[Infoligue] Cinq idées reçues sur "l'assistanat"

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Jeu 12 Mai 09:17:44 CEST 2011


Cinq idées reçues sur "l'assistanat"

Publié par : LEMONDE.FR
Le : 10.05.11

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Laurent Wauquiez a jugé anormal que le système de protection social 
français, "le plus généreux d'Europe", permette "très facilement aux 
étrangers de bénéficier de nos différents outils de solidarité".

L'assistanat est un "cancer de la société française". Si on lui a 
reproché les mots employés, Laurent Wauquiez, en s'attaquant au revenu 
de solidarité active (RSA), a surfé sur un cliché bien implanté. Quelque 
80 % des classes moyennes sont d'accord avec l'idée qu'il "y a trop 
d'assistanat et [que] beaucoup de gens abusent des aides sociales", 
selon une étude menée par l'IFOP en octobre 2010, citée par Le Post.fr.

Peut-être le ministre des affaires européennes pensait-il à cet 
électorat quand il a émis l'idée, dimanche 8 mai, de plafonner les 
minima sociaux à 75 % du smic et d'obliger les personnes au RSA à 
effectuer des travaux "d'intérêt civique" ? Malgré les protestations 
suscitées dans l'opposition comme dans la majorité, cette proposition 
s'inscrit dans une longue tradition d'attaques contre "l'assistanat". Un 
thème cher à des figures de droite, comme Jacques Chirac ou Nicolas 
Sarkozy, mais aussi de gauche, comme Ségolène Royal. Cela n'empêche ce 
discours de reposer en partie sur des clichés trompeurs. Décryptage.

1. La France distribue plus d'aides sociales que les autres pays d'Europe

C'est faux. La France est dans la moyenne européenne pour sa protection 
sociale. En 2005, elle se classait, selon l'Institut de recherche et 
documentation en économie de la santé (Irdes), au deuxième rang des pays 
de l'OCDE quant au poids de ses dépenses de protection sociale par 
habitant. Mais ce chiffre recouvre à la fois la couverture maladie, les 
retraites et les minima sociaux.

Or, ces derniers ne sont pas distribués à tort et à travers. En France, 
il existe une dizaine de minima sociaux (voir encadré) qui répondent à 
des critères très précis d'attribution. Au total, selon l'Insee, 3,5 
millions de personnes ont perçu une de ces allocations en 2009. Soit 6,2 
% de plus qu'en 2001, où elles étaient 3,28 millions. Une hausse imputée 
par le gouvernement à la mise en place du RSA et à la crise.

Mais, en ce qui concerne le seul revenu minimum – équivalent du RSA ou 
du RMI –, on se rend compte que la France n'est pas plus généreuse que 
ses voisins européens. Selon l'Irdes, les allocataires du revenu mimimum 
ne représentaient que 2 % de la population active française en 2006. Une 
proportion qui monte à 6 % en Finlande, 3,4 % en Allemagne ou 5,6 % au 
Royaume-Uni. "Nous sommes dans la moyenne européenne", confirme Henri 
Sterdyniak, économiste à l'Observatoire français des conjonctures 
économiques (OFCE). "Les pays scandinaves dépensent bien plus que nous. 
Plus étonnamment, l'Angleterre et l'Irlande aussi ont des systèmes très 
généreux, certes avec un contrôle social plus fort des bénéficiaires, un 
suivi serré."

2. Les montants des minima sociaux sont plus importants en France

C'est une autre idée reçue. Les montants des aides sociales françaises 
sont plutôt bas, par rapport à ceux d'autres pays européens. Suivant 
l'allocation, le montant mensuel peut varier de 324 euros (allocation 
d'insertion) à 711 euros (allocation adulte handicapé), comme le montre 
ce barème de l'Insee. On note l'exception de l'allocation équivalent 
retraite : 994 euros.

Selon une étude du ministère de la santé, en 2003, les minima sociaux 
versés en France équivalaient, pour un célibataire, à 44 % du salaire 
médian. C'était plus qu'en Belgique (39 %) mais moins qu'en Allemagne 
(46 %), qu'au Royaume-Uni (51 %), qu'en Irlande (62 %) ou qu'aux 
Pays-Bas (77 %).

"Les montants ne sont pas généreux en France, affirme M. Sterdyniak, de 
l'OFCE. Les minima ne sont pas revalorisés depuis longtemps. Des gens 
qui étaient juste au-dessus du seuil de pauvreté se retrouvent 
maintenant en dessous. Etrangement, bien qu'averti de ce fait, le 
gouvernement n'a touché qu'au seul minimum vieillesse." Ce dernier est 
revalorisé chaque année depuis le début du quinquennat.

Une politique de baisse volontaire, selon l'économiste. "Depuis Jospin, 
la grande idée, c'est d'inciter à travailler, donc creuser l'écart entre 
le RMI, puis le RSA, et le smic. Il y a deux stratégies : augmenter le 
smic ou laisser stagner le RSA. Le gouvernement a choisi la seconde."

