[Laicite-info] « Notre identité républicaine repose sur la laïcité », par Jean-Louis Bianco
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Lun 20 Juin 09:44:51 CEST 2016
« Notre identité républicaine repose sur la laïcité », par Jean-Louis Bianco
Publié par : LE MONDE
Le : 19.06.2016
Par Jean-Louis Bianco
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Dans le contexte des attentats qui ont frappé la France, fait à la fois
d’émotion et d’inquiétude, il est plus nécessaire que jamais de garder
la tête froide et de ne pas céder aux surenchères.
Certains n’ont pourtant de cesse de convoquer les instincts et
d’alimenter les haines. Comme [la présidente du Front national] Marine
Le Pen qui cherche à se démarquer du racisme de son père tout en
stigmatisant les mêmes populations, ils légitiment systématiquement leur
discours par l’emploi d’un seul mot : « laïcité ». Or, la laïcité ne
peut en aucun cas servir de prétexte à la division du peuple. C’est au
contraire un merveilleux outil pour vivre et faire ensemble.
L’histoire de France démontre combien notre laïcité a permis
l’apaisement, dans un pays qui a souffert, pendant des siècles, des
guerres de religion et des persécutions à l’encontre des minorités. Ceux
qui n’adoptaient pas la religion du roi, le catholicisme, dans cet Etat
français qui n’était pas laïque, étaient persécutés en raison de leur
foi. Nulle liberté de conscience : ces minorités, et en particulier les
protestants et les juifs, se voyaient interdire les fonctions publiques,
ne pouvaient enterrer leurs morts dans les cimetières communs, ni, tout
simplement, pratiquer leur culte.
L’identité républicaine, si souvent invoquée dans le débat public, n’est
pas née de la conception d’une « France, fille aînée de l’Eglise », mais
de celle de la France des Lumières, puis de la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen de 1789. Notre identité républicaine, héritée ou
partagée, est née de la Révolution française.
Les déclinistes nient ce fait historique pour se replier sur une
identité nationale mythifiée, qui fait appel à une histoire revisitée
d’une France pré-républicaine « blanche et catholique », occultant la
présence, encore aujourd’hui, de la France sur cinq continents. Certains
évoquent comme seule culture commune, celle « judéo-chrétienne ». On est
en droit de s’interroger sur l’emploi de cette expression. Loin
d’intégrer la culture judaïque, la France a toujours persécuté ou
discriminé les juifs, de Philippe le Bel jusqu’au régime de Vichy.
Limites indépassables
Quant à la culture chrétienne, seuls les catholiques pouvaient s’en
prévaloir : les protestants ont subi persécutions jusqu’à l’édit de
Versailles de 1787, puis discriminations jusqu’au début du XXe siècle.
Enfin, si le culte musulman s’est installé tardivement dans l’Hexagone,
il était très présent et ancien au sein de l’empire colonial français et
l’est toujours, par exemple, à La Réunion, ou dans le 101e département
français, Mayotte.
En réalité, l’Etat laïque est indifférent aux croyances ou convictions
de chacun. Il les considère toutes également et garantit une seule
citoyenneté qui implique les mêmes droits et devoirs. C’est en ce sens
que l’Etat s’est séparé, en 1905, des organisations religieuses.
« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu
que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi »
On nous oppose souvent : « La loi de 1905, c’est vieux et donc dépassé !
» La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui date de 1789
et fait partie du bloc constitutionnel, serait-elle, elle aussi, vieille
et dépassée ? Son article 10 énonce pourtant que « Nul ne doit être
inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur
manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ». Cet
équilibre est et doit rester d’actualité.
La laïcité pose des limites indépassables. Il faut veiller à
l’application ferme et sereine des principes qui la fondent. Mais, comme
l’affirmaient Jaurès, Briand ou Clemenceau, il s’agit d’abord d’une
liberté. La transformer en une série de nouveaux interdits ne pourrait
qu’alimenter un discours victimaire et, par voie de conséquence, les
provocations et les extrémismes religieux et politiques.
L’identité nationale doit être tournée vers l’avenir
L’identité nationale ne se fonde pas sur un substrat culturel stable qui
serait le même depuis l’origine des temps, même si elle se fonde aussi
sur une mémoire multiple, assumée et partagée. Son enrichissement
permanent dans le cadre laïque est justement ce qui fait sa force. Le
nier, c’est nier la possibilité pour la France de parler au nom de
l’universel, lorsqu’elle défend ses valeurs républicaines. L’identité
nationale n’est pas non plus multiculturaliste, puisque la citoyenneté
laïque assure un seul et unique statut pour tous, quelles que soient
leurs conditions et leurs convictions. L’identité nationale doit être
tournée vers l’avenir : c’est aussi un projet pour la France et pour
l’Europe.
Notre identité républicaine repose sur la laïcité, clé de la
construction de la citoyenneté, qui fait de chacun d’entre nous, au-delà
de nos appartenances propres, des citoyens à égalité de droits et de
devoirs. Elle nous permet de les dépasser, tout en en faisant une
richesse, pour créer du commun.
Jean-Louis Bianco est le président de l’Observatoire de la laïcité
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Denis Lebioda
Chargé de mission
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