[Infoligue] Formation aux métiers du sport : indignons nous !

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Mar 11 Déc 08:51:40 CET 2012


Formation aux métiers du sport : indignons nous !

par Patrick Bayeux
Publié par : Lettre d'information des Acteurs du Sport 386
Le : 11/12/2012

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Hormis quelques ultras spécialistes, plus personne ne comprend rien au 
maquis des formations et des diplômes aux métiers du sport. Entre 
l'éducation nationale et la jeunesse et sports qui se font la guerre 
depuis 30 ans, les fédérations sportives avec des brevets et des titres, 
les partenaires sociaux avec des certificats, qui jouent les troubles 
faits qui aura le courage de siffler la fin de la partie ?

Difficile de désigner le vainqueur de cette confrontation stérile qui au 
final nuit aux diplômés et aux employeurs tellement l'offre de formation 
s'est complexifiée et est devenue illisible voire inadaptée aux besoins. 
Les tables rondes de 97, les rapports de Jean Camy (2002) et Jean 
Bertsch (2008) ont tous réaffirmé le même diagnostic et rien n'y fait. 
Chacun cultive son territoire et sa chapelle. Le ministère des sports 
regarde du coté des règlements toujours plus nombreux qui en font un 
véritable camp retranché, les Staps restent obnubilés par leur place 
académique dans l'Université. Et au milieu, les usagers ne s'y 
retrouvent plus... il y a de quoi s'indigner !

Considérons qu'il y a 1 partout (ou 65 partout tellement la course est à 
la multiplication des diplômes titres et autres CQP) et qu'on siffle 
aujourd'hui la fin de la première mi-temps.

Pour engager la seconde mi temps il faut toutefois définir de nouvelles 
règles à partir d'un constat porté sur les formations STAPS et sur les 
formations JS.

La diversification des formations STAPS à partir des années 80 a donné 
naissance à des diplômes professionnels dont on peut constater qu'ils 
pourraient être mieux adaptés aux réalités de l'emploi.

- Mieux adaptés quant à leur niveau de délivrance par rapport aux 
besoins des employeurs et à leur incapacité à rémunérer des sur 
diplômés. Le niveau 2 (Licence) reste un niveau où peu d'emplois sont 
offerts. Pourquoi alors aller encore plus loin en favorisant l'accès à 
des masters (niveau 1) qui proposent encore moins d'emplois, hormis 
l'enseignement ?

- Mieux adaptés quant à leur contenu. En cherchant à répondre à deux 
logiques : d'une part la recherche et d'autre part la 
professionnalisation, sans jamais réussir à faire de choix les STAPS ont 
produit des générations de diplômés qui ne sont ni des chercheurs, ni 
des personnes parfaitement adaptées aux réalités de l'emploi. Résultat 
les STAPS sont aujourd'hui challengés voire dépassés par les IAE ou les 
écoles de commerce sur le management, par les spécialistes de la santé 
sur les formations APA ou entrainement..... En plus la filière STAPS 
rechigne à valoriser ses diplômes professionnels et continue à 
sélectionner sur des critères académiques.
- Mieux adaptés quant à la réalité de l'emploi. Les STAPS se sont 
développés sur une logique de proximité des formations. Mais comment 
imaginer que l'on puisse former à très haut niveau dans tous les 
secteurs professionnels et partout en France ?


Du coté jeunesse et sports, la traduction de la réforme de la formation 
professionnelle a donné naissance à la CPC des métiers du sport et de 
l'animation et à une vaste réforme des diplômes. Exit les BEES, les 
brevets fédéraux, place aux brevets professionnels ( BP), aux diplômes 
d'Etat (DE) et diplômes d'Etat supérieur (DES). Jeunesse et sports a 
joué sa survie et a inondé le marché de certifications. « Il faut faire 
tourner la machine ». Concrètement, ce ministère émet des diplômes et 
s'appuie sur des opérateurs de formations privés plus que sur les CREPS 
pour former à ses propres diplômes. Résultat une offre de formation 
dictée par différents lobbies, (les fédérations, les formateurs, les 
organismes de formation ) et donc très chère (Plus de 8000 euros pour un 
BP...) mais surtout, une offre de formation non construite à partir de 
la carte des emplois (« ouvrir à tout prix peu importe les besoins » 
telle est la devise ! ) . On compte plus d'une vingtaine de ! BP (niveau 
IV) certains comportent une douzaine d'unités capitalisables 
complémentaires et autant de certificats de spécialisation ! A qui 
profite cette pétaudière ? Pas au personnel du ministère des sports en 
tout cas. Le ministère est passé d'un service public de formation à un 
service public de certification.
En effet à l'exception de quelques professeurs de sports (qui résistent 
!) dans les CREPS et continuent à pratiquer le face à face pédagogique, 
dans le meilleur des cas les professeurs et inspecteurs font de 
l'ingénierie de formation mais le plus souvent se contentent de tout 
sous traiter (y compris sur les activités à environnement spécifique ! ) 
et de certifier à la chaine. Et la tendance n'est pas à la raison...  la 
capacité de création de nouveau BP, DE, DES semble infinie jusqu'à très 
récemment la création d'un DES de directeur de structure (clubs 
équipements ) par un CREPS.

