[Laicite-info] Laïcité à l’école : pas encore nommé, le Conseil des sages fait déjà débat
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Lun 8 Jan 10:56:34 CET 2018
Laïcité à l’école : pas encore nommé, le Conseil des sages fait déjà débat
A la veille de sa première réunion, lundi 8 janvier, l’instance présidée
par la sociologue Dominique Schnapper est déjà soumise à critique.
Publié par : LE MONDE
Le : 08.01.2018
Par Cécile Chambraud et Mattea Battaglia
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On n’en connaît encore ni la composition exacte ni la méthode de travail
; encore moins l’agenda, alors que trois ans, presque jour pour jour,
après les attentats de janvier 2015, la France unie de Charlie semble ne
plus tout à fait parler d’une même voix. Et pourtant, le « conseil des
sages de la laïcité », nouvelle instance promise par le ministre de
l’éducation, Jean-Michel Blanquer, pour « préciser la position de
l’institution scolaire en matière de laïcité et de fait religieux »,
expliquait-il en conseil des ministres, le 8 décembre 2017, fait déjà
réagir la communauté éducative.
Réactions sur sa composition d’abord. Si l’on s’en tient à la liste de
treize noms qui a circulé en amont de sa première réunion (un « tour de
table informel programmé ce lundi 8 janvier dans la soirée »,
précise-t-on au cabinet de M. Blanquer), c’est un attelage hétéroclite
qu’aura à présider la sociologue et politologue Dominique Schnapper,
fille de Raymond Aron – seule nomination confirmée à ce jour.
S’y côtoieraient des personnalités aussi diverses que Jean-Louis Bianco,
président de l’Observatoire de la laïcité, et Laurent Bouvet,
cofondateur du Printemps républicain. Abdennour Bidar, philosophe, ex-«
délégué laïcité » sous la gauche, et Patrick Kessel, ancien grand maître
du Grand Orient de France, président du comité Laïcité et République.
Autres nominations pressenties : celles de Ghaleb Bencheikh,
islamologue, et d’Alain Seksig, inspecteur général de l’éducation
nationale, qui fut président de la commission laïcité du Haut Conseil à
l’intégration dissoute en 2012. Les noms de Rémi Brague, de Jean-Louis
Auduc, de Catherine Kintzler, de Catherine Biaggi, de Frédérique de La
Morena et de Richard Senghor figurent aussi sur cette liste «
susceptible d’évoluer encore », prévient-on rue de Grenelle.
« Experts de tous horizons »
Le ministre de l’éducation avait promis, en décembre, de faire appel à
des « experts issus de tous les horizons ». « Experts, ils le sont, mais
ce peut être un écueil, réagit le sociologue Pierre Merle. Peut-on
vraiment avec des registres d’analyse philosophique, politique,
historique ou même juridique, répondre aux questions toutes pragmatiques
que se posent les enseignants sur la laïcité ? » Ses réserves trouvent
un écho auprès de syndicats qui redoutent des « voix discordantes », «
déconnectées » du terrain. « Et de quel terrain, de quel périmètre
d’action parle-t-on ?, interroge Remy-Charles Sirvent, du syndicat
enseignant SE-UNSA, par ailleurs secrétaire général du Comité national
d’action laïque. Si ces “sages” sont censés aider les enseignants à
distinguer, au-delà des provocations d’adolescents, ce qui relève d’une
atteinte à la laïcité, et ce qui ne l’est pas, n’a-t-il pas aussi
vocation à intervenir dans l’enseignement privé ? » Pas de réponse de
l’institution, pour l’heure.
Beaucoup de questions se concentrent sur les « équilibres », les «
sensibilités » au sein de la future instance. Au vu de certains noms
avancés, au vu, aussi, du choix de sa présidente – qui incarne une «
certaine fermeté républicaine », dit-on sur le terrain –, nombre
d’observateurs de la scène scolaire estiment que « l’éventail » n’est
pas « aussi ouvert ». Parmi eux, l’historien Jean Baubérot, pour qui une
« prédominance des néorépublicains » semble se dessiner. « Ne fait-elle
pas courir le risque de voir primer la lutte contre le communautarisme
sur le devoir premier de l’école, qui est la lutte contre les inégalités
? », interroge l’auteur de La Laïcité falsifiée (La Découverte, 2012).
Cette question n’est pas la seule qu’il soulève. « Pourquoi la Ligue de
l’enseignement, qui a une expertise majeure sur la question, ne
serait-elle pas représentée ?, interroge-t-il. Et pourquoi instaurer une
énième commission, alors qu’il existe un Observatoire de la laïcité,
interministériel, auquel il aurait peut-être suffi d’ajouter une cellule
éducation ? »
Dans le cadre légal existant
Du côté de l’Observatoire de la laïcité, on comprend que le travail de
la commission devra se faire dans le cadre légal existant. Un cadre
renforcé sous la gauche, avec l’instauration d’une charte de la laïcité,
d’une journée de la laïcité le 9 décembre, d’un « livret laïcité », de «
référents » académiques… « La commission doit aider à apporter des
réponses appropriées et homogènes aux problèmes que peuvent rencontrer
les équipes de terrain », explique Jean-Louis Bianco, le président de
l’Observatoire. Pour assurer cette « harmonisation » des pratiques, les
« sages » pourront s’appuyer sur des « cellules laïcité » à l’échelle
académique : M. Blanquer devait, ce lundi, inaugurer celle de
Clermont-Ferrand dans le Puy-de-Dôme.
Simple coup d’accélérateur à « l’existant » ? Interrogée mi-décembre sur
les ondes d’Europe 1, dans la foulée de sa nomination, Dominique
Schnapper assurait que le conseil s’efforcerait de « prolonger ce qui a
déjà été fait par des gouvernements précédents ». « Il s’agit que tous
ces principes de laïcité auxquels nous sommes attachés puissent être
appliqués en essayant d’intervenir [en appui des enseignants] notamment
au niveau des pratiques, et pas seulement de la théorie »,
précisait-elle alors.
Ce « passage de la théorie à la pratique », c’est bien ce qui a
convaincu l’historien Jean-Louis Auduc de siéger parmi les « sages ». «
J’espère que tout le monde comprendra que l’enjeu n’est pas d’en rester
à la philosophie générale mais de définir des outils pour les
professeurs, à qui la pédagogie de la laïcité, la formation sur cette
question font défaut », observe-t-il.
Reste une question : y avait-il une urgence à placer la laïcité à
l’école sous le feu des projecteurs, alors que nul n’ignore le caractère
inflammable du sujet ? Urgence politique peut-être, mais urgence
scolaire ? M. Blanquer s’est engagé à fournir le « recensement exhaustif
de l’ensemble des atteintes au principe de laïcité ». Dans les écoles,
collèges et lycées, on s’interroge : est-ce que cela ne devrait pas être
un préalable ?
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http://www.lemonde.fr/education/article/2018/01/08/laicite-a-l-ecole-pas-encore-nomme-le-conseil-des-sages-fait-deja-debat_5238735_1473685.html#dokIpQUjTP6LUMdK.99
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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