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Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Mar 15 Fév 14:58:04 CET 2011
La loi de 1905, difficile à interpréter et à appliquer
Publié par : LEMONDE
Le : 15.02.11
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"La République ne peut pas accepter qu'une religion investisse l'espace
public sans son autorisation, mais cela implique que la République
tienne aussi ses promesses en permettant que chacun puisse prier dans
des lieux dignes." En faisant cette déclaration, vendredi 7 janvier,
lors de ses voeux aux responsables religieux, le chef de l'Etat Nicolas
Sarkozy, a-t-il donné une indication de ses intentions ?
Faut-il lire là une éventuelle modification à venir de l'article 2 de la
loi de 1905. Un texte qui -précise que "la République ne reconnaît, ne
salarie ni ne subventionne aucun culte" et qui, plus généralement, régit
les relations entre les cultes et les pouvoirs publics. Reste à savoir
ce que sont les "promesses" de la République en la matière.
Un sujet sur lesquels les spécialistes de la laïcité et de la loi de
1905 eux-mêmes semblent partagés. Grand connaisseur de ces sujets, Jean
Baubérot décrypte : "La loi de 1905 suppose que la République" garantit
"l'exercice du culte. Si on considère l'esprit de la loi, on peut
estimer que cette garantie se doit d'être effective. Si l'on s'en tient
à la lettre, elle ne prévoit pas de constructions nouvelles."
L'historien Jean-Pierre Chantin estime de son côté que, sur ce dossier,
l'on "joue parfois sur les mots". "L'Etat garantit le libre exercice du
culte, cela ne veut pas dire qu'il doit financer des lieux de culte pour
ceux qui n'en ont pas, mais qu'il doit s'opposer à tout ce qui
empêcherait leur construction."
Emile Poulat, spécialiste de la loi, lui, va plus loin : "Comment
garantir la pratique d'un culte qui ne dispose pas d'édifices
nécessaires à cet exercice ? Même si cela paraît contradictoire avec
l'article 2 de la loi de 1905, il apparaît au fil de l'histoire que
lorsque l'on veut, on arrive toujours à concilier les deux aspects. Les
aménagements de la loi sont toujours allés dans le sens de
l'assouplissement et du consensus." "Le problème aujourd'hui est que les
politiques n'ont pas encore pris le sujet à bras-le-corps et que l'on se
débat donc dans la confusion et les polémiques", ajoute-t-il. D'autant
que la question se pose principalement pour les cultes musulman et
évangélique, rompant avec une forme de catho-laïcité inscrite dans
l'histoire française.
Plus que centenaire, la loi de 1905 correspond à une période, qui n'a
plus grand-chose à voir avec la situation actuelle. "La société était
alors majoritairement catholique et l'on s'attendait davantage à un
déclin des religions qu'à l'émergence de nouveaux besoins", rappelle M.
Poulat.
"En outre, souligne Jean Baubérot, dès l'origine le principe de
non-subvention n'a pas été absolu : il a été entamé par la création et
le financement des aumôneries", prévues dans les lieux où les -fidèles
ne peuvent se rendre au culte : hôpitaux, prisons, armées,
établissements scolaires.
"Il faut aussi noter que la loi de 1905 et son interprétation ont
toujours été très libérales pour les religions qui existaient à
l'époque", souligne M. Baubérot. Aujourd'hui le sujet demeure d'une
extrême sensibilité ; modifier aussi légèrement que ce soit la loi de
1905 risque d'ouvrir une "boîte de Pandore", entend-on à droite comme à
gauche. En outre, les responsables musulmans font volontiers part de
leurs réticences à voir leurs mosquées financées par les pouvoirs
publics, au risque de se voir imposer un imam ou un mode de gestion.
Laissés face à ces impératifs apparemment contradictoires, les élus
locaux y répondent tant bien que mal, au risque parfois d'être
poursuivis en justice. En 2005, en confiant à l'universitaire
Jean-Pierre Machelon la mission de travailler sur "les relations des
cultes avec les pouvoirs publics", Nicolas Sarkozy, ministre de
l'intérieur, ne cachait pas son désir d'actua-liser la loi de 1905 afin
d'accroître les possibilités d'intervention des collectivités locales
dans le financement des lieux de culte. Puis il y a renoncé, constatant
un "manque de consensus" sur le sujet.