Dernier constat sur l'évolution de la réglementation relative à 
l'encadrement des APS (même si les métiers du sport ne se limitent pas 
au seul face à face pédagogique) qui est le miroir de la formation. On 
ne peut que déplorer la sur abondance de réglementation, (dans un souci 
peut être lié au renforcement de la sécurité), qui au final a largement 
freiné les initiatives locales qu'il s'agisse des sorties scolaires, des 
pratiques physiques dans les centres de vacances, .. voire même de 
l'encadrement bénévole. La réglementation reste une arme de protection 
illusoire d'un marché sous la pression des lobbies. Du stand up paddle à 
la Zumba, toutes les nouvelles pratiques génèrent presque instantanément 
une réglementation....

Ultime paradoxe et conséquence de cette dérive, les emplois d'avenir 
risquent de se transformer en formations d'avenir. Ces emplois réservés 
aux jeunes de 16 25 ans peu ou pas qualifiés n'ont aucun avenir dans le 
sport sauf à intégrer immédiatement une formation puisqu'ils ne peuvent 
travailler dans ce secteur sans un diplôme. On imagine bien un jeune en 
situation d'échec scolaire à qui on va faire signer un emploi sous 
réserve qu'il passe une formation un BP bien sur d'au mois 1200 heures ! 
On peut d'ores et déjà parier que cela va se transformer en un marché 
juteux de la préformation pour les opérateurs qui se saisiront de cette 
opportunité

Fort de ce constat qui mériterait je vous l'accorde quelques nuances 
voici nos propositions.

1 - accélérer la création des CQP (en remplacement des diplômes fédéraux 
historiques) pour fluidifier le recrutement dans les clubs et les 
structures saisonnières notamment. Cela correspond à de vrais besoins 
non satisfaits sur des temps partiels ou très partiels, des emplois 
occasionnels ou saisonniers uniquement.


2 - Penser une vraie formation initiale professionnelle. 140000 jeunes 
sortent des lycées sans qualification. Et il faut attendre qu'ils soient 
bien en échec pour les reprendre via des dispositifs et des diplômes 
incroyablement couteux pour la collectivité. Pourquoi un bac sport ne 
permettrait il pas d'encadrer les APS et d'aller chercher de vrais 
emplois, tout en résorbant les sorties précoces du système ? Cela 
couterait moins cher, éviterait à certains d'aller à l'échec dans la 
filière STAPS toujours plus sélective et leur permettrait de revenir 
plus tard éventuellement vers des formations de plus haut niveau.

3- Fusionner les référentiels de formations professionnelles de niveau 
III et II délivrées aujourd'hui par Jeunesse et Sports d'une part et 
l'Education Nationale d'autre part. Cela mettrait fin à la double 
certification et chacun saurait qu'il dispose des mêmes compétences quel 
que soit le diplôme ; Il faut absolument que le système puisse 
fonctionner sur le mode Une formation, un diplôme, un emploi.

4 - Intégrer totalement les logiques d'alternance et de formation 
continue. Les publics en formation et les trajectoires sont déjà très 
différentes. Pensons alors d'abord à coordonner le système via ces 
logiques plutôt que de cultiver les différences et la complexification.


5 - Renforcer la filière universitaire sur la logique de recherche et 
sur ce sujet on laissera aux éminents professeurs qui siègent à l'AERES 
(structure très largement contestées aujourd'hui ! cf l'article du monde 
) le soin de dire si les STAPS sont une science ou plus modestement si 
le sport est un champ d'application d'autres sciences ou disciplines, la 
médecine, les sciences sociales, les sciences de gestion, l'architecture 
l'urbanisme, ....

Quant aux acteurs ils semblent assez naturel que les CQP soient pris en 
charge par les partenaires sociaux et les fédérations, la filière 
académique universitaire par les universitaires et le reste des 
formations par un service public de formation aux métiers du sport 
renouvelé coordonné par des référentiels identiques.


Sur ces bases nous pensons que nous pouvons siffler le début de la 
seconde mi temps. Seconde mi temps qui doit en premier lieu être 
destinée jeunes aux emplois et à l'intérêt public mais la pause entre 
les deux mi temps risque d'être longue.

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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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