[Infoligue] "Politique de l'association", de Jean-Louis Laville : l'association, un

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Ven 22 Jan 15:11:29 CET 2010




"Politique de l'association", de Jean-Louis Laville : l'association, un
recours pour les plus fragiles

Publié par : LE MONDE DES LIVRES 
Le : 21.01.10 

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Les débats publics sur la justice sociale sont souvent dominés par le
problème des rapports entre l'Etat et le marché. Pour le sociologue
Jean-Louis Laville, cette question reste cruciale, mais elle trahit une
vision trop étroite de la politique, qui risque de paralyser la
réflexion sur les alternatives à l'hégémonie néolibérale.

Aussi propose-t-il de reformuler l'analyse d'Hannah Arendt, qui
distinguait deux sens du mot "pouvoir" : d'un côté, le monopole de la
violence légitime de l'Etat, de l'autre, l'activité des citoyens
associés. Pour la philosophe, la "vraie" politique exigeait l'action
concertée des citoyens, notamment au sein des associations. L'intuition
était féconde, souligne Laville, à condition d'échapper à la fascination
d'Arendt pour la cité antique et de comprendre qu'une "politique de
l'association" répond à une exigence de justice et de démocratisation.
Ce pourquoi elle concerne aussi le social et l'économie.

Pour le démontrer, le livre développe une enquête en deux volets,
historique et sociologique. Il montre comment, en Amérique ou en Europe,
l'associationnisme a été un moyen, pour les groupes exploités,
stigmatisés et dominés - les ouvriers, mais aussi les Noirs et les
femmes - de faire peser dans l'espace public leurs exigences d'égalité
et de solidarité, et, inséparablement, de limiter voire de subvertir la
toute-puissance du capital. Au passage, Laville rappelle que le
socialisme originel a été non pas un étatisme, mais souvent un
associationnisme qui pariait sur des formes de coopération et de
solidarité, à contre-courant de la concurrence et de l'atomisation du
capitalisme libéral. Selon cette vision de l'économie, ce sont aussi les
coopératives, les associations de secours mutuel, les réseaux
d'entraide, etc., qui font appel aux valeurs de justice et à la
délibération publique.

Cet associationnisme, foyer d'une "société civile" irréductible au
marché, devait cependant perdre du terrain : le marxisme l'a discrédité,
et l'essor de l'Etat, lors des "trente glorieuses", l'a marginalisé.
Cependant, Laville souligne qu'il a connu un renouveau à partir de la
contestation des années 1960, puis avec la crise des années 1970. Un
foisonnement d'expérimentations a renoué avec les tendances de
l'associationnisme. Nuançant le tableau pessimiste d'une dépolitisation
et d'un individualisme croissants, le sociologue y voit le signe que le
mouvement de démocratisation n'est pas mort. De plus, la crise actuelle
redonne pertinence à ce courant qui refuse que l'économie soit une
discipline et une pratique déconnectées de la société, de ses exigences
de justice et de solidarité entre générations.

Pour autant, il ne s'agit pas, avertit ce livre appelé à faire date sur
le sujet, d'idéaliser les associations. Le sociologue en dégage
plusieurs types, dont certains se moulent sur les normes du marché et de
la concurrence. Mais la voie est ouverte, dit-il, pour promouvoir "une
nouvelle alliance entre les pouvoirs publics et la société civile contre
la démesure du capital".


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POLITIQUE DE L'ASSOCIATION de Jean-Louis Laville. 
Seuil, "Economie humaine", 
356 p., 
20 €.


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Denis Lebioda
Ligue de l'enseignement - Chargé de mission Alpes du Sud
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