[Infoligue] Polémique autour de la représentativité des associations

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Jeu 18 Aou 09:54:05 CEST 2011


Polémique autour de la représentativité des associations

Publié par : http://www.journaldelenvironnement.net
Le : 22 juillet 2011
Auteur : Célia Fontaine


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Les associations se liguent contre un décret sur la représentatitivé


Les associations environnementales françaises sont sur le pied de 
guerre. Un décret publié récemment les concernant soulève des questions: 
seraient-elle en train de se faire «entuber en douce» comme l’affirme 
l’ancienne ministre de l’environnement Corinne Lepage, présidente de 
Cap21? Retour sur un dossier qui finira peut-être devant les tribunaux.



Le 13 juillet dernier, est paru au Journal officiel un nouveau décret 
«relatif à la réforme de l'agrément au titre de la protection de 
l'environnement et à la désignation des associations agréées, organismes 
et fondations reconnues d'utilité publique au sein de certaines instances».

Le texte a pour objet de réformer les règles relatives à l'agrément pour 
les associations de protection de l'environnement (cadre territorial de 
l'agrément, limitation à une durée de cinq ans, simplification des 
démarches de délivrance, conditions de renouvellement et de retrait, 
transparence des activités). Il détermine les critères auxquels devront 
répondre les associations agréées, organismes et fondations pour prendre 
part au débat sur l'environnement qui se déroule dans le cadre des 
instances consultatives ayant vocation à examiner les politiques 
d'environnement et de développement durable (représentativité, 
expérience, règles de gouvernance et de transparence financière).

Pour Corinne Lepage, il s’agit d’un mauvais coup. Dans un communiqué du 
19 juillet publié sur le site de Rue89, l’avocate et eurodéputée estime 
que les associations les plus gênantes pour les lobbies vont se 
retrouver handicapées et certaines, trop petites, ne pourront plus faire 
entendre leur voix.

«Pour pouvoir participer, une association devra désormais compter au 
moins 2.000 adhérents. Quant aux associations d'utilité publique, elles 
devraient exercer leur action sur la moitié des régions au moins, et 
disposer d'un minimum de 5.000 donateurs, pour pouvoir se faire 
entendre», analyse la présidente de Cap21. De plus, l'Etat s'octroie le 
droit de vérifier les conditions de financement des associations pour 
s'assurer «de leur indépendance», ajoute-t-elle.

Il s’agirait donc d’une mesure liberticide pour les associations, 
excluant des experts qui ont fait l'essentiel du travail en termes 
d'alerte au cours des dernières années, comme Mouvement des générations 
futures, le Criirad[1], le Criigen[2], le Réseau santé environnement, 
Inf'OGM ou le Cniid[3] par exemple.

«Ainsi le gouvernement s'est-il attaqué avec efficacité, une fois 
encore, aux modestes contre-pouvoirs que notre pays compte encore », 
conclut Corinne Lepage.

Touchées par ce décret, les associations environnementales n’ont pas 
tardé à réagir. Dans un courrier du 21 juillet adressé à Nathalie 
Kosciusko-Morizet, la ministre en charge de l’écologie, une trentaine 
d’entre elles proteste et demande l’abrogation d’un texte «à l’opposé de 
ce que fut «l’esprit» du Grenelle».

Les associations pointent du doigt les nouvelles conditions d’agrément 
fixées par le décret, qui précisent que ne pourront être agréées que les 
associations ayant «un nombre suffisant, eu égard au cadre territorial 
de son activité, de membres, personnes physiques, cotisant soit 
individuellement, soit par l’intermédiaire d’associations fédérées». 
Reprenant les arguments de Corinne Lepage, les signataires soulignent 
qu’avec cette obligation, les associations qui souhaiteraient un 
agrément pourraient se retrouver face à des refus arbitraires. Mais cela 
pourrait également remettre en cause leur capacité à agir lorsque «les 
motivations ne vont pas dans le sens d’intérêts politiques à un moment 
donné». En effet, sans agrément, la possibilité de porter plainte avec 
constitution de partie civile reste très réduite. Dans ces conditions, 
les procès mettant en cause ces lobbies deviennent beaucoup plus 
difficiles, est-il justifié.

