobilisés, parfois de manière discrète, parfois de manière plus 
directe. Mais souvent, toutes les associations que vous fédérez – les 
confédérations d’œuvres laïques, les cercles, les amicales, les 
coopératives – n’agissent pas à grand bruit, ne font pas la une des 
journaux, ne suscitent pas, j’espère aujourd’hui – mais ce sera à 
vérifier compte tenu de l’actualité –, mais ne suscitent pas toujours la 
tension médiatique parce que c’est un travail humble, c’est un travail 
souvent anonyme, c’est un travail efficace, c’est un travail qui réussit.

Puis il y a aussi la conscience civique qui, à un moment, devient le 
sujet, comme après les attentats du mois de janvier et du mois de 
novembre. Vers qui se tourne-t-on ? Vers l’Etat et c’est bien légitime, 
vers les élus et c’est leur rôle, vers les enseignants à qui on demande 
à ce moment-là de jouer un rôle qui est celui d’éducateur de la 
citoyenneté, d’éducateur civique. D’où l’importance que nous avons 
donnée à l’enseignement civique et moral et aussi ce que nous avons 
voulu mettre comme expression chaque fois qu’il y a des épreuves de 
manière à ce que les enseignants puissent être accompagnés, puissent 
parler, puissent parler à tous et puissent être compris. Et donc la 
conscience citoyenne et civique est devenue – mais elle n’avait jamais 
cessé d’être à la Ligue de l’Enseignement – l’élément principal, la 
dimension essentielle de l’action que nous avons à mener et c’est tout 
ce que vous avez dit sur la démocratie.

Je suis d’une génération où la démocratie ne se discutait pas, où nous 
considérions que la démocratie était l’acquis. L’acquis de ces épreuves 
et ces guerres terribles qui avaient fracassé le XXe siècle, que la 
démocratie était inéluctable, qu’elle était notre bien et que les pays 
qui n’étaient pas encore démocratiques étaient des pays qui, dans 
quelques années, le deviendraient nécessairement et le nôtre ne pouvait 
pas être, à un moment ou à un autre, suspect de manquer à la démocratie. 
Nous pensions que la démocratie ne cessait d’avancer.

Que découvre-t-on ? Des entraves, des menaces, des doutes. Il y en a 
même qui pensent que ce n’est plus forcément le système qui correspond 
le mieux à la participation. La démocratie, c’est bien sûr le suffrage 
universel et le vote, mais ce n’est pas que cela. S’il n’y a pas cela, 
c’est quand même un problème. Il faudrait le dire à ceux qui voudraient 
en faire l’impasse. Mais si, au nom simplement du suffrage universel, 
nous empêchons ou nous ignorons toutes les demandes, toutes les 
aspirations démocratiques, alors le risque est très sérieux.

Je parle au moment où se fait le vote britannique. Cette campagne qui a 
été menée avec des mots de haine, des mots de division, de séparation 
qui hélas, ont pu à un moment, produire un crime abominable dont a été 
victime une jeune députée. Nous voyons bien qu’il y a nécessité de faire 
en sorte d’enrichir, de vivifier la démocratie et c’est aussi ce que 
vous avez voulu engager.

Etre citoyen, c’est aussi être pleinement conscient que la laïcité est 
ce qui garantit le bon fonctionnement d’une société comme la nôtre. On 
attribue à Ferdinand BUISSON, grand pédagogue et président de la Ligue 
de l’Enseignement, l’invention du terme. Je ne sais pas, mais je crois 
qu’il y a largement contribué. La laïcité n’est pas simplement un grand 
combat qui a été mené à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle 
! La laïcité n’est pas figée dans son histoire. La laïcité, ce sont des 
règles, des principes, des pratiques qui s’enseignent, se transmettent 
et surtout s’appliquent. La laïcité signifie que chacun est libre de 
pratiquer la religion de son choix ou de n’en pratiquer aucune. La 
laïcité, c’est la liberté de conscience, principe posé par la 
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. La laïcité, c’est aussi 
la neutralité de l’Etat, qui ne se mêle donc pas de religion, qui 
n’impose aucune croyance, qui ne finance aucun culte et ces principes-là 
valent encore aujourd’hui, valent encore peut-être davantage aujourd’hui.