3. On peut gagner davantage en touchant les minima sociaux qu'en travaillant

Encore un cliché qui a la vie dure. Il n'est pas possible en pratique de 
cumuler les minima sociaux pour atteindre des revenus supérieurs à ceux 
d'un smicard. Le RSA, qui remplace depuis 2009 le RMI, est conçu pour ne 
pas dépasser 62 % du smic, avec un bonus en fonction du nombre éventuel 
d'enfants.

Et toucher une autre aide, par exemple, des allocations familiales 
(auxquelles toute famille a droit quels que soient ses revenus) entraîne 
mécaniquement une diminution du montant du RSA. Toute autre allocation 
provoque le même effet.

"M. Wauquiez raconte des choses fausses quand il dit qu'on peut gagner 
plus en minima sociaux qu'en salaires. Il n'y a aucun problème : on 
gagne plus en travaillant que dans l'assistanat, toutes les études le 
prouvent", assure M. Sterdyniak.

4. Les personnes aidées ont en plus des petits avantages que n'ont pas 
les smicards

C'est un autre angle d'attaque du ministre, qui exagère la réalité. Les 
"droits connexes" sont ciblés et s'adressent à des populations suivies. 
Les bénéficiaires de minima sociaux ont certes droit à des avantages 
souvent attribués par les communes ou les départements : transports en 
commun gratuits ou à tarif réduit, cantine moins chère pour les enfants, 
services de garde, tarifs sociaux de l'électricité...

Mais une mission parlementaire de 2009 a montré que, si ces droits 
étaient très variables en fonction du lieu d'habitation, leur 
attribution était plutôt accompagnée et ciblée (familles monoparentales, 
publics volontaires). Et que leur distribution, tout comme celle du RSA, 
s'accompagnait d'un suivi de la personne bénéficiaire.

Point important : la plupart de ces aides ne sont souvent pas attribuées 
en fonction d'un statut (par exemple, être au RSA) mais selon un niveau 
de revenu. Une famille de deux enfants vivant avec un seul salaire au 
smic – exemple pris par M. Wauquiez – peut ainsi bénéficier de la 
couverture médicale universelle (CMU).

5. Les étrangers peuvent profiter facilement de ces minima sociaux

C'est un autre stéréotype qui revient régulièrement. Pourtant, en 
France, les conditions d'accès aux minima sociaux pour les étrangers 
sont complexes.

Dans sa sortie controversée, M. Wauquiez a proposé de réserver le RSA 
aux étrangers travaillant depuis cinq ans minimum en France. Il ignorait 
visiblement que la loi instaurant le revenu de solidarité active prévoit 
déjà exactement la même chose : il faut être en possession d'un titre de 
séjour et d'une carte de travail depuis au moins cinq ans pour 
bénéficier du RSA si on est natif d'un pays extérieur à l'Union 
européenne. Pour les ressortissants de l'UE, ce délai est de trois mois, 
et ceux-ci ne peuvent prétendre au RSA s'ils sont entrés en France pour 
y chercher un travail. Les conditions sont tellement restrictives que 
des associations comme le Gisti avaient protesté lors de la mise en 
place du revenu de solidarité active.

"Notre drame, c'est ce délitement des classes populaires, qui ont connu 
le plein emploi et dont le monde s'effondre avec le chômage de masse, 
résume Henri Sterdyniak. Ils voient des travailleurs immigrés dont ils 
ont l'impression qu'ils les tirent vers le bas, et ils ont l'impression 
que les aides vont vers ces populations plutôt que vers eux, ce qui 
n'est pas vrai. Laurent Wauquiez ne fait que soutenir cette idée reçue 
pour tenter de capter un électorat déboussolé, qui est passé du vote 
communiste au vote FN."


Samuel Laurent

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Les minima sociaux français

- Le RSA (revenu de solidarité active) a remplacé le RMI (revenu minimum 
d'insertion) et l'allocation de parent isolé en 2009 : 466 euros mensuel 
maximum pour une personne seule.

- L'allocation aux adultes handicapés (AAH) : 727,61 euros maximum

- L'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI) : 388,05 euros maximum

- L'allocation de solidarité spécifique (ASS) pour les chômeurs en fin 
de droits : 460,51 euros maximum

- L'allocation d'insertion remplacée par l'allocation temporaire 
d'attente (ATA) pour les demandeurs d'asile et les ex-détenus : 324,55 
euros maximum

- L'allocation supplémentaire de vieillesse et l'allocation de 
solidarité aux personnes âgées (ce qu'on nomme "minimum vieillesse") : 
708,95 maximum

- L'allocation veuvage (AV) : 565,13 euros maximum

- L'allocation équivalent retraite-remplacement (AER) : 995,40 euros maximum

- Le revenu de solidarité (RSo) pour les personnes sans emploi de plus 
de 55 ans outre-mer : 860,72 euros maximum, en fonction des revenus

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Denis Lebioda
Chargé de mission 
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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