NKM a répondu sur son blog quasiment dans la foulée. En rappelant que le 
décret incriminé est la «traduction stricte d’un engagement du Grenelle 
et qu’il a d’ailleurs fait l’objet d’une très large concertation avec 
les ONG du Grenelle», la ministre donne le ton. Loin de vouloir 
bâillonner les associations, il s’agit de leur donner plus de 
légitimité, pour qu’elles jouent efficacement leur rôle et deviennent 
des «partenaires puissants du dialogue écologique». Il faut donc voir la 
reconnaissance de la représentativité des acteurs environnementaux comme 
quelque chose d’utile, estime-t-elle.

Cette reconnaissance repose sur trois critères précis, afin d’écarter 
tout risque de parti-pris ou d’arbitraire: l’agrément, l’indépendance 
financière et la démonstration de la légitimité de l’association. Mais 
pour les Amis de la Terre, le décret n’apporte aucun élément nouveau aux 
conditions d’agrément. L’association déplore dans un communiqué du 22 
juillet «une formulation de ces conditions trop générale et peu précise 
notamment sur la mission d’intérêt général, l’indépendance financière et 
le fonctionnement démocratique, qui laisse une large latitude 
d’appréciation aux pouvoirs publics pour décider des agréments».

Cependant, la ministre précise un point important: les associations 
n’auront pas besoin d’être représentatives pour bénéficier de la 
reconnaissance de fait de leur intérêt à agir devant les tribunaux sur 
les affaires environnementales. L’agrément continue de suffire. «La 
réforme ne change en rien les droits des associations, quelle que soit 
leur taille, de saisir la Justice», insiste-t-elle.

Le décret précise le critère d’indépendance financière, avec les 
recettes à prendre en compte et celles à exclure (les dommages et 
intérêts reçus par les associations par exemple). L’Etat n’aura donc 
aucune marge d’appréciation et ne pourra pas trancher selon son envie, 
comme supposé par les associations.

En ce qui concerne un éventuel mécanisme de «couperet» pour les petites 
associations, NKM réfute: «Les associations ont toutes jusqu’au 31 
décembre 2014 pour s’adapter. D’ici là, pour être représentatif, un 
critère de compétence suffira; il ne sera pas nécessaire d’afficher un 
nombre minimal de membres». Selon la ministre, cela signifie que les ONG 
vont avoir le temps de s’organiser, (en fédération, par exemple), pour 
être en mesure, d’ici trois ans, de peser davantage dans le débat 
environnemental.

Quant aux associations d’expertise, celles-ci pourront sans difficulté 
«être nommées comme personnalités qualifiées dans les instances soumises 
aux règles de la représentativité», elles ne seront donc pas exclues des 
débats.

Mais pour Louis-Narito Harada, avocat d’Agir pour l’environnement (APE), 
la restructuration des associations environnementales et le critère des 
2000 adhérents «ne se justifient absolument pas au regard de ce qu'on 
leur demande dans le cadre des instances consultatives, c’est-à-dire une 
expertise sur un sujet technique». Selon lui, il est totalement 
illusoire de penser que les associations se regrouperont pour dépasser 
les 2000 adhérents. C'est contraire à leur vocation première.

En outre, le décret ne semble pas aller dans le sens des objectifs de la 
convention d'Aarhus, qui ne mentionne pas le critère de la 
représentativité, et encourage au contraire une large participation du 
public, estime le spécialiste.

Certaines associations pourraient donc être tentées d’étudier la 
possibilité d’attaquer le texte en justice. Affaire à suivre.



[1] Commission de Recherche et d'Information Indépendantes sur la 
Radioactivité
[2] Comité de Recherche et d'Information Indépendantes sur le génie 
Génétique.
[3] Centre national d'information indépendante sur les déchets

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Denis Lebioda
Chargé de mission 
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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