Mais la laïcité, ce sont aussi des droits, mais des obligations ! 
Liberté de conscience, c’est la reconnaissance du droit de chacun 
d’avoir une religion, mais aussi de ne pas en avoir. C’est pour cette 
raison que le législateur, au terme d’un long débat, a décidé, en 2004, 
d’interdire les signes religieux ostensibles à l’école. Non pas pour 
discriminer, non pas pour stigmatiser, mais pour protéger la liberté de 
tous, des enfants et des adolescents.

La diversité, c’est une richesse dans notre pays, et cette diversité est 
le produit de mouvements de populations, le produit de cultures 
multiples. La diversité, c’est ce qui a toujours fait le creuset de la 
France et notre pays doit en tirer tout l’avantage de cette diversité 
des parcours, des origines et des situations. Mais la diversité n’est 
pas une singularité qui voudrait que chacun cède à la tentation du repli 
sur soi, se coupe des autres, tende d’imposer ses choix à autrui et 
c’est là que « laïcité » protège autant qu’elle libère.

La laïcité protège, et l’école est bien sûr la première concernée. Elle 
doit rester un lieu de paix et de concorde. L’école est le lieu de la 
raison et de l’esprit critique, et c’est ce que la Charte de la laïcité, 
qui est désormais affichée dans tous les établissements scolaires, qui 
est commentée dans toutes les classes, qui est signée par tous les 
parents, veut signifier. C’était nécessaire que cette Charte de la 
laïcité puisse être pleinement promue dans l’école de la République.

De la même façon – et je l’ai souligné – l’enseignement moral et civique 
vise à transmettre des connaissances, des compétences, pour que les 
valeurs républicaines puissent être comprises et puissent ensuite unir 
tous les citoyens. La laïcité est aussi un outil d’émancipation et de 
rassemblement ; d’où le travail constant, - celui que vous faites, - de 
pédagogie, y compris pour bien comprendre le passé et aussi pour bien 
comprendre que c’est avec des règles que l’on peut préparer l’avenir. 
C’est la raison pour laquelle la laïcité doit être défendue pour ce 
qu’elle est, mais aussi doit être défendue par rapport aux récupérations 
qui la défigurent.

Depuis 2012, le gouvernement n’a cessé d’être vigilant sur le respect 
des valeurs de la République et aussi sur la maîtrise des débats qui, 
légitimement dans notre société, à un moment ou à un autre, s’imposent. 
C’est l’Observatoire de la Laïcité que Jean-Louis BIANCO préside, qui a 
apporté des données vérifiables, une réflexion utile sur des questions 
délicates. Ses préconisations sont le résultat d’une œuvre collective 
approfondie - je crois que vous y avez été associés, - et qui permet de 
régler un certain nombre de situations. Par exemple, c’est sur ses 
propositions que le ministre de l’Intérieur a mis en place des diplômes 
d’université pour former à la laïcité et au droit applicable les 
aumôniers de tous les cultes, les imams, au-delà même de l’apprentissage 
de la langue française. Je sais qu’à Strasbourg, il y a justement ces 
enseignements universitaires de haut niveau qui y sont dispensés.

De la même manière, la ministre de l’Education nationale a pu proposer 
un renforcement des contrôles et aujourd’hui, Najat VALLAUD-BELKACEM a 
raison de vouloir qu’il y ait eu – et vous l’avez souligné, Monsieur le 
président – un contrôle plus strict des enseignements hors contrat et de 
l’instruction à domicile. Là aussi, qu’il n’y ait pas de malentendus, il 
ne s’agit pas d’empêcher. Il ne s’agit pas, là encore, d’interdire a 
priori. Il s’agit de faire en sorte que des vérifications puissent être 
faites et que ce soit l’intérêt de l’enfant qui puisse être préservé. Il 
ne s’agit pas du tout de rallumer je ne sais quel conflit. Il s’agit 
d’établissements hors contrat et aussi de ce qui se fait à domicile. Ce 
qui est une liberté que beaucoup ignorent, d’ailleurs, dans notre pays, 
que l’on peut satisfaire à l’obligation scolaire par l’instruction à 
domicile. Cela mérite donc vérifications et contrôles. Qui pourrait 
s’élever contre ce principe ? Là aussi, c’est sur proposition de 
l’Observatoire qu’il y a eu un guide complet du Bureau central des 
cultes, sur la gestion et le financement des lieux de culte – c’était 
nécessaire – pour les collectivités locales.

