[Laicite-info] France : les religions et la laïcité
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Jeu 7 Mar 14:51:47 CET 2013
France : les religions et la laïcité
Publié par : LE MONDE
Le : 28.02.2013
Par Henri Tincq
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104 pages, 6,90 euros.
Une bizarrerie française. Le mot de "laïcité" n'a pas d'équivalent en
anglais ou en allemand. Preuve s'il en est que la "République laïque",
affichée dans la Constitution, et le modèle français de relations entre
l'Etat et les religions, sont une sorte d'exception, qui suscite à
l'étranger de l'intérêt, de la curiosité, parfois des envies, des
incompréhensions, voire de la répulsion. Neutralité stricte de l'Etat
par rapport aux religions, ce qui ne veut pas dire ignorance ou
indifférence ; garantie de la liberté de conscience et de culte : tels
sont les deux piliers de la laïcité "à la française", qu'on peut définir
comme un régime de séparation aménagée des deux sphères du public et de
la conscience privée.
A ce titre, la France se distingue d'un pays comme les Etats-Unis, où la
Constitution sépare aussi la religion de l'Etat, mais où existe une
"religion civile", qui place sans complexe la religion au coeur de la
sphère publique et exclut toute suprématie d'une confession sur une
autre. Le président prête serment sur la Bible et, au nom d'une liberté
de religion sans restriction, l'Eglise de scientologie, considérée en
France comme une secte, a droit de cité aux Etats-Unis.
La France se distingue aussi en Europe des pays comptant une religion
d'Etat - la Grande-Bretagne et l'anglicanisme, la Grèce et l'orthodoxie,
la Finlande et le luthéranisme - et des pays où les religions sont
officiellement reconnues par un système de convention (Allemagne) ou de
concordat avec le Saint-Siège (Espagne, Italie, Portugal). La diversité
de ces situations est le plus souvent un legs de l'histoire, qui se
combine avec le respect moderne du pluralisme religieux, désormais la
règle dans les Etats de droit et les démocraties avancées.
On ne comprend bien cette exception française de la laïcité, les flots
de littérature qu'elle a déversés, les crispations et les combats
qu'elle a suscités et la vigueur polémique qu'elle revêt encore
aujourd'hui que si on remonte aux deux derniers siècles de notre
histoire. S'il y a en effet une ligne de fracture spécifique à la
France, c'est bien celle qui distingue d'un côté, le camp de la
Révolution, identifié aux droits de l'homme, au progrès, à la séparation
de la religion et de l'Etat, et de l'autre, le camp de la Restauration,
du cléricalisme romain, de la résistance aux libertés et à la modernité.
C'est cette sempiternelle "guerre des deux France", dont parle
l'historien Emile Poulat. Elle traverse tout le XIXe siècle, trouve son
apogée au début du suivant avec la loi de séparation fiévreusement votée
le 9 décembre 1905, devenue un monument national intouchable. Depuis,
dans un climat plus apaisé - sauf pour tout ce qui touche à l'islam -,
elle reprend à intervalles réguliers, en particulier sur le terrain de
l'école, comme autant de feux de braise mal éteints.
Rien n'est plus faux de penser que les combats laïques ont laissé face à
face deux camps retranchés. La "laïcité à la française" est le nom donné
à un système plus équilibré qu'il n'y paraît : l'Etat est à l'abri des
empiètements de la religion. De son côté, la religion s'interdit de
mordre sur l'espace public, mais bénéficie en retour d'accommodements de
la part de l'Etat.
C'est le ministre de l'intérieur qui a en charge les questions liées à
la gestion des cultes. Des aumôneries, en partie financées par l'argent
public, sont créées dans les prisons, les hôpitaux, les casernes, les
internats scolaires. Le patrimoine des bâtiments de culte construits
avant la loi de 1905 continue à être entretenu par l'Etat (cathédrales),
par les départements, les communes pour les églises non classées. Les
établissements scolaires privés sous contrat sont financés par la
collectivité publique. Les émissions religieuses sur les chaînes
publiques de télévision le dimanche matin et les réductions d'impôts
liées aux dons à des organismes religieux témoignent aussi de la
souplesse du système. Des relations régulières se nouent entre les
responsables religieux et les autorités politiques. Depuis 2002, une
concertation officielle a même lieu chaque année entre l'Eglise
catholique et le premier ministre.
"France : les religions et la laïcité", 104 pages, 6,90 euros.
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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