[Infoligue] Le baccalauréat à 3 000 euros...
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Jeu 24 Sep 14:24:52 CEST 2009
Avec la société Acadomia, le bac, c'est 3 000 euros, "garanti ou
remboursé"
Auteur : Marc Dupuis
Publié par : LE MONDE
Le : 22.09.09
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Un vrai coup de maître ! Moins d'une semaine après le lancement - le 16
septembre -, de son opération "Devenez bachelier ou soyez remboursé", le
patron d'Acadomia, le numéro un français du soutien scolaire privé,
cache mal sa satisfaction : "C'est encore trop tôt pour parler de
tendance, mais 320 familles ont déjà souscrit à notre nouveau contrat
bachelier", estimait Philippe Coléon. Plus que d'ordinaire à la même
époque de l'année.
Grand seigneur, M. Coléon dit comprendre la colère du ministre de
l'éducation, Luc Chatel, qui s'est immédiatement offusqué : "Le bac
n'est pas à vendre !" En revanche, il regrette "l'agressivité incroyable
qui existe sur l'éducation". Et d'oser la comparaison : "Dans les rues
il y a des bus et des taxis. Du public et du privé. Ils arrivent à
rouler dans les mêmes voies sans se cracher dessus. Il fallait bien
qu'on réagisse à la dérive de l'éducation nationale qui va maintenant
vers le service en développant des formes de soutien scolaire gratuit.
L'Etat a une obligation de moyens ; nous, notre valeur ajoutée, c'est la
garantie des résultats."
Après exonération fiscale
En 2009, 66,4 % des lycéens qui ont passé le bac l'ont décroché. "Si
nous pouvons améliorer le score de l'éducation nationale de 3 points,
qui s'en plaindra ?" interroge, faussement angélique, Philippe Coléon.
Pour y parvenir, Acadomia propose un contrat de trois stages et soixante
heures de cours, ce qui revient à environ deux heures par semaine... et
2 940 euros. C'est cette pilule que l'offre d'Acadomia veut faire passer
auprès des familles qui ne risquent pas grand-chose : soit leur enfant
décroche son bac, soit elles sont remboursées. Pas plus de risques pour
Acadomia qui espère voir ses inscriptions (dans le rouge l'an dernier)
repartir à la hausse, sans avoir à rembourser grand monde : les très
mauvais élèves ne sont pas sa clientèle habituelle. De plus, dans le cas
des cours particuliers à domicile, le remboursement effectué par
l'organisme de soutien scolaire portera sur la somme payée par les
familles après exonération fiscale au titre du service à la personne,
soit environ 1 600 euros. Et non sur la totalité des 2 940 euros payés.
Autrefois, les parents offraient un cadeau à leur enfant qui décrochait
le bachot. Désormais, c'est l'élève qui a échoué qui fait un cadeau à
ses parents !
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Le baccalauréat à 3 000 euros,
par Sandrine Blanchard
Publié par : LE MONDE
Le : 23.09.09
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Revenons à la réalité. Acadomia, l'une des entreprises leaders dans le
soutien scolaire, lance, à grand renfort de publicité, sa nouvelle
opération intitulée "bachelier ou remboursé". Soit, pour les parents,
245 euros à payer chaque mois pendant un an et, pour leurs enfants
élèves en terminale, 60 heures de cours particuliers dans une ou deux
matières de leur choix, des évaluations et des stages intensifs pendant
les "petites vacances".
Nous sommes bel et bien dans un monde où tout s'achète et tout se vend,
Acadomia ne l'a pas oublié. Pour être remboursé (hors déductions
d'impôts) en cas d'échec, il faudra que l'élève ait fait preuve
d'assiduité et qu'il ait respecté le programme fixé.
Syndicats d'enseignants et ministre crient au scandale. "Je suis choqué
qu'on puisse marchandiser le bac", s'insurge Luc Chatel. Franchement,
ils auraient pu être plus audacieux chez Acadomia et promettre "une
mention au bac ou remboursé". Car, avec 86 % de réussite à la session du
baccalauréat 2009, ils ne prennent pas trop de risques. Peu de chèques
seront renvoyés à la fin de l'année scolaire et l'organisme pourra, dès
l'été prochain, communiquer sur "ses" résultats à l'examen.
En cette période de hausse du chômage, l'entreprise de soutien scolaire
ne fait que surfer sur l'inquiétude des parents. Reste que débourser 3
000 euros sur une année n'est pas à la portée de toutes les bourses. Le
patron d'Acadomia rétorque que sa proposition n'est "qu'un miroir de ce
qui ne va pas". Et explique sans ambages pourquoi il a décidé de
"modifier son approche : l'éducation nationale est en train de glisser
vers l'offre de services, avec ses stages de soutien et de remise à
niveau hors du temps scolaire. Elle se place en concurrente du soutien
privé. Du coup, on va se positionner sur l'efficacité, sur le
résultat... ce que l'école ne promet pas".
A cette différence près que l'aide développée par l'école publique est
gratuite et réservée aux élèves qui en ont le plus besoin. Et puis il y
a ce que ne dit pas Acadomia : leurs "enseignants" sont très souvent des
étudiants en cours de formation et la première question posée aux
parents qui se renseignent est : "Votre enfant a-t-il déjà redoublé ?"
En attendant, les lycéens "acadomiciens" ont une lourde responsabilité
et de longues journées en perspective. Pour la qualité de vie, on verra
plus tard. "Vu le prix que cela nous coûte, tu as intérêt à décrocher
ton bac." Et les jeunes de répondre : "Mais si je le rate, cela vous
coûtera moins cher. Avec le chèque de remboursement, on pourra partir en
vacances !"
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Sandrine Blanchard
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Denis Lebioda
Ligue de l'enseignement - Chargé de mission Alpes du Sud
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