L’Observatoire de la Laïcité, c’est même aller jusqu’à parler du droit 
local et vous, vous y avez fait référence ; ce droit local que nous 
respectons, parce qu’il fait partie de l’Histoire. Et en même temps, il 
était là aussi légitime, que la ministre de l’Education nationale, avec 
les recteurs concernés, ouvrent cette discussion sur les heures et aussi 
sur les possibles volontés qui devraient s’exprimer. Cette concertation 
est en cours et je crois qu’il doit y avoir toujours, parce que c’est 
notre esprit, le consensus et des solutions intelligentes qui devront en 
sortir.

Mesdames et Messieurs,

Je l’ai dit, je viens à Strasbourg aujourd’hui devant la Ligue de 
l’Enseignement et c’est également une grande journée pour l’Europe. 
Parce que l’Europe, nécessairement, va changer. Quel que soit le vote 
des Britanniques. Les valeurs de la Ligue, qui sont celles de la 
République, sont aussi des valeurs universelles, des valeurs 
européennes. La Ligue de l’Enseignement s’est toujours engagée par 
rapport à ce que pouvait être une Europe de la paix, de la tolérance, de 
la coopération. Et l’Europe de la connaissance, vous y avez également 
contribué par toutes les alliances que vous avez nouées avec d’autres 
institutions. Parce que vous croyez – et moi aussi – à l’Europe de la 
culture, de l’enseignement supérieur, de la Recherche, de la connaissance.

C’est peut-être parce qu’on n’a pas donné suffisamment de priorité et de 
place que l’on peut avoir aujourd’hui ces réticences, ces doutes à 
l’égard du processus européen et cette tentation vers le repli national. 
Il y a pourtant tant d’équipes de chercheurs – j’ai pu le vérifier ici 
même à Strasbourg – qui se rassemblent dans le meilleur des esprits, qui 
obtiennent des financements européens et nous avons besoin de cette 
force de la connaissance si voulons, face à d’autres puissances, Chine, 
Amérique, être véritablement un continent qui sait être à l’avant-garde 
du progrès.

L’école aussi est la première concernée, parce que nous avons besoin 
qu’il y ait des échanges entre Européens. Là aussi, c’est peut-être 
parce qu’il n’y en a pas eu suffisamment que nous avons encore ces 
doutes et ces réticences ! Même si, quand je regarde les chiffres 
d’Erasmus, cela peut paraître impressionnant, trois millions de jeunes 
qui en ont bénéficié en trente ans. Oui, mais en trente ans. Et s’il y 
en a – et j’en suis très heureux – 35.000 Français qui vont vers les 
pays européens, grâce à ce programme et même si nous en avons ajouté 
autant – et c’était une grande avancée – pour les apprentis et ceux qui 
relèvent de l’enseignement professionnel, nous ne sommes encore, si je 
puis dire, qu’à peu près 70 000 ! Donc nous avons besoin de faire de 
cette question des échanges entre élèves, entre étudiants, la grande 
question de la construction européenne telle que nous voulons la revoir.

Aujourd’hui, face aux crises et aux épreuves – et cela en est une – il 
va falloir engager une relance de la construction européenne ; mais pas 
une relance de plus, pas un plan de plus. Savoir ce que vous nous 
voulons faire ensemble, quelle que soit la réponse des Britanniques. 
Bien sûr que je souhaite que demain matin, nous apprenions qu’ils sont 
restés dans l’Union européenne, parce que c’est leur place, parce que le 
Royaume-Uni est un pays européen par la géographie, par l’Histoire, par 
les valeurs que ce pays porte, par les liens que nous avons avec lui. 
Mais quelle que soit la réponse qui sera apportée, nous aurons besoin de 
définir clairement ce que nous voulons faire de l’Europe.

