[Laicite-info] Livre - Juste une mise au point sur la laïcité
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Mar 10 Mai 09:28:41 CEST 2016
Livre - Juste une mise au point sur la laïcité
Par Frantz Durupt
Publié par : http://www.liberation.fr
Le : 9 mai 2016
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Sortir d’un débat crispé et s’en tenir à une lecture historique et
juridique, tel est l’objectif de l’ouvrage «la Laïcité pour les nuls»,
signé Nicolas Cadène.
Juste une mise au point sur la laïcité
En général, quand on achète un livre dans la collection «Pour les nuls»,
gérée par les éditions First, c’est qu’on se sent vraiment nul dans le
sujet qu’il traite (par exemple Excel pour les nuls). Qui donc achètera
la Laïcité pour les nuls, signé par le rapporteur général de
l’Observatoire de la laïcité, Nicolas Cadène, alors qu’on entend déjà
parler de la laïcité partout, tout le temps ? Et alors, en outre, qu’on
sait très bien ce qu’est la «laïcité» ? Ou du moins, le croit-on.
Par exemple : la loi du 11 octobre 2010, interdisant le port du voile
intégral dans l’espace public, est elle une loi de laïcité ? Beaucoup
pourraient répondre que oui, à commencer par le Premier ministre, Manuel
Valls, qui l’a encore citée récemment. Et pourtant, voici un rappel fait
par Nicolas Cadène dans la Laïcité pour les nuls : cette loi «ne peut
pas s’appuyer et ne s’appuie pas sur le principe de laïcité», car comme
l’a souligné le Conseil d’Etat à l’époque des discussions autour du
texte, «la laïcité s’impose directement aux institutions publiques, ce
qui justifie une obligation de neutralité pour les agents publics dans
l’exercice de leurs missions», mais pas aux citoyens.
Ainsi, la laïcité, c’est avant tout un engagement juridique de l’Etat à
l’égard de ses citoyens, qui se voient garantir le droit de croire ou ne
pas croire et de le montrer ou ne pas le montrer. Que dire alors de la
loi de mars 2004, qui a interdit les signes religieux «ostensibles» à
l’école, en visant notamment le foulard islamique ? S’appuyant sur le
Conseil d’Etat, qui a justifié la loi «en raison des exigences propres
[au] service public» de l’école, l’ouvrage ne qualifie pas la loi de
dérogation au principe de laïcité, car elle n’interdit pas les signes
religieux discrets. Mais il ne rappelle pas que les débats qui l’ont
accompagnée, à coups d’arguments assimilant le port du voile à une
alternative entre soumission et militantisme, ont largement contribué à
installer l’idée que sa disparition totale de l’espace public était un
objectif à atteindre, ainsi qu’à fausser la notion de neutralité. Et, ce
faisant, à renforcer les confusions autour de la laïcité… d’où
l’existence de ce livre.
C’est la corde raide sur laquelle marche Nicolas Cadène. Même s’il
explique avoir commencé à travailler dessus en 2015, son ouvrage répond
de facto à la polémique qui a éclaté autour de l’Observatoire de la
laïcité en janvier, à la suite de tweets qu’il avait postés en réaction
à une intervention d’Elisabeth Badinter sur France Inter. Cette
polémique, comme d’autres, prolongeait le grand débat qui agite les
gauches laïques entre deux grandes conceptions : celle selon laquelle la
laïcité est une arme d’émancipation contre l’emprise des religions et
doit donc être employée pour les contrôler ou les éradiquer, et celle
selon laquelle la laïcité doit permettre la cohabitation de toutes les
religions, en laissant à chacune le droit d’exister dans l’espace public.
Le débat remonte à loin : il agitait déjà les discussions autour de la
loi de 1905, rappelle le livre. Or, à l’époque, c’est bien la conception
qualifiée d’«ouverte» qui l’avait emporté. Contre un député demandant
l’interdiction du port de la soutane, le rapporteur de la loi, Aristide
Briand, avait ainsi mis en garde : «Ce serait encourir, pour un résultat
plus que problématique, le reproche d’intolérance et même s’exposer à un
danger plus grave encore, le ridicule, que de vouloir par une loi, qui
se donne pour but d’instaurer dans ce pays un régime de liberté […],
imposer […] l’obligation de modifier la coupe des vêtements.»
Bref, la Laïcité pour les nuls tente de sortir d’un débat de plus en
plus crispé par ce que les uns et les autres projettent sur la laïcité.
Mais se tenir à cette lecture historique et juridique, vu le contexte
actuel, est aussi une position politique. Tout en évitant de s’en
prendre à ses adversaires politiques, Nicolas Cadène se permet, au long
de l’ouvrage et surtout dans ses dernières pages, de livrer des analyses
personnelles.
Dans l’un des derniers points «Important !» (avec un point d’exclamation
entouré pour bien souligner cette importance), il écrit : «Demain comme
aujourd’hui, appliquons le droit avec fermeté et discernement. Rien que
le droit mais tout le droit. Mais ne transformons pas la laïcité en une
série de nouveaux interdits, car cela ne pourrait qu’alimenter un
discours victimaire et, par voie de conséquence, les provocations et
extrémismes religieux et politiques.» Une manière d’avertir le
gouvernement actuel, dont le Premier ministre, qui aimerait interdire le
port du voile à l’université.
Frantz Durupt
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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