[Laicite-info] Laïcité : il est temps de se ressaisir !
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Ven 27 Juin 16:23:04 CEST 2014
Laïcité : il est temps de se ressaisir !
Publié par :
http://www.marianne.net/Laicite-il-est-temps-de-se-ressaisir-_a239732.html
Le : Jeudi 26 Juin 2014
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Il y a urgence ! Les politiques se sont trop longtemps défaussés sur les
juges, comme le montre l'interminable feuilleton Baby-Loup, désormais
entre les mains de la justice européenne. "Marianne" publie un appel
d'intellectuels, de politiques et d'acteurs de la société civile. Pour
renouer avec la tradition républicaine et en finir avec trente ans de
démissions. Un appel que vous pouvez vous aussi signer sur la plateforme
Change.org.
Hommes et femmes d'horizons philosophiques, politiques et professionnels
différents, nous sommes inquiets de voir à quel point, face à l'action
engagée par diverses mouvances religieuses et politico-religieuses pour
attenter à la laïcité républicaine, la réponse politique demeure faible.
Pour notre part, récusant autant ceux qui exploitent la défiance
générale pour accentuer la fracture sociale et identitaire, que ceux qui
rejettent toute analyse critique du multiculturalisme dans le camp des «
réactionnaires » ou des « intolérants », notre démarche vise à défendre
et faire vivre la laïcité sans blesser mais dans la clarté et la
fermeté, à trouver des solutions sans heurter mais sans faillir.
La laïcité — qui refuse les aspects politiques des religions et laisse à
ces dernières toute liberté dans la vie sociale sous régime de droit
commun — est globalement vécue dans notre pays comme une « tradition
moderne », ce qui est parfois difficile à décrypter pour ceux venus
d'ailleurs. Or aujourd'hui, la laïcité comme principe politique, code de
vie collective et force morale, est remise en question par divers
mouvances et groupes religieux qui rejettent « la démocratie des
mécréants », la suprématie du droit civil sur les textes, à leurs yeux
sacrés, avec un usage maîtrisé des radios communautaires et d'internet.
Dans cet espace ainsi ouvert se rejoignent radicaux et orthodoxes issus
des trois religions monothéistes pour exploiter à leur profit la crise
ambiante, remettant notamment en cause les acquis du long combat pour
l’égalité des sexes que l’on croyait clos et qui, à notre grande
surprise, est à reprendre.
Notre propos n'est pas de nier l'existence d'une diversité ethnique,
religieuse, culturelle ou autres, encore moins de réfuter le droit
d'appartenir à telle ou telle communauté à la condition, toutefois, que
celle-ci ne verse pas dans le communautarisme et reste ouverte sur
l'extérieur, qu'elle facilite le va-et-vient en pensées et en individus
entre le dedans et le dehors. Mais plus encore à la condition que,
sachant indivisible notre République de citoyens, chacun se reconnaisse
dans un fonds commun en histoire, en droits, en valeurs et en normes
dont la laïcité est l’une des plus éminentes. Pour autant la laïcité
n'est pas un dogme, on a le droit de manifester des opinions
anti-laïques, mais on n'a aucunement le droit de transgresser les lois
laïques votées par le Parlement.
Or depuis une trentaine d'années, des mouvements se développent dans
notre société qui semblent aller en sens inverse, du fait d'une
immersion des peuples dans la mondialisation avec perte des repères,
d'une circulation accentuée de populations poussées hors de leurs pays
par la misère, les révolutions et les guerres théocratiques,
fondamentalistes, interethniques et nationalistes. Ont ainsi surgi des
exigences en matière de rituels vestimentaires, alimentaires, cultuels
ou d'expression médiatique, qui sont loin de correspondre toujours aux
demandes réelles de populations hétérogènes d'un point de vue économique
et identitaire. Certains pays ont expérimenté sur ce terrain une
attitude permissive, comme le Canada sous le couvert d'accommodements
dits raisonnables, avant de reculer face aux incohérences des
revendications et au risque d'un éclatement sociétal : tribunaux
rabbiniques ou islamiques, jours fériés spécifiques à chaque religion,
révision multiforme des programmes scolaires, pauses pour les prières
sur les lieux de travail, formation au multiculturalisme de la police et
des médecins, imposition de quotas pour certains recrutements et
différents concours, etc. Ces accommodements s'imposent quelquefois au
niveau mondial avec, depuis peu, l'autorisation du port du voile ou du
turban sur les stades.
De plus en plus en France, le flou juridique en matière de laïcité,
doublé de l'indécision politique, favorise au sein de nombreuses
institutions publiques et privées des « accommodements » mal vécus par
une grande partie des professionnels et des usagers. Face à ces
confusions — qui alimentent les extrêmes — ce sont aujourd’hui bien
souvent les décisions prises par des acteurs de la société civile, sans
toujours le garant de la loi, qui montrent courageusement la voie à
suivre. Ce fut ainsi le cas pour la crèche Baby-Loup comme pour
l'entreprise Paprec, en Seine-Saint-Denis, qui s’est dotée d’une charte
de la laïcité, acceptée à l'unanimité des 800 représentants de ses 4 000
salariés, pour imposer un devoir de neutralité sur le lieu de travail où
coexistent des employés de 52 nationalités.
