[Laicite-info] L'Ecole face à la montée du F.N.
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Mar 15 Avr 08:53:12 CEST 2014
L'Ecole face à la montée du F.N.
Publié par : http://www.cafepedagogique.net
Le : 15/04/14
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Si les déclarations syndicales et l'ouvrage que les organisations
publient sont utiles, ils ne suffiront pas à bloquer le développement de
l'extrême droite dans le monde scolaire. Car au-delà des mots, le
système éducatif est marqué par une discrimination croissante.
S'attaquer concrètement à celle-ci est bien la première tâche.
De tous les milieux professionnels, l'enseignement est sans doute un des
moins réceptifs aux idées d'extrême droite. On a bien vu cette année
sortir du bois un groupe d'enseignants lepenistes. Mais son influence et
ses effectifs sont faibles malgré le racolage auquel il se livre auprès
d'enseignants en souffrance. En effet il faut avoir perdu tout repère
professionnel pour épouser les idées de l'extrême droite sur la société.
Elles entrent en conflit immédiat avec els exigences éthiques du métier
d'enseignant. C'est tellement évident que plusieurs de nos voisins
considèrent comme une interdiction professionnelle le fait d'appartenir
à un parti d'extrême droite.
Il y a pourtant eu des tentatives de dédiaboliser ces idées.
Rappelons-nous, pendant la dernière campagne des présidentielles, le
"pacte républicain" diffusé par l'UMP qui ciblait l'islam sous couvert
de défendre la laïcité. "Alors que l’Europe sécularisée avait presque
oublié la question religieuse, le développement de l’islam la remet à
l’ordre du jour et rend nécessaires certaines clarifications parce que
des valeurs essentielles de la République sont remises en cause... et
que cela fragilise l’ensemble de la communauté nationale", écrivait
l'UMP. Rappelons nous les propos de Nathalie Kosciusko-Morizet, alors
ministre, à propos "des enfants de 6 ans qui refusent de manger du
hachis Parmentier à la cantine sous prétexte que le boeuf n'a pas été
égorgé comme il est prescrit rituellement"... Cela a mis les ministres
de gauche sur la défensive et a conduit à des prises de position sur les
mères accompagnatrices voilées qui n'ont pas fini de poser des problèmes.
Mais ce débat ne pèserait pas si lourd si le contexte de l'Ecole
française n'était devenu discriminatoire. Pisa vient de nous rappeler
que l'Ecole française est particulièrement injuste socialement. La même
enquête montre aussi qu'en France les résultats scolaires sont liés à
l'origine ethnique. A condition sociale égale, on observe un fort écart
(environ une année d'école) entre un jeune autochtone et un allochtone.
Bien avant Pisa 2012, les travaux de G Felouzis ont mis en évidence les
phénomènes discriminatoires dans le système éducatif. En 2004, il nous
disait " On ne peut pas parler de xénophobie ou de racisme. Mais on
observe en effet de la ségrégation au collège et certaines origines en
sont plus victimes que d'autres : c'est plus net pour les personnes
originaires du Maghreb, d'Afrique noire ou de Turquie. Peut-on parler de
discrimination ? Oui et non. Oui car cela crée une situation sociale qui
produit une identification de l'individu sur une base ethnique qu'il
soit allochtone ou autochtone. Dans les collèges, on observe que ça
incite à produire des identités centrées sur l'ethnicisation". Ce ne
sont évidemment pas les personnels qui créent cette situation. Mais
l'organisation même de l'Ecole. Par exemple le fait que l'on trouve
normal que la scolarité en classe préparatoire des enfants des milieux
favorisés coute 4 fois plus cher que celles des collégiens de zep et 2
fois plus cher que le cout d'un étudiant. Cet "apartheid scolaire", pour
reprendre la formule de G Felouzis, est devenu si banal qu'il ne suscite
même plus de réactions lors des visites d'établissements, de lycées
professionnels par exemple. Dans ce contexte, toute mesure qui cible une
catégorie déjà discriminée accentue le sentiment de discrimination. Or
c'est bien le cas des jeunes de tradition musulmane.
Aussi le combat contre les idées de l'extrême droite ne peut pas se
limiter à un débat d'idées. La bonne réponse est d'abord à construire
sur le terrain. Sans progrès dans la lutte contre les discriminations à
l'intérieur du système éducatif, la défense des "bonnes idées" sera
vaine. Il s'agit bien de refondation. Le chantier c'est refonder une
Ecole qui mette réellement ses valeurs au centre et les prenne au sérieux.
François Jarraud
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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