[Laicite-info] La laïcité doit-elle être repensée ?
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Jeu 8 Jan 09:47:03 CET 2015
La laïcité doit-elle être repensée ?
Publié par : http://www.cafepedagogique.net
Le : 07/01/14
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Béatrice Mabilon-Bonfils, Geneviève Zoïa,
La laïcité au risque de l'Autre,
Ed. de l'Aube , La Tour-d'Aigue (Vaucluse), collection Monde en cours ,
ISBN 978-2-8159-1079-8
"La laïcité aujourd'hui c'est la peur de l'Autre !" Alors que la
consultation sur le nouvel enseignement de la morale laïque et civique
va commencer, la laïcité semble faire l'unanimité dans le monde
éducatif. Valeur fondatrice de l'école publique elle semble une vérité
indéboulonnable. Pourtant pour Béatrice Mabilon-Bonfils, sociologue
Université de Cergy-Pontoise, et Geneviève Zoïa, anthropologue
Université de Montpellier, la laïcité est devenue un écran qui empêche
de voir les élèves, lire le monde et penser l'avenir. Dans un ouvrage
extrêmement percutant, les deux auteures dénoncent l'hypocrisie du
discours officiel de l'Ecole qui parle de laïcité mais s'accommode très
bien de la ségrégation ethnique dans ses établissements. Pour elles la
laïcité mis en pratique dans le système éducatif est devenue un obstacle
à l'intégration. " L’élève abstrait sans appartenance n’existe pas et
l’injonction de laisser ses identités au portemanteau est irrecevable"
explique Béatrice Mabilon-Bonfils. L'ouvrage fera polémique. Il veut
nous mettre en garde et nous inviter à penser la nécessaire cohabitation
des cultures.
Ce mois ci les enseignants vont être consultés sur le s projets
d'enseignement de la morale laique et civique. Pour vous ce bruit
entretenu autour de la morale laïque empêche de voir la ségrégation à
l'oeuvre dans l'école, ce que Felouzis appelle "l'apartheid scolaire" ?
En tant que lieu cardinal de la citoyenneté, l’École de la République a
historiquement travaillé à la construction unitaire de la citoyenneté
française, conçue comme déni des allégeances particulières et comme
topos fondateur de neutralisation des lieux et des milieux. Dans sa
tradition jacobine, l’exception française commande l’allégeance des
citoyens à la Cité et subordonne cette soumission au culte de la Raison
universelle. Seul le citoyen est sujet de droit : citoyen abstrait dans
l’unité abstraite qu’incarne la République. Unifiée et centralisée
plutôt que la plupart des autres États européens, la France fut plus
radicalement sécularisée et laïcisée ; elle développa par ailleurs des
concepts novateurs comme les Droits de l’homme et du citoyen
paradoxalement liés à l’équation État = Nation = Peuple faisant de la
Loi un paradigme universel. Le citoyen y est l’homme d’un seul État,
d’une seule foi : le républicanisme laïc et égalitaire. Le citoyen
abstrait n’a ni âge, ni sexe, ni origine sociale, ni origine ethnique
alors que la Révolution est à la fois française et bourgeoise. La
conception française de la citoyenneté conduit non seulement à une
sous-estimation de la vitalité des appartenances périphériques, qu’elles
soient singulières ou collectives, mais aussi à la construction d’un
habitus nationaliste républicain tendant à mettre hors-jeu tout autre
mode d’identification. L’Ecole est au coeur de ce processus politique.
Elle est aujourd’hui confrontée à des demandes croissantes de pluralité
culturelles et cultuelles et les valeurs centrales de cohésion -
certes hégémoniques - qui construisaient hier le contrat-citoyen
moderne sur une culture intériorisée et inclusive, conforme en cela à la
raison des Lumières, sont aujourd’hui invalidées dans une Ecole qui non
seulement ne parvient pas à fabriquer du Commun mais altérise ! Ce
contrat reposait sur l’inculcation par l’Ecole, institution moderne
par excellence, d’une république moniste, d’une citoyenneté abstraite
moderne, dans un schéma porté par la laïcité et la méritocratie comme
mythes fondateur.
