[Infoligue] Bénévolat : « Dans le monde anglo-saxon, un môme qui n’a jamais été dans une association est pénalisé »

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Lun 11 Avr 16:37:51 CEST 2011


Bénévolat : « Dans le monde anglo-saxon, un môme qui n’a jamais été dans 
une association est pénalisé »

Publié par : http://www.viva.presse.fr
Le : 08.04.11
Auteur : Elsa Maudet

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La société québécoise pousse ses citoyens à s’engager dès le plus jeune 
âge. Un gros atout, selon Frédéric Lefret, de l’Office franco-québécois 
pour la jeunesse.

A l’occasion de l’année européenne du bénévolat et du volontariat, Viva 
vous propose, tout au long de l’année, une série d’articles sur 
l’engagement.

Frédéric Lefret est secrétaire général de l’Office franco-québécois pour 
la jeunesse (OFQJ) et expert au « Labo des engagements » de l’Agence 
pour le volontariat et la valorisation de l’engagement (AVE).

En matière de bénévolat, en quoi les mentalités et les modèles français 
et anglo-saxons sont-ils différents ?
Dans les pays anglo-saxons, l’engagement est naturel et culturel. Celui 
qui ne s’engage pas, notamment au Québec et au Canada, est plutôt mal 
considéré dans sa communauté. Alors qu’en France, si vous ne vous 
engagez pas, on ne vous dit rien, et on vous dit même parfois que c’est 
un peu délicat de s’engager sans être rémunéré. On le voit notamment 
dans l’engagement de la jeunesse : il y a énormément de jeunes qui 
participent à des associations, mais ils y sont en tant que 
consommateurs. C’est assez rare que, dans un club sportif ou culturel, 
les jeunes s’investissent dans l’encadrement.
Au Québec, le gouvernement a mis en place toute une politique de 
sensibilisation à l’entreprenariat, qui commence à la maternelle, et qui 
a pour objectif de rendre les jeunes le plus autonomes possible, qu’ils 
s’engagent.

Ce fort engagement des citoyens québécois ne vient-il pas pallier un 
manque d’implication de l’Etat ?
Non, pour les Québécois, il faut que le jeune soit le plus autonome 
possible et surtout le plus tôt. Ici (à l’Office franco-québécois pour 
la jeunesse, ndlr) on a encore des parents qui viennent inscrire des 
gamins de 22 ans ; là-bas non ! Un enfant de 14 ans qui va faire un 
week-end tout seul avec son copain en plein milieu de la forêt 
canadienne, ça ne choque personne. Il ne donne pas signe de vie pendant 
deux jours, ça ne choque personne. Parce que les parents considèrent 
qu’ils l’ont éduqué, qu’il a toutes les compétences, que normalement il 
doit savoir. En France, c’est quasi-impossible. Vous envoyez deux gamins 
de 14 ans tout seuls en forêt, le lendemain vous avez les gendarmes chez 
vous.

D’où viennent ces différences de mentalités ?
Le Québec est un pays jeune, qui a 400 ans, c’est un pays pionnier. 
Quand vous arrivez dans un pays vierge, il n’y a pas de structure, il 
n’y a rien, vous vous débrouillez par vous-mêmes. Ça, ça reste. Nous, on 
a le poids de toute la structure millénaire. Et on se dit « je paye des 
impôts, donc je ne vais pas donner encore plus ». Dans la société 
anglo-saxonne, vous êtes culturellement « obligé » de donner : la 
pression sociale fait que, si celui qui a de l’argent ne donne pas, il y 
a un problème.

Est-ce une bonne solution de « forcer » l’engagement ? Cette pression 
sociale ne dénature-t-elle pas la sincérité de l’engagement ?
Ah non, au contraire, c’est le seul moyen. Plus les gens sont 
sensibilisés petits, mieux c’est. Parce que vous comprenez que 
s’investir, ça permet de faire bouger les choses et d’aider les autres, 
et c’est mieux pour toute la communauté.

L’engagement des jeunes est-il uniquement reconnu socialement ou a-t-il 
une reconnaissance officielle (valorisation des acquis de l’expérience, 
par exemple) ?
C’est vraiment socialement. Il est reconnu par la communauté, et surtout 
par les entreprises. Pour elles, ce qui est important, c’est d’abord la 
compétence humaine. A partir du moment où vous êtes engagé jeune, ça 
veut dire que vous savez travailler avec les autres et que vous êtes 
dynamique et impliqué. Un môme qui n’a jamais été dans une association 
étudiante, qui n’a jamais fait de communauté (ici, terme québécois qui 
désigne l’association, ndlr), qui met « musique, télé » sur son CV, il 
est pénalisé dans le monde anglo-saxon.

La France tend-elle à aller vers le modèle anglo-saxon ?
On reste pour l’instant dans notre modèle. Dans les grandes écoles et 
certaines universités, on reconnaît dans votre cursus votre engagement, 
mais ça ne se fait qu’à ce niveau-là. Quand vous êtes engagé à 13 ans 
dans une association, il n’y a pas de reconnaissance.
C’est le regard des employeurs qu’il faut changer. En France, on est 
surtout sur le système de l’élitisme, c’est-à-dire le diplôme, le 
diplôme, le diplôme. Ce qui fait qu’on se retrouve avec une génération 
très diplômée, mais peu employée. C’est quand même paradoxal.

Le fait que les jeunes soient très engagés au Québec se perçoit-il 
clairement dans la société ?
Prenez un jeune Français de 18 ans et un jeune Québécois de 18 ans, il y 
en a un qui est vachement plus mature ! Parce que la société québécoise 
fait confiance aux jeunes. L’essentiel est d’essayer, si ça ne marche 
pas, on se sépare, ce n’est pas un problème. En France, on tient 
beaucoup la main aux jeunes – ce qui peut se comprendre pour X raisons – 
mais à un moment donné, quand on les cocoone trop, il n’y a plus de 
prise d’initiative, de prise de décision. Ils attendent que quelqu’un 
les aide à faire les choses ou les fasse à leur place.

N’y a-t-il donc que du bon dans ce modèle québécois ?
Il y a pas mal de décrochage scolaire, parce que beaucoup de jeunes ne 
souhaitent pas faire d’études supérieures. Quand ils habitent près de 
Montréal, à 18 ans, ils ont leur boulot, leur copine, leur appartement 
et leur voiture. Donc ils se disent « quel est l’intérêt de poursuivre 
en fac ? J’ai déjà trouvé un boulot ! » Les Québécois ont un problème 
d’encadrement maintenant. C’est un peu le revers de la médaille.
Mais je ne sais pas si c’est un problème. Il faut peut-être rendre plus 
attractif le fait d’aller en études supérieures, mais il vaut mieux 
avoir ce revers de la médaille-là que le nôtre. Parce qu’avoir des bac+6 
au chômage, ça ne vaut pas le coup.


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Denis Lebioda
Chargé de mission 
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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