[Laicite-info] La charte de la laïcité est pédagogique
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Jeu 12 Sep 09:46:02 CEST 2013
La charte de la laïcité est pédagogique
Par : Caroline Fourest
Publié par : http://www.huffingtonpost.fr/
Le : 12/09/2013
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Par définition, le fait d'afficher des principes est une promesse de
papier. La Charte de la laïcité est-elle pour autant inutile? Il faut
être particulièrement de mauvaise foi pour nier l'importance de cette
pédagogie. À moins de vouloir passer sous silence l'existence de replis
identitaires et la montée de groupes cherchant à diviser les futurs
citoyens.
Tout le monde, ou presque, reconnaît qu'après le temps de la contrainte,
celui de la loi contre les signes religieux ostensibles, il est temps de
passer à la pédagogie, au dialogue, et à l'explication de texte. C'est
bien l'idée de cette charte dont les articles rappellent à la fois la
part exigeante de la laïcité: la séparation entre l'État et les Églises,
le fait de ne pas invoquer ses croyances pour refuser de s'instruire.
Mais aussi la vocation généreuse de la laïcité : le fait qu'il n'existe
aucune religion d'État et donc aucune religion supérieure à une autre en
droit, ce qui protège les minorités religieuses.
C'est vraiment l'intérêt de ce document: permettre aux enseignants comme
aux élèves d'avoir un dialogue autour des règles communes exigées mais
aussi de lever certains malentendus nés ces dernières années en réaction
à la contrainte. Notamment auprès d'élèves persuadés que la laïcité est
une arme de guerre contre l'Islam. Cette charte -mais bien sûr aussi la
formation des enseignants qui doit aller avec- peut permettre de
revaloriser sa dimension profondément libératrice et non liberticide.
Comme le dit l'un des articles: "La laïcité doit permettre à chacun de
s'émanciper, de s'épanouir et de trouver sa propre liberté".
Une charte islamophobe?
Pourtant certains, comme la sociologue Nacira Guénif dans Libération,
s'acharnent à y voir une arme de plus contre l'Islam. Ce procès
d'intention, courant, relève de la mauvaise foi. Certains intellectuels
sont décidément devenus de véritables spécialistes de l'amalgame: entre
laïcité et racisme. Notamment grâce au mot, très pratique,
d'islamophobie qui -par sa sémantique même- permet de tout mélanger: la
critique de la religion ou de l'intégrisme et parfois même le seul fait
d'être attaché à la laïcité avec une forme de racisme envers les
croyants. Il est plus que temps de mettre un terme à cette propagande, à
ces procès d'intention permanents, à cette confusion et ces amalgames
véhiculés par des groupes victimaires ou intégristes -complaisamment
relayés par les intellectuels qui leur sont proches. C'est sans doute
bien plus urgent que d'ouvrir un nouveau front de la contrainte. Par
exemple en légiférant sur le voile à l'université...
Ce n'est que l'une des propositions de ce rapport, à qui la polémique
sur ce seul point ne rend pas justice. Il existe toujours bien des
problèmes sur la table: des dérogations demandées au nom des croyances
religieuses. Mais on ne va pas résoudre par la loi et la contrainte,
surtout à l'université.
Le compromis de mars 2004
La loi de mars 2004 sur les signes religieux ostensibles reposait sur un
compromis, comparable à celui voulu par Jaurés au moment de la loi de
1905. Elle est exigeante à l'école publique parce qu'il s'agit d'un lieu
de formation des futurs citoyens et qu'ils sont mineurs. L'université
concerne des élèves majeurs. C'est surtout est un lieu d'apprentissage
complémentaire, où l'expression de son militantisme, de ses convictions,
est par définition plus libre. En un mot, légiférer sur le voile à
l'université fragiliserait le compromis scolaire de la loi de mars 2004,
prendrait même le risque réouvrir une polémique qui prolongerait le
dissensus au lieu d'aller vers le consensus.
Si une nouvelle réglementation est nécessaire, c'est au niveau non pas
de l'université mais des crèches. Pour s'assurer qu'une crèche laïques
comme la crèche Babyloup, qui repasse en procès le 17 octobre prochain,
ne soit pas menacée de fermeture à cause du chantage d'une salariée
voilée. Pour le reste, il est grand temps de consacrer son énergie et
ses efforts à la pédagogie. Et de puis point de vue, Vincent Peillon a
une phrase très forte "en rappelant que la laïcité n'est pas une arme
mais un pacte". Même s'il reste quand même une sérieuse faille dans ce
pacte.
Et si on parlait des écoles catholiques?
La Charte de la laïcité ne concernera pas les 12.000 écoles privées, à
90% catholiques, et leur deux million d'élèves. La République est
peut-être une et indivisible, mais son éducation nationale elle est bien
divisée...Entre des écoles où le principe de laïcité sera rappelé et
celles où il sera contourné. Un des moyens de ne pas focaliser toujours
sur les défis posés par l'intégrisme musulman serait peut-être de se
pencher sérieusement sur l'intégrisme qui monte à l'intérieur de ces
établissements-là. Au point de former toute une génération de jeunes
enragés contre l'égalité des droits découlant du principe de mariage
civil et donc de la laïcité, comme lors des manifestations contre le
mariage pour tous.
Lutter pour la laïcité pourrait passer par concentrer tous les moyens de
l'État sur l'école publique, au lieu de verser chaque année 7 milliards
à l'école privée, qui a décidément tous les avantages: des frais de
scolarité élevés, la possibilité de trier ses élèves, celle de
contourner la laïcité, tout en bénéficiant de l'aide financière de
l'État. Mais ça, mon petit doigt laïque me dit qu'aucun ministre
socialiste n'ouvrira ce dossier. Que tout le monde se rassure, la guerre
scolaire au service de plus de laïcité et d'une plus grande égalité des
chances n'est pas pour demain.
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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