Au début de son mandat présidentiel, consigne avait été donnée au
ministère de l'intérieur de réfléchir à une évolution des relations
entre la République et les cultes à "droit constant". La question
pourrait être à nouveau posée lors de la campagne présidentielle de 2012.
Stéphanie Le Bars
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Les subtilités de la loi 1905
Publié par : LEMONDE
Le : 15.02.11
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L'Etat et les collectivités locales sont propriétaires des lieux de
culte catholiques construits avant 1905, ce qui représente 90 % à 95 %
des cathédrales, églises et chapelles de France. La loi leur donne la
possibilité, et non l'obligation, d'engager les dépenses nécessaires
pour l'entretien et la conservation de ces édifices.
Première dérogation d'importance à la loi de 1905 : la construction de
la Mosquée de Paris en 1920 sur un terrain cédé par l'Etat, grâce à une
subvention votée par le Parlement.
Depuis les années 1930, dans la foulée des "chantiers du Cardinal", une
association créée pour construire et rénover les églises de la région
parisienne, la pratique des baux signés pour une longue période s'est
développée pour céder des terrains aux associations. Une possibilité
confirmée dans le code des propriétés des personnes publiques en 2006.
Certains plaident pour rendre possibles des baux avec option d'achat.
Dans les années 1960, un système de prêts bonifiés de la Caisse des
dépôts et consignations permet de construire des lieux de cultes
catholiques, protestants et israélites. Depuis 1961, départements et
communes peuvent garantir les emprunts contractés par les associations
cultuelles.
Les édifices cultuels sont exemptés de taxe foncière et de la taxe
d'habitation. Les dons et legs faits aux associations cultuelles ouvrent
droit à des déductions d'impôt. Les pouvoirs publics ont récemment fait
des recommandations visant à limiter le droit de préemption des
collectivités locales sur des terrains ou des bâtiments convoités par
des associations cultuelles.
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La marge est étroite pour les élus locaux, qui ne peuvent subventionner
les cultes mais doivent en garantir l'exercice
Publié par : LEMONDE
Le : 15.02.11
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Trois cas récents illustrent les subtilités, voire les difficultés,
auxquelles sont confrontés les élus locaux lorsqu'il s'agit de
construire de nouveaux lieux de culte. Entre le respect de la loi de
séparation des Eglises et de l'Etat de 1905, qui interdit de
subventionner les cultes et les besoins des croyants, à qui "la
République garantit l'exercice du culte", les élus utilisent les moyens
mis à leur disposition, choisissant parfois une interprétation assez
libérale de la loi.
Paris. Les musulmans du 18e arrondissement de Paris ont connu une
certaine notoriété après la récente dénonciation par la présidente du
Front national, Marine Le Pen, des prières de rue bloquant chaque
vendredi la circulation sur la voie publique dans ce quartier. Les élus
locaux ont rappelé à cette occasion le projet de la Mairie de Paris de
doter l'arrondissement d'un Institut des cultures d'islam (ICI), dans
lequel une vaste salle de prière de 1 000 m2 est prévue, afin de se
substituer aux lieux de prière exigus actuellement disponibles aux fidèles.
Initialement prévu pour ouvrir en 2012, le complexe qui s'étendra sur
plus de 4 000 m2 n'est pas encore sorti de terre. Au total, le projet,
pensé comme "une caisse de résonance de l'islam de France", selon ses
promoteurs, devrait coûter 22 millions d'euros, dont 5,9 millions pour
la partie cultuelle. Mais la Mairie entend rester dans les clous de la
loi de 1905.
Nommé à la tête de l'association porteuse du projet, Hakim El-Karoui,
cofondateur du Club XXIe siècle, est formel : "Il n'y aura pas un euro
d'argent public" dans la future mosquée. "Si l'association musulmane ne
parvient pas à racheter sa part ou ne prouve pas sa capacité d'achat, le
projet ne verra pas le jour." Le défi des prochains mois réside donc
dans la collecte des fonds privés pour venir en aide à l'association
musulmane du quartier, bien en peine de rassembler une telle somme.