Pour accueillir l'altérité, un pays se doit d'être solide sur ses pieds,
confiant dans ses fondations, tout en étant capable, par ses structures
d'accueil et en fonction de ses capacités, d'intégrer chacun sur la base
de principes clairs expliqués et enseignés. Il appartient aux politiques
et aux institutions de transmettre cette laïcité, qui reste par nature
un formidable levier d'intégration puisqu'elle permet de rassembler tous
les citoyens — et au-delà tous ceux qui vivent sur le territoire
national —, quelles que soient leurs origines religieuses ou ethniques,
qu’ils soient croyants ou non, sans la moindre distinction. Tous les
citoyens et les responsables, quelle que soit leur sensibilité
politique, sont concernés. Or nombre d'entre eux ne réagissent plus sur
ce terrain, quand d'autres l'instrumentalisent d'un point de vue
idéologique. Entre autres raisons, les résultats des dernières élections
municipales et européennes ont durement sanctionné ce délaissement de
nos valeurs par nombre de ceux qui avaient à les faire vivre. Ainsi de
la laïcité. Il est grand temps de se ressaisir !
Signataires :
Elisabeth Badinter, philosophe
François Baroin, ancien ministre
Sadek Beloucif, professeur de médecine, chef de service à l’hôpital
Avicenne (Seine-Saint-Denis)
Ghaleb Bencheikh, président de la conférence mondiale des religions pour
la paix
Abdennour Bidar, philosophe
Jeannette Bougrab, ancienne ministre
Luc Carvounas, sénateur du Val-de-Marne
Yolène Dilas-Rocherieux, sociologue
Luc Ferry, philosophe, ancien ministre
Elisabeth de Fontenay, philosophe
Nadia El Fani, cinéaste
Marcel Gauchet, philosophe
Jérôme Guedj, président du Conseil général de l'Essonne
Jean Glavany, député, ancien ministre
Asma Guénifi, présidente de Ni putes ni soumises
Daniel Keller, grand maître du Grand Orient de France
Patrick Kessel, président du Comité Laïcité-République
Catherine Kintzler, philosophe
Jean-Pierre Le Goff, sociologue
Catherine Lemorton, Présidente de la commission des Affaires sociales de
l’Assemblée nationale
Anicet Le Pors, ancien ministre
Richard Malka, avocat
Samuel Mayol, directeur de l’IUT de Seine-Saint-Denis (Paris 13)
Abdelwahab Meddeb, écrivain
Corine Pelluchon, philosophe
Jean-Luc Petithuguenin, Pdg de Paprec
Alain Seksig, inspecteur de l’Education nationale
Malika Sorel, essayiste
Francis Szpiner, avocat
Michèle Tribalat, démographe
Sihem Habchi, ancienne présidente de Ni putes ni soumises
André Laignel, ancien ministre,
Guy Lengagne, ancien ministre
Christian Bataille, député du Nord
Philippe Baumel, député de Saône-et-Loire
Jean-Pierre Blazy, député du Val d'Oise
André Henry, ancien ministre
Gaye Petek, fondatrice de l’association Elele-Migrations et cultures de
Turquie
Jean-Louis Auduc, directeur honoraire des études à l'IUFM - Université
Paris Est Créteil,
Gérard Delfau, sénateur honoraire
Philippe Esnol, sénateur des Yvelines
Guylain Chevrier, formateur en travail social, chargé de cours à
l'université
Bernard Ferrand, Professeur honoraire, chargé de mission Laïcité à
l'Université d'Evry,
Frédérique de la Morena, maître de conférences en Droit public,
Université Toulouse,
Michèle Narvaez, Professeur en Classes Préparatoires aux Grandes Ecoles
à Lyon,
Alain Simon, haut fonctionnaire
Georges-Marc Benamou, écrivain et producteur
Martine Cerf, co-directrice du Dictionnaire de la laïcité
Philippe Foussier, président délégué du Comité Laïcité République
Philippe Guglielmi, conseiller régional d'Ile de France
Catherine Jeannin-Naltet, grande maîtresse de la Grande Loge féminine de
France
Cindy Léoni, ex-présidente de SOS Racisme
Michel Meley, président de la Fédération française du Droit Humain
Odile Saugues, députée du Puy de Dôme
Gilles Schildknecht, haut fonctionnaire pour l'enseignement supérieur et
la recherche
>>> Pour signer et rejoindre notre appel « Laïcité : il est temps de se
ressaisir », rendez-vous sur la plateforme Change.org en cliquant ici.
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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