Il s’agit d’éclairer les tensions entre la société multi-ethnique et
multi-confessionnelle qu’est devenue la France , et les principes
unitaires, supposés transcender les particularismes nommés «
communautaires ». La « morale laïque » incarne la version maximale
d’un État éducateur, contribuant à transformer l’école en un lieu
central de défense, ou de résistance, devant les dérives d’une société
malade. Au-delà de l’introduction de la morale laïque dans les
curricula c’est la question du modèle français de lien social qui est
soulevée. Lors de la campagne présidentielle de 2012, la laïcité fut
revendiquée aussi bien par l’extrême droite que par la gauche
socialiste, qui a souhaité l’inscrire dans la Constitution. En 2012,
Vincent Peillon déclarait que « si la République ne dit pas quelle est
sa vision des vertus et des vices, d’autres le feront à sa place » et
que « la morale laïque, c’est comprendre ce qui est juste, distinguer le
bien du mal », c’est permettre à « chaque élève de s’émanciper », de «
s’arracher à tous les déterminismes, familial, ethnique, social,
intellectuel ».Plus d’un siècle après les lois d’obligation de
l’instruction, ces déclarations se situent dans la pure ligne des pères
fondateurs de l’école, dont Ferdinand Buisson. Que souhaitons-nous
garder, transmettre, à travers les changements sociaux et culturels qui
affectent la société ? Que signifie aujourd’hui adhérer à une morale
laïque, quel sens prend en 2013 l’affichage, sur les murs des écoles,
d’une charte laïque vécue dans des contextes sociaux sensibles comme une
véritable provocation et comme un signe supplémentaire de l’écart entre
idéaux républicains si facilement affichés et réalités des ghettos
sociaux et scolaires ? Quels écarts entre les affirmations d’en haut et
les expériences sur le terrain scolaire ?
Alors que le ministre de l’Éducation nationale introduit solennellement
en 2013 la charte de la laïcité, le règlement intérieur d’un lycée de
province (et probablement de beaucoup d’autres) comporte l’injonction
suivante : « Les élèves doivent se présenter tête nue dès l’entrée de
l’établissement». Une telle focalisation sur les couvre-chefs des élèves
serait risible si elle n’était le témoignage d’une forme d’échec du
projet politique de l’école républicaine : réduire les inégalités
sociales grâce à un égal accès de tous à l’école. Un échec masqué par
l’accroissement annuel du nombre de bacheliers, mais un échec réel :
l’origine sociale pèse toujours autant sur les chances de réussite des
élèves, PISA le rappelle régulièrement.
Dans ce contexte, l’apparition d’une charte de la laïcité libère une
parole à l’encontre des groupes minoritaires en général, des musulmans
en particulier. « À l’école de la République, on ne reçoit pas des
petits musulmans, des petits juifs, des petits protestants, des petits
agnostiques, on reçoit les élèves de la République sans considération de
leurs appartenances », explique le ministre à BFM/RMC, omettant les
catholiques, majoritaires. Prétendant « préserver les enfants des
querelles d’adultes », il relance un débat que la loi de 2004 sur les
signes religieux à l’école, très majoritairement respectée par les
jeunes filles voilées qui ôtent leur voile avant d’entrer dans les
établissements scolaires, aurait pu clore.
Vous la présentez aussi comme un mensonge distribué d'en haut aux jeunes
? Et peut-être aux enseignants ?
En effet, les conditions de la mise en place du projet émancipateur
républicain ont radicalement changé : alors que l’éducation civique ou
morale de Jules Ferry se déclare à la fin du xixe siècle au service d’un
projet de société accompagnant la construction de la nation, en appui
sur des individus libres et exerçant leur pouvoir démocratique,
aujourd’hui la promotion de cette « morale » se manifeste au contraire
comme un remède, une défense crispée face à des « problèmes » :
d’insécurité, d’incivilité, d’autorité, de « communautarisme »…
Aujourd’hui, dans les espaces défavorisés et habités majoritairement par
des publics descendants de migrants musulmans, en appeler sans cesse à
la laïcité, à droite comme à gauche, au nom de la neutralité universelle
républicaine, ne peut qu’entraîner de lourds sentiments d’injustice :
c’est non seulement affirmer une conception particulière et majoritaire
du bien, mais c’est surtout se mentir face aux échecs des politiques
scolaires d’égalité depuis des décennies. Le projet républicain
socialisateur et émancipateur est en crise : faut-il rappeler tous les
indicateurs, régulièrement publiés sur les inégalités scolaires et
sociales, qui témoignent de l’existence de discriminations devant le
savoir, l’emploi, la participation sociale.
