[Laicite-info] Le retour à une "laïcité normale" ?
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Lun 21 Mai 09:00:05 CEST 2012
Le retour à une "laïcité normale" ?
Publié par : LE MONDE
Le : 18.05.2012
Par Stéphanie Le Bars, service Société
*****************
Sur les questions religieuses, François Hollande a choisi son camp.
Durant la campagne électorale, tout au moins. Dès son discours du
Bourget, le 22 janvier, le futur président de la République a donné le
ton, rassurant le camp laïque, en annonçant son intention d'inscrire les
deux premiers articles de la loi de 1905 relative à la séparation des
Eglises et de l'Etat dans la Constitution, pour renforcer "une laïcité
qui libère et protège".
Dans les semaines qui ont suivi, M. Hollande a multiplié les gages aux
tenants d'une laïcité stricte. Sa promesse de réécrire la loi Carle sur
le financement des écoles privées par les communes, sa reprise de thèmes
tels que "le halal dans les cantines et leshoraires de piscine pour les
femmes", lors du débat entre les deux tours, ont suscité chez les
responsables des cultes et les partisans d'une laïcité plus ouverte un
scepticisme teinté d'inquiétude.
On connaît le parcours religieux personnel du nouveau président, qui fut
élevé dans la religion catholique avant de cheminer vers l'athéisme ; on
connaît ses déclarations de principe. "Présider la République, c'est
être viscéralement attaché à la laïcité", a-t-il rappelé en janvier. M.
Hollande a précisé son échelle de valeurs : "La démocratie sera plus
forte que les marchés, plus forte que l'argent, plus forte que les
croyances,plus forte que les religions !""Les religions doivent rester à
leur place, indiquait-il aussi dans La Vie en décembre 2011. Le respect
de la liberté de conscience contribue au vivre-ensemble. En revanche,
quand les expressions religieuses tentent d'investir l'espace public, le
risque existe du différentialisme."
Plus clairement encore, le 29 avril à Bercy, M. Hollande demandait aux
religions - qu'il "ne juge pas" - "le respect de l'espace public et de
la dignité humaine, de l'égalité entre les femmes et les hommes". "Je
laisse les religions tranquilles, a-t-il affirmé, car je ne voudrais pas
qu'elles interfèrent dans le débat public."
Au-delà de ses déclarations, on sait moins le type de relations que le
président de la République entend mener avec les cultes. On le dit,
jusque dans son entourage, relativement indifférent à ces questions. Un
désintérêt doublé d'une certaine méconnaissance de ces sujets. Pierre
Moscovici, alors directeur de campagne, nous assurait, en février, que
M. Hollande se montrera "pragmatique, peu désireux d'ouvrir des
contentieux, très laïque mais capable d'évaluer des situations complexes".
Autour du président gravitent des personnalités aux lignes diverses.
D'un côté, Manuel Valls, le nouveau ministre de l'intérieur chargé des
cultes, défend une "laïcité exigeante", qui, sans être "fermée au
spirituel et au sacré", renvoie plutôt les religions et leurs
manifestations à la sphère privée. De l'autre, son ami Jean-Pierre
Mignard, avocat catholique engagé et convaincu que les religions
contribuent à la préservation du lien social, plaide pour une "laïcité
moderne", plus axée sur l'égalité homme-femme que sur la séparation des
Eglises et de l'Etat, fait historique "acquis". Il faut compter aussi
avec la "ligne Glavany", incontournable "M. Laïcité" du Parti
socialiste, l'un des initiateurs de la proposition de sanctuariser la
loi de 1905 dans la Constitution, ou celle de francs-maçons, partisans
d'une remise en cause du concordat en vigueur en Alsace et en Moselle.
Difficile donc de savoir où penchera le futur gouvernement, face au
libre exercice des cultes, aux réalités nouvelles induites par l'islam
et à sa visibilité, au dialogue institutionnalisé avec les religieux ou
dans ces rapports historiquement chahutés avec l'enseignement
catholique. Un regard sur le passé montre que la gauche au pouvoir s'est
montrée pragmatique et assez peu "laïcarde". En 1993, Jack Lang signe
les accords Lang-Cloupet, qui poursuivent l'alignement de l'enseignement
privé sur le public. En 2002, Lionel Jospin instaure l'instance de
dialogue entre l'Eglise catholique et le gouvernement...
En ce qui concerne M. Hollande, une chose au moins est sûre. Sur la
forme, il fera en sorte de se démarquer du président sortant qui, tout
au long de son quinquennat, a exalté la "laïcité positive" ou "les
racines chrétiennes" de la France, tout en emboîtant le pas au Front
national pour dénoncer des comportements liés à la pratique de l'islam.
La laïcité "à géométrie variable", "l'instrumentalisation" des
religions, dénoncées par M. Hollande lui-même, pourraient laisser la
place à ce que certains appellent déjà une "laïcité normale", logeant
toutes les religions à la même enseigne. Quitte à y déceler les contours
d'une "laïcité à l'ancienne", ignorante de l'évolution des religions
dans leurs rapports à la République et du poids qu'elles ont désormais
dans la constitution des identités. "Il lui faudra comprendre que sur
l'islam l'enjeu dépasse le religieux", insiste, par exemple, un
franc-maçon socialiste peu suspect de visée communautariste.
Mais, aux yeux du camp laïque, le dossier-test sur ces questions sera
sans nul doute la concrétisation, ou non, de l'inscription de la loi de
1905 dans la Constitution. Le gouvernement passera-t-il outre les
réticences et les difficultés juridiques déjà soulevées par cette
proposition ? Ou son retour sur le terrain de la laïcité prendra-t-il
d'autres formes ? Entre apaisement et mesure symbolique, l'attente est
forte, tant ce thème, traditionnellement cher à la gauche, a, ces
dernières années, été capté par l'extrême droite.
Stéphanie Le Bars, service Société
--
-----------------------
Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
-----------------------
Nos sites :
http://www.laligue-alpesdusud.org
http://www.laligue-alpesdusud.org/associatifs_leblog
-----------------------
Plus d'informations sur la liste de diffusion Laicite-info