[Infoligue] Education populaire et intervention sociale
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Ven 11 Mai 08:47:59 CEST 2012
Education populaire et intervention sociale
Compte-rendu de la conférence-débat INJEP du 15 mars 2012
Publié par : http://www.injep.fr/Education-populaire-et?xtor=EPR-3
Le : jeudi 12 avril 2012
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Quels liens entre éducation populaire et action sociale ? A l’occasion
des Troisièmes journées nationales de la recherche sociale et de la
parution d’un numéro d’Agora débats/jeunesses sur cette question,
l’INJEP et le Conservatoire national des arts et métiers ont organisé
une conférence-débat pour participer à la réflexion. Morceaux choisis.
A l’occasion des Troisièmes journées nationales de la recherche sociale
qui portaient sur l’ « action collective, au croisement du social et du
politique », l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation
populaire (INJEP) et le Conservatoire national des arts et métiers
(CNAM) organisaient, jeudi 15 mars, une conférence-débat intitulée «
Education populaire et intervention sociale », thème du dossier central
du numéro 58 de la revue Agora débats/jeunesses. Ce dossier traite des
rapports entre l’intervention sociale et l’éducation populaire auprès
des personnes vulnérables et précaires. Cette conférence-débat
ambitionnait d’en diffuser les idées et les enjeux en présence de John
Ward, chercheur en histoire du travail, formateur de travailleurs
sociaux, Fabienne Brugel, metteur en scène de la compagnie théâtrale
Naje (Nous n’abandonnerons jamais l’espoir), Martine Dutoit, enseignante
chercheur à l’Institut international de recherche action (2ira) et au
centre de recherche sur la formation du Conservatoire national des arts
et métiers. L’événement était animé par la sociologue, maître de
conférences au Laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie
économique (Lise), Sylvie Rouxel.
Modèles anglo-saxons et français
Fondant son intervention sur la comparaison entre les modèles
anglo-saxons et français, John Ward a rappelé que « l’action sociale aux
USA est plus puissante » qu’on ne l’imagine en France, mais le « virage
libéral pris par les sociétés anglo-saxonnes et leur projet de « ‘high
society’, où l’action sociale est mise entre les mains des bénévoles au
détriment des professionnels, a constitué une constante qui touche tous
les pays développés ». Or, note-t-il, s’il y a « communauté d’idées
politiques entre Ronald Reagan, Margaret Thatcher, David Cameron, ce
n’est pas une communauté en matière de culture. En Grande-Bretagne, il y
a aussi un Etat-providence assez développé, qui n’est pas fédéral
contrairement aux USA, et où les pouvoirs locaux sont extrêmement
organisés ». Selon John Ward, dans la tradition de l’action
communautaire anglaise, « la question du lien entre action sociale et
éducation populaire peut paraître étrange ». En effet, « l’intervention
sociale et l’éducation au sens large se confondent dans la conception
britannique ». Cela renvoie, explique-t-il « à des idéaux de relations à
autrui marquée par ce qu’on appelle le pragmatisme philosophique et sur
l’idée que vivre en société c’est s’éduquer. A l’école il faut donc des
méthodes actives. Et si on monte un théâtre dans un settlement
[équivalent de centre social en Grande-Bretagne - NDLR], il faut le
meilleur metteur en scène pour toute la population. Les gens vont s’y
exprimer d’une manière différente d’un professionnel. L’enjeu ne tient
pas dans la concurrence entre amateurs et professionnels, mais dans la
possibilité de grandir ensemble et de le faire bien et efficacement. »
Croiser les savoirs en sortant du principe de hiérarchie
Fabienne Brugel s’interroge pour sa part sur le « hiatus » entre la
fonction de l’éducateur populaire et le projet de société dans lequel il
s’inscrit. « Dans les milieux humanistes on se demande s’il faut
rééduquer les gens, si les gens doivent participer et participer à quoi
? Et s’ils faut se situer dans l’action politique et/ou la
conscientisation ». Pour elle « Le théâtre c’est d’abord la mise en
scène du conflit ». Citant l’exemple du Théâtre de l’opprimé [1],
Fabienne Brugel juge qu’y est mené « un travail d’éducation populaire,
dans la mise en représentation des conflits, conflits de personnes,
conflits politiques. »
« Les pratiques ne sont pas seulement des modèles culturels, mais aussi
des contextes personnels et historiques où la petite histoire rencontre
la grande histoire », estime pour sa part Martine Dutoit, pour qui « ce
maillage raconte des rapports sociaux et politiques contraignants dans
lesquels baignent les professionnels comme les bénéficiaires ». Le pari
de l’éducation populaire « repose sur l’idée de croiser les savoirs en
sortant du principe de hiérarchie. Il n’y a pas de savoir qui serait
au-dessus, mais des enrichissements apportés par chacun pour faire
société ».