La charte de la laïcité introduite solennellement par le ministre de
l’Éducation nationale Vincent Peillon en 2013 et affichée depuis lors
dans tous les établissements scolaires français proclame dans son
article 12 : « Les enseignements sont laïques. Afin de garantir aux
élèves l’ouverture la plus objective possible à la diversité des visions
du monde ainsi qu’à l’étendue et à la précision des savoirs, aucun
sujet n’est a priori exclu du questionnement scientifique et
pédagogique. Aucun élève ne peut invoquer une conviction religieuse ou
politique pour contester à un enseignant le droit de traiter une
question au programme. » Prenons au mot cet article et questionnons
…la laïcité telle qu’elle s’est mise en place en France en repérant par
exemple dans cet article que la défiance a priori s’adresse à l’élève
inculpé a priori alors que le Conseil d’État a rappelé que les usagers
du service public et les tiers à ce service ne sont pas soumis en tant
que tels à l’exigence de neutralité, alors que les enseignants le sont
en tant que fonctionnaires.
Les conditions de la mise en place du projet émancipateur républicain
ont radicalement changé. Les cultures particulières acquièrent une
légitimité nouvelle et le modèle durkheimien/comtien national
s’essouffle trop pour s’imposer avec « la même bonne foi conquérante »
selon le mot de Dubet. L’ancienne fonction d’intégration nationale ne
suffit plus à fonder la légitimité de l’école : alors que l’éducation
civique ou morale de Jules Ferry se déclare au service d’un projet de
société, politique et culturel, la morale laïque d’aujourd’hui apparaît
comme un raidissement devant des problèmes divers d’insécurité,
d’autorité, de communautarisme, notamment envers la minorité
arabo-musulmane. L’Ecole est supposée être un vecteur privilégié de
cette construction commune. Or, L’idéal de la laïcité fondateur de la
république française est aujourd’hui devenu prétexte à oblitérer toute
prise en compte de la dimension politique de l’institution scolaire et
dans l’imaginaire collectif français, la question ethnique refoulée
fait aujourd’hui effraction. L’ « indifférence subjective » se
nourrit d’une « différenciation objective » porteuse de
discriminations ethniques et d’altérisation scolaire notamment portée
par le traitement de l’Islam dans les manuels scolaires, qui peut être
pensé comme violences sociale scolaire et symbolique à l’encontre des
enfants arabo-musulmans.
Les professionnels du monde éducatif et scolaire sont alors invités d’un
côté à déployer des efforts pour aller vers des parents que tout
éloignerait de l’école (scolarité, capital culturel, quartier) et de
l’autre à être les gardiens d’une neutralité que menacerait le «
communautarisme musulman ». Au fond, parents et professionnels savent
que les institutions, au premier chef l’école, n’appliquent pas les
idéaux proclamés de laïcité, de neutralité et d’égalité et que l’école
s’est construite dans le projet « d’arracher les enfants « aux
influences délétères des familles en construisant un Savoir pour Une
nation. Mais ce savoir ne fiat plus (pas) sens.
Or, dans l’ouvrage co-écrit avec ma collègue anthropologue,
Geneviève Zoai, nous faisons l’hypothèse que raisonner en termes de
droit, apporter des réponses légales ou institutionnelles face à la
diversité culturelle et aux demandes qui en émanent, traduit une
représentation crispée, achevée et défensive du bien public et nous
considérons donc la laïcité comme caisse de résonance d’une difficulté
structurelle du modèle français à intégrer le pluralisme. La promotion
permanente du modèle républicain ne peut constituer une réponse
pertinente aux évolutions sociales. Il serait temps de décrypter
l’empreinte mentale, sociale et institutionnelle de l’élitisme
républicain qui dessine la société comme une échelle à grimper. Dès
lors, la question de la neutralité religieuse et politique de l’État
républicain doit être posée publiquement, tant les dérogations à la
laïcité sont nombreuses. La laïcité ce n’est ni la neutralité politique
ni la neutralité religieuse comme nous le montrons dans notre ouvrage
par toute une série d’illustrations concrètes.
Est-elle pour vous un frein à l'intégration ?
Notre hypothèse est que le principe de laïcité, si volontiers opposé en
France, à droite comme à gauche, à l’ethnicité ou au communautarisme,
loin d’être seulement procédural et relevant du droit, refoule en
réalité aujourd’hui une dimension identitaire systématiquement déniée.