L’Europe d’abord, qui doit assurer sa protection, sa sécurité, sa 
défense et qui doit être capable, par rapport à ses frontières, de dire 
ce qui est possible, ce qui n’est pas possible, pour ne pas avoir à 
revivre ce que nous avons connu par rapport à la question des réfugiés. 
Une Europe qui doit être capable de définir son avenir industriel, 
technologique, universitaire, scientifique et cela doit être la deuxième 
grande priorité de l’Europe. Une Europe qui doit être capable d’avoir 
des institutions qui soient plus simples, plus rapides et qui permettent 
d’avoir des coopérations renforcées avec les pays qui voudront aller 
plus loin et de dire à ceux, notamment nos amis britanniques, qui ne 
veulent pas adhérer à tout ce que nous voulons faire, qu’ils n’empêchent 
pas les autres d’avancer. Une Europe qui doit également, sur la question 
de la jeunesse et donc de l’emploi, de la culture, des échanges, être 
beaucoup plus ambitieuse si nous voulons qu’elle puisse parler aux 
peuples. Et enfin une Europe qui doit avoir une politique extérieure. La 
France n’a rien à craindre de ce que l’Europe pourrait se faire avec elle.

Nous menons une politique extérieure et nous la voulons indépendante. 
Nous la voulons conforme à nos principes. Nous agissons dans le monde. 
Mais nous avons la volonté de le faire au nom de l’Europe. Nous voulons 
associer des pays européens à cette grande affaire de la régulation du 
monde. Régulation financière, régulation commerciale, mais également 
pour traiter du développement de la transition énergétique, du climat, 
bref de tout ce que beaucoup de pays émergents veulent voir dans la 
France et dans l’Europe. Je sais donc que vous serez dans ce combat-là 
et que l’Europe ne se fera simplement avec les Etats. Elle se fera avec 
les sociétés ou elle ne se fera pas.

C’est pourquoi j’ai été très sensible au fait que la Ligue de 
l’Enseignement se soit engagée comme elle l’a fait, pour porter des 
coopérations, pour participer à la grande ouverture au monde, pour 
chaque fois rechercher ce qui peut être une source de diversité, 
d’échanges et avec cette belle idée que vous portez, qui est l’idée du 
progrès. Parce que c’est cela, l’enjeu. Ce qui mine la confiance des 
peuples, c’est qu’ils pensent que le progrès s’est arrêté, qu’il n’est 
plus pour eux, mais pour une infime minorité, ou qu’il y a une 
redistribution à l’échelle du monde qui fait que ceux qui s’étaient 
développés plus vite que d’autres auraient maintenant à simplement 
laisser l’Histoire décider à leur place. Rien n’est plus faux. Un pays 
comme le nôtre et l’Europe, un continent qui ne sera pas le plus peuplé 
du monde a son message à livrer et surtout à dire à tous ces jeunes qui 
sont notre avenir, que le progrès est possible. Et c’est pourquoi je 
veux ici féliciter le secrétaire général, Monsieur ROIRANT, de votre 
Ligue de l’Enseignement parce qu’il a, avec l’autorisation de son 
président, fait en sorte – peut-être sans, d’ailleurs  – mais il a fait 
en sorte de participer à des forums européens, il siège lui-même au 
Conseil économique et social européen et c’était très important que 
votre institution puisse être justement dans l’ensemble du débat européen.

Aujourd’hui, la Ligue de l’Enseignement a 150 ans, a une belle 
expérience à livrer à l’Europe et au monde. La Ligue de l’Enseignement a 
rendu d’éminents services à la République. La Ligue de l’Enseignement a 
tout l’avenir devant elle. La Ligue de l’enseignement n’a aucun horizon 
temporel. La Ligue de l’Enseignement porte la belle idée que l’Humanité 
est finalement la seule cause qui vaille. Merci.

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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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