Mais une question demeure : cet institut avec pignon sur rue
contribuera-t-il à la disparition de salles de prière du quartier
proches d'un islam ultra-conservateur ?
Epinay-sur-Seine. Le maire centriste d'Epinay-sur-Seine
(Seine-Saint-Denis) aurait-il dû -s'abstenir ? En décidant, en 2009, de
mettre gratuitement à -disposition un local à l'une des associations
musulmanes de la ville, l'élu a ouvert un délicat -dossier.
La ville a financé à hauteur de 2,8 millions d'euros la nouvelle
mosquée. "Il vaudrait mieux que les musulmans s'organisent seuls, même
si cela suscite parfois des inquiétudes sur l'origine des fonds. En
attendant, on les aide ; c'est du pragmatisme, et on ne peut pas dire
que l'on est à la limite de la loi de 1905", défend Hervé Chevreau, le
maire, qui assure mettre aussi des locaux à disposition d'une synagogue
tandis que les églises catholiques sont, par la loi, mises à la
disposition des paroisses.
Mais l'aspect financier s'est doublé à Epinay d'un problème de
gouvernance. En désaccord avec une partie de la communauté musulmane sur
la gestion de ce nouveau lieu de culte, le maire en a confié d'autorité
la gestion à la Grande Mosquée de Paris, "C'est une institution
reconnue", plaide le maire, même si elle n'a aucun relais direct sur la
ville. Une partie des fidèles s'est élevée contre cette décision. S'en
est suivie une crise qui fin 2010 a amené la mairie à fermer la mosquée
durant plusieurs semaines, provoquant des "prières de rue" devant la mairie.
"Ce sont des locaux 100 % municipaux, le maire a donc le droit d'en
confier la gestion à qui il veut. Quand ils pourront construire leur
lieu de culte, ils y mettront l'imam ou le gestionnaire de leur choix",
ajoute M. Chevreau. "Notre erreur a été d'accepter un lieu du culte
financé par la mairie", admettent aujourd'hui certains responsables
musulmans d'Epinay, qui souhaiteraient désormais le racheter.
Les Lilas. Le fait est rare et mérite explication. Le 30 janvier, la
municipalité (PS) des Lilas (Seine-Saint-Denis) a remis aux responsables
catholiques du diocèse les clés d'une église, entièrement payée par la
ville.
Alors que l'hypothèse de financer la construction de lieux de culte
musulman par des fonds publics se heurte au respect de la loi de 1905,
qui interdit de subventionner les cultes, le projet des Lilas est
conforme à cette même loi.
Le nouvel édifice cultuel, qui aura coûté 4,6 millions d'euros à la
mairie, a été construit pour se substituer à une église bâtie à la fin
du XIXe siècle et devenue vétuste. "L'ancienne église de la ville est un
bâtiment communal, au même titre qu'une école ou une crèche", explique
le maire des Lilas, Daniel Guiraud. "A ce titre, c'est à la ville de
veiller à son entretien et à la sécurité des personnes qui l'utilisent.
C'est un héritage de l'histoire et du droit." Or, selon la mairie, la
rénovation de l'église existante, la seule sur la commune, aurait coûté
plus cher que la construction d'une nouvelle.
La loi de 1905 a donné un droit de propriété à l'Etat, aux départements
et aux communes sur les édifices cultuels qui leur appartenaient avant
1905, et notamment les églises catholiques. Les autres cultes ont
accepté de se constituer en associations cultuelles ; leurs bâtiments
ont donc été mis à leur disposition, à charge pour eux d'en assurer les
réparations. La religion catholique a refusé cette option mais les
collectivités publiques ont néanmoins mis gratuitement les églises à la
disposition de l'institution.
La loi du 13 avril 1908 a ensuite permis à l'Etat, aux départements et
aux communes d'engager les dépenses nécessaires à l'entretien et à la
réparation des édifices du culte dont ils sont propriétaires.
En 1942, un alinéa ajouté à la loi de 1905 a précisé que ces sommes
n'étaient pas considérées comme des subventions.
Stéphanie Le Bars
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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