Au-delà d’une logique anti-islamique qui anime réellement des
interprétations de la laïcité, une sorte de panique morale, il faut
rappeler qu’un combat contre les attachements inférieurs à la Raison,
c’est-à-dire familiaux, communautaires, culturels (et pas seulement
cultuels), inspire les valeurs républicaines laïques des débuts.
Souvenons-nous des propos d’Alain :« La famille instruit mal et même
élève mal. La communauté du sang y développe des affections inimitables,
mais mal réglées. C’est que l’on s’y fie ; ainsi chacun tyrannise de
tout son coeur. Cela sent le sauvage »
Le programme institutionnel laïque et républicain visait la liquidation
d’un ordre de reproduction injuste, religieux, mais ce faisant, il s’est
heurté à des obstacles nouveaux. L’idéologie laïque française est partie
prenante de cette mécanique sociale Il est même possible d’aller plus
loin et de se demande si la fonction latente du système n’est pas
d’exclure …car pour qu’il y ait des inclus il faut bien qu’il y ait des
exclus ! La réalisation de ce programme a libéré des exigences
démocratiques, qui font apparaître de nouvelles inégalités. C’est dans
ce cadre que les remises en cause de la laïcité nous semblent les plus
violentes : le mensonge d’une neutralité, qui devrait protéger les
individus des conséquences publiques de leurs affiliations respectives
privées, qu’elles soient culturelles, cultuelles, sociales.
L'échec scolaire massif en France est d'abord un problème ethnique ou
social ?
Quel que soit le niveau d’enseignement, et quel que soit l’indicateur
choisi (taux de réussite à un examen, différences de compétences
acquises, régulièrement saisies par les enquêtes nationales et
internationales), les inégalités sociales et culturelles face à l’Ecole
restent fortes. Ainsi, les résultats de la dernière enquête PISA
indiquent que la France est l’un des pays où le milieu social exerce la
plus grande influence sur le niveau scolaire des élèves, et où ceux qui
sont issus de l’immigration sont au moins deux fois plus susceptibles de
compter parmi les élèves en difficulté. Ces derniers présentent, même à
milieu socio-économique comparable, des scores inférieurs à ceux des
élèves autochtones . Les deux types d’inégalités se conjuguent.
Certains n’hésitent pas à qualifier le phénomène de « ségrégation
ethnique » . L’école ne se contente pas de subir la ségrégation urbaine
et son évolution. Elle reproduit et fabrique elle-même de la
ségrégation. Or, La composition sociale du public scolaire influence les
attitudes et les comportements des élèves et des enseignants. Toutes les
recherches empiriques confirment notamment que la quantité et la qualité
de l’enseignement dispensé en classe sont modulées par la composition
sociale du public. Le traitement formellement identique d’élèves
d’origines culturelles et sociales plurielles produit des inégalités
face à l’école, d’autant que l’uniformisation de la scolarité, initiée
au collège par la réforme Haby du collège unique et l’ancienne carte
scolaire, n’est qu’apparente ou au moins relative. Les classes de niveau
, sont souvent reconstruites par le biais d’options ou de classes à
projet et deviennent parfois des classes « ethniques » De plus, non
seulement la carte scolaire reposait sur un découpage de quartiers
eux-mêmes socialement ségrégués, mais les dérogations accordées par
l’Education nationale aux familles étaient socialement discriminantes et
renforçaient l’homogénéisation sociale des établissements, aidée en cela
par la stratégie des parents bien informés. Il faut ajouter à cela la
croyance relative aux origines ethniques de la violence scolaire et les
effets de cette croyance sur les pratiques des enseignants et de
l’administration, comme des parents d’élèves.
Que devrait faire l'Ecole pour construire une société où chacun aurait
sa juste place ?
Changer la grammaire sociale de l’Ecole ! Aussi ambitieuses
soient-elles dans les discours, on ne touche jamais à la "grammaire
scolaire" de base : des classes constituées d'élèves répartis par
groupes d'âge; un prof devant une classe qui agit en pleine autonomie
une fois que la porte est fermée; des emplois du temps clos ; peu de
collaboration entre pairs. Travailler autrement sur les programmes
scolaires, repenser des valeurs collectives qui tiennent compte de la
pluralité des appartenances et fassent place aux minorités, une
ouverture à l'histoire globale , au projet, à la pluridisciplinarité,
aux pédagogies alternatives, de vraies pratiques numériques , une autre
architecture scolaire… Tout est lié . La forme scolaire contemporaine
a fort peu changé depuis son émergence moderne.