Dépasser les identités
Selon l’enseignante-chercheur, la pensée de la politique de l’action
sociale a progressivement réalisé une partition entre publics. « Cela a
permis aux acteurs de se professionnaliser, mais en même temps, cela
conduit à penser par étiquettes avec des repérages pour mieux agir qui
se sont imposées comme des identités », analyse Martine Dutoit. Or,
celle-ci estime que « l’éducation populaire permet de dépasser les
identités qui enferment les gens dans une logique de prestation sociale
; laquelle ne peut plus se réaliser avec la fin de l’Etat-providence ».
Dans cette perspective, les personnes deviendraient alors productrices
des solutions plutôt que des objets, des bénéficiaires de l’action
sociale. Dès lors, certains acteurs de l’éducation populaire croient
constater que « le social et la santé, se rejoignent dans des dynamiques
transverses comme l’exclusion, rendant encore plus indispensable la
réappropriation de l’espace public et l’usage d’outils de co-éducation,
de collectifs vivants et militants », fait-elle valoir.
La participation, avenir de l’éducation populaire
Pour Sylvie Rouxel « l’éducation populaire essaie de retrouver des
pistes de positionnement autour d’un projet politique qu’il convient
d’interroger » à l’heure où les pouvoirs publics poussent à davantage de
participation des populations aux décisions qui les concernent. Avec les
lois sur la participation « il est permis de pousser des logiques
propres à l’éducation populaire avec les personnes fragiles et
précaires. Sans être démiurge, aider à occuper l’espace public c’est
s’ancrer dans la réalité des personnes », relève Martine Dutoit. Elle
pointe une conception novatrice d’un « droit citoyen », envisagé à
partir du point de vue de « ceux qui le vivent et non pas à partir du
point de vue de ceux qui savent ».
Dès lors, « nous avons plus que jamais besoin de l’éducation populaire
dans un contexte de crise sociale, économique et environnementale, avec
un redéploiement des inégalités et une crise de la représentativité »,
fait valoir Fabienne Brugel. L’enjeu de l’articulation entre le travail
social et l’éducation populaire prend aujourd’hui, dans le cadre de la
fusion des services déconcentrés, les couleurs de l’urgence, selon un
intervenant, directeur départemental de la cohésion social : « Il faut
qu’on arrive à faire travailler ensemble le projet d’éducation populaire
et le projet d’intervention sociale. C’est le cœur des enjeux qui sont
les nôtres : quelles synergies entre ces deux mondes sont possibles ?
Comment les faire vivre ? Il nous faut innover pour dépasser les
tensions entre cultures de métiers. »
[1] Courant théâtral conçu par Augusto Boal dans les années 60 au sein
des favelas de São Paulo. Il se fonde sur l’improvisation et la mise en
scène de sujets à dominantes sociales, économiques ou sanitaires.
L’obiectif est l’information et la prise de conscience des populations
opprimées d’une façon ou d’une autre - NDLR.
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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