Il faut d’abord poser les questions autrement ! Si l’école est en
souffrance, c’est que les enseignants mais aussi les élèves y
souffrent. Un autre projet s’impose pour l’Ecole de demain…. en pariant
sur l’éducabilité de tous les enfants et sur un nouveau fonctionnement
collectif de l’enseignement. Renversons les questions et doxas faciles
répétées à l’envi, à droite comme à gauche et médiatiquement
entretenues. Ne nous demandons pas pourquoi la violence scolaire
augmente mais bien plutôt comment la définir et comment il se fait
qu’une école en pression sous l’affermissement des modes d’emprise
n’implose pas littéralement et, bon an mal an, continue de fonctionner…
Ne nous demandons pas comme faire respecter la laïcité mise à mal par
quelques jeune filles voilées trop visibles, mais bien plutôt comment
intégrer non pas des élèves-abstraits sans appartenance ni culture, mais
des sujets nés dans une société pluriculturelle. Ne nous demandons pas
pourquoi les parents démissionnent face aux contraintes éducatives, mais
bien comment les associer vraiment à une école ouverte. Ne nous
demandons pas pourquoi la souffrance professionnelle des enseignants va
croissant, mais bien plutôt comment, dans un équilibre de la peur, la
souffrance des uns répond à celle des autres. Ne nous demandons pas s’il
faut plus de sanction à l’Ecole mais bien plutôt d’où vient le malaise à
vivre l’Ecole. Ne nous demandons pas si le niveau scolaire baisse mais
en quoi les accès inédits à la culture et aux savoirs qu’offre le monde
d’aujourd’hui peuvent être utilisés plutôt que niés. Ne nous demandons
pas s’il faut former à la citoyenneté à l’Ecole mais bien plutôt en
quoi l’Ecole est un espace de non-droits… Remettons nous à voir, puis à
penser, c'est-à-dire à construire, une Ecole différente.
L'intégration passe par la reconnaissance des communautés ?
Elles existent de fait. Le statut et la place minorés des cultures
différentes, qu’elles soient populaires, ouvrières, paysannes ou
qu’elles représentent un type d’altérité pensée comme plus exotique,
illustrent la suprématie du modèle supérieur de surplomb à l’aide duquel
l’identité nationale s’est construite. Or, les apprentissages se
tissent avec les mémoires, les identités, les cultures, c’est même somme
toute banal que nos appartenances nous construisent, sauf qu’il ne faut
pas saisir l’identité en termes essentialistes et figées mais bien
comme une construction mouvante. En particulier, le débat en France
renforce sans cesse la représentation d’un clivage profond entre une
identité musulmane réifiée et objectivée en culture, et une laïcité tout
en principes et en proclamation. L’élève abstrait sans appartenance
n’existe pas et l’injonction de laisser ses identités au portemanteau
est irrecevable.
Ainsi, ce sont moins les représentations des familles, ou les
différences naturelles de sexe, ou encore le communautarisme, qui
menacent aujourd’hui la République, mais la nostalgie et la peur de la
différence dans une société de la « cyndinisation », comme dit U Beck..
La laïcité aujourd'hui c’est la peur de l’Autre !
Faut-il en finir avec la laïcité ?
La laïcité contribue selon nous à racialiser les rapports sociaux, alors
même qu’elle est saisie dans tous les discours au nom du contraire. Face
à cela, les parents et les élèves adoptent quelquefois une solution,
mais elle est coûteuse : retourner le stigmate et rejeter l’institution
en affirmant leur différence.
Ainsi, cette école française qui promeut une laïcité d’affichage est une
machine à produire de la différence Alors qu’elle était, dans sa genèse,
un outil politique au service d’un projet – même dominateur, ou, pour le
dire mieux, intégrateur parce que dominateur –, il faut bien admettre
que la laïcité se transforme en instrument d’agression des minorités,
principalement aujourd’hui vis-à-vis de la minorité musulmane qui
concentre à elle seule l’idée d’une crise du modèle d’intégration
française. Il est grand temps d’oser penser collectivement la laïcité
qui se met en place comme un nouvel hygiénisme. Et d’envisager des «
accommodements raisonnables »
Propos recueillis par François